Tous locataires de notre terre!

0

Par Anny Schneider


En vieillissant, j’observe et je ressens avec une acuité grandissante les effets bienfaisants de la nature sur mon état intérieur et de santé générale, mais aussi l’ampleur des dégâts effectués sur tant de beauté perturbée en même temps que l’environnement.
 
Je ne doute pas que vous, écologistes, connaissiez tous à un moment donné, cet état d’émerveillement renouvelé au contact du spectacle de la nature, déployée dans toute sa puissance et splendeur, si on n’y met pas de freins, encore plus gratifiante quand on en est partie prenante ou interprète avisée.
 
Me promenant hier près d’un bras de la rivière Yamaska, qui y faisait un beau lacis pour contourner un obstacle invisible pour nous, j’étais estomaquée de voir dans cette zone en danger de destruction imminente, coincée entre un projet de condos et un nouveau centre d’achat de luxe, un tableau incroyable de fulgurante vitalité.

Se déployaient là d’immenses colonies de Symplocarpe fétide, plante à l’étrange spathe grenat, serti d’un amas de graines dégageant une odeur de décomposition typique, faite pour attirer les insectes pollinisateurs mais de forme tellement ingénieuse, si abondante et stylisée que j’en étais baba. Celui-ci avoisinait le vératre vert, antispasmodique puissant mais toxique à faible dose. Aussi, fait étrange à cet endroit, y surgissaient de nombreuses touffes vigoureuses d’ortie dioïques étrangement présentes ici, comme pour équilibrer le tout de leur forte présence mercurienne, assainissante, minérale et équilibrante. Comme nombre de mes collègues sourcières hypersensibles, j’anthropomorphise les plantes, souvent bien plus « humaines » que nous! Ainsi donc, tout ce beau monde croît, se développe, fleurit et s’égrène, en joyeuse interdépendance respectueuse, sous l’ombre bienveillante de grands saules noirs au bourgeonnement doré. Ceux-ci rétentionnent pour elles la riche terre d’alluvions de la rivière, souvent en crue durant les saisons de transition.


Que d’extases bienfaisantes on peut vivre dans de tels micros paysages, si fascinants quand on sait les interpréter. Hélas! dans notre région estrienne au surdéveloppement urbain accéléré, pourvue d’une vision périphérique faisant les liens, la colère est souvent toute proche de poindre derrière l’émerveillement, devant tant d’écocides absurdes et définitifs, souvent d’ordre économique, où les intérêts privés prennent le pas sur le bien commun et le développement durable. 
 
Je reviens souvent à cette sage parole de Mme Céline Caron, merveilleuse biologiste et écologiste quand je lui demandais ce qu’on pouvait faire de mieux pour la forêt, summum du développement naturel spontané : « Qu’on lui fiche la paix! » m’a-t-elle dit avec son franc-parler habituel, sans vouloir escamoter son discours général, si passionné et passionnant de biologiste holiste.

En tant qu’herboriste sauvage, en voyant des espèces médicinales disparaître successivement et ce, à une allure fulgurante et parallèlement leurs écosystèmes se dégrader, je ressens viscéralement ces pertes et je m‘implique régulièrement et ponctuellement dans des causes environnementales qui me semblent prioritaires. Quotidiennement, l’actualité et des rapports scientifiques de savants du monde entier, pointent le fait que notre planète est en danger de destruction accélérée et que, pour la freiner, de plus en plus de gens doivent s’employer à des mesures pour changer notre mode de vie et ainsi faire durer notre monde. Je vous rappelle encore une fois que, tout récemment, à quatre filles très motivées, grâce à Internet bien utilisé, nous avons contribué à rallier les gens de cœur et de bons sens du coin, et avons ainsi grandement contribué à sauver une forêt centenaire à Granby . 

 
Faites pareil dans votre coin!

« Penser  globalement, agir localement », disait Lovelock et m’a répété encore récemment Richard Desjardins, grand guerrier pacifique, poète et protecteur de la forêt boréale, à qui je demandais aussi que faire de plus pour sauver notre forêt? «Tous les moyens non-violents sont bons, a-t-il ajouté: lettres ouvertes dans les blogues et journaux, prises de parole au conseil municipal, démarrer et signer des pétitions,convaincre les gens verbalement et s’impliquer dans des associations locales et
nationales, mais il faut les achaler souvent, en gang, et avec des experts et de gens connus, c’est encore mieux…. ».
 
Les moyens d’action ne manquent  pas, juste les ouvriers crédibles, fidèles et vaillants… Pourtant, maintenant c’est de plus en plus clair que c’est notre survie en tant qu’espèce, même à moyen terme qui est en jeu, et encore bien plus, celle nos enfants. Un adage populaire dit que : « Celui qui ne dit mot consent ». Par conséquent : observez, réfléchissez et faites votre part pour la terre, ciblant votre priorité locale la plus criante dans le domaine environnemental et exprimez-vous avant qu’il ne soit trop tard!
 
Je ne veux pas être alarmiste, mais certains scientifiques le sont bien plus que moi et, par ailleurs, ces jours-ci, trop d’élus empruntent le manteau vert pour se faire du capital politique et parlent beaucoup mais n’agissent pas. Ne faites pas comme eux! 


Parlant de nature à sauver, il s’agit avant tout de garder accessible cette beauté renouvelée et par- delà, vous le savez comme moi, de préserver notre santé. Pour cela, nous ne doutons pas de l’importance, autant des vertus médicinales de notre bel univers végétal que des multiples fonctions assainissantes d’un milieu naturel à préserver pour nous, et également pour la suite du monde, nos petits et les leurs. À nous de tout faire pour garder accessibles à jamais ces si précieux messages de la nature et des territoires sauvages, hélas, déjà trop rares! Comme l’écrivait à ce propos si justement  notre modèle d’herboriste à tous, Danièle Laberge, dans le cahier Herbart J’effeuille, tu es feuille : « Même un tout petit bois est un maître pour qui sait arrêter son pas, écouter ce qui s’y chuchote et voir ce qui s’y déploie.» 
 
Vous m’avez bien compris, j’en suis certaine. Par conséquent, en tant qu’organisme vivant et conscient, en mammifères soi-disant supérieurs que nous sommes, nous avons le devoir et le pouvoir d’agir positivement sur notre univers en transformation constante et j ‘ai confiance que vous le ferez à point nommé.
 
Gardez aussi en mémoire ces belles paroles du grand philosophe-phare intemporel qu’est Johann Wolfgang  Von Goethe: « Il n’existe rien dans la nature qui ne soit en relation avec le Tout! ».



Par Anny Schneider
Auteure, herboriste, environnementaliste 
et/ou fantaisiste, selon l’heure et le chapeau!

Partager.

Répondre