Feu vert au Livre vert?

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La consultation publique sur le Livre vert de la forêt, « La forêt, pour construire le Québec de demain », a pris fin le 28 mars dernier. Voici l’analyse qu’en font les candidat(e)s au doctorat et à la maîtrise membres du Centre d’étude de la forêt (CEF).

 

Par Maryse Marchand
Résumé du mémoire produit par 28 étudiants et endossé par 15 autres,
tous du Centre d’étude de la forêt (CEF),
Université du Québec à Montréal (UQAM) et
Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)


 

 

Le régime forestier actuel n’est pas en mesure de répondre aux ambitions de développement durable du Québec. Des changements importants doivent y être apportés afin de réduire les  inquiétudes environnementales et sociales manifestées par la population depuis de nombreuses années. Pour ce faire, une réflexion approfondie et des consultations publiques à travers la province sont nécessaires dans le but d’élaborer un plan de gestion durable de la forêt publique québécoise et de définir ses modalités. Dans cette optique, le Livre vert sur la forêt, préparé par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune, est considéré comme un pas dans la bonne direction.

Dans le cadre de la consultation publique sur le Livre vert, plusieurs étudiant(e)s aux cycles supérieurs du Centre d’étude de la forêt (CEF) ont décidé de faire connaître leur point de vue. De façon générale, ils soulignent l’effort déployé par le gouvernement en vue de changer le régime forestier. Toutefois, ils estiment que plusieurs points restent à éclaircir avant l’adoption d’un nouveau régime et que le temps alloué aux consultations publiques est trop court pour y réfléchir de façon approfondie. Les signataires estiment donc que la présente consultation devrait être suivie de l’élaboration d’un Livre blanc et d’une nouvelle ronde de consultations publiques.

Voici, pour chacune des orientations présentées à l’intérieur du Livre vert, une synthèse des éléments qui ont interpellé les signataires.

Orientation 1 : Favoriser la mise en valeur des ressources par l’implantation d’un zonage forestier

Les signataires sont en accord avec le concept général du zonage forestier, mais jugent que de nombreuses précisions sont nécessaires et qu’il est important d’établir d’abord les aires de conservation avant de déterminer le zonage du reste du territoire. Ils soulignent que le Ministère devrait se laisser une marge de manœuvre (par exemple, en n’allouant pas la totalité de la possibilité forestière), viser un seuil d’au moins 12 % par province naturelle (c’est-à-dire représentatif de l’éventail des caractéristiques naturelles générales du territoire québécois) pour 2010 pour le réseau d’aires protégées et se soumettre aux conditions décrites à l’intérieur du mémoire sur l’utilisation du concept d’aménagement écosystémique ainsi que les traitements utilisés en sylviculture intensive.

Orientation 2 : Recentrer le rôle du Ministère sur ses responsabilités fondamentales

En ce qui a trait au rôle du MRNF, les étudiants soulignent que celui-ci doit demeurer le gardien de la ressource forestière et se doit d’en faire la promotion. Une meilleure concertation entre le MRNF, le MDDEP et les différents organismes de recherche universitaire est nécessaire afin d’arriver à une saine gestion de la forêt. De plus, ils estiment qu’un assouplissement de la réglementation forestière permettrait de mieux assimiler les nouvelles connaissances et devrait, par la même occasion, s’arrimer aux nouvelles structures de certification et de recherche. Enfin, les signataires estiment que le Ministère devra faire un plus grand effort afin de rendre disponible ses données cartographiques et d’inventaire forestier pour la recherche. Notons qu’en Ontario, elles sont partagées gratuitement.

Orientation 3 : Confier à des acteurs régionaux des responsabilités en matière de gestion forestière

Les signataires sont en accord avec le principe de la régionalisation des responsabilités de gestion de la forêt publique, mais demandent une représentativité et une répartition équitable du pouvoir décisionnel entre toutes les parties prenantes, particulièrement en ce qui a trait aux peuples autochtones. Ils considèrent que le MRNF devra aussi voir à ce que les budgets, le personnel compétent (équipes multidisciplinaires) et les infrastructures administratives nécessaires soient transférés aux régions pour que ces dernières puissent assumer leurs nouvelles responsabilités adéquatement. De plus, les consultations avec les autochtones devront être remplacées par des concertations et un réel soutien.

Orientation 4 : Confier à des entreprises d’aménagement certifiées la réalisation des interventions forestières

Les étudiants sont en accord avec l’attribution de contrats d’aménagement à des entreprises certifiées, ce qui est prévu par les normes de certification forestière établies par le Forest Stewardship Council (FSC), et appuient le MRNF dans sa décision d’en promouvoir l’obtention pour l’ensemble du territoire.

Orientation 5 : Promouvoir une gestion axée sur l’atteinte de résultats durables et la responsabilisation des gestionnaires et des aménagistes

Le principe de gestion par objectifs comme mécanisme adaptatif paraît pertinent aux signataires, qui soutiennent l’idée de favoriser l’innovation par des avantages fiscaux et financiers aux entreprises et croient que des incitatifs au développement des communautés régionales doivent être mis en place.

Orientation 6 : Favoriser un approvisionnement stable de matière ligneuse en instaurant un droit de premier preneur

Les étudiants appuient l’allocation de 75 % de l’attribution de la ressource en droit au premier preneur et d’un minimum de 25 % aux enchères, mais suggèrent que ces proportions puissent être assujetties à des réévaluations et soulignent le fait que la proportion de 25 % mise aux enchères devra comprendre du bois de qualité (du bois sans nœud par exemple) qui permettra d’élaborer des produits à forte valeur ajoutée.

Orientation 7 : Établir un marché concurrentiel des bois provenant des forêts du domaine de l’État

Les signataires accueillent favorablement la mise en place d’une telle structure, tant pour ses avantages au point de vue de la valeur marchande accordée au bois, que pour la place qu’elle ouvre aux nouveaux joueurs. Ils soulignent cependant qu’un prix plancher devrait être établi afin d’obtenir les ressources financières suffisantes pour assurer un bon aménagement forestier et des conditions de travail adéquates aux travailleurs sylvicoles.

Orientation 8 : Créer un fonds d’investissements sylvicoles pour la sylviculture intensive

Les étudiants approuvent la création d’un tel fonds mais émettent des doutes quant à son financement par la location de territoires pour les crédits de carbone. Le marché des crédits de carbone est loin d’être développé et il serait imprudent de s’attendre à en tirer des revenus importants. Ils suggèrent également qu’il soit élargi à d’autres formes d’investissement en forêt, comme dans les projets de foresterie communautaire, de foresterie alternative et en recherche et développement.

Orientation 9 : Se doter d’une stratégie de développement industriel axée sur des produits à forte valeur ajoutée

Les étudiants sont en accord avec la volonté du Ministère de valoriser les produits de 2e et de 3e transformation et jugent qu’il devrait également viser l’utilisation de bois certifié pour ces nouveaux produits. Par contre, les signataires s’opposent à l’utilisation de la biomasse forestière pour la création de biocarburants sauf pour les résidus d’usines ainsi que les andins déjà existants. Le bois mort joue un rôle important dans l’écosystème et l’industrie du bioéthanol ne cadre pas avec une perspective de développement durable et ne se qualifie pas comme moyen efficace de lutte aux changements climatiques.

Pour de plus amples informations sur le Centre d’étude de la forêt (CEF) ou sur les différents projets des étudiants signataires, voir au : www.cef-cfr.ca

Pour consulter l’enemble du mémoire, cliquez ici.

 


Par Maryse Marchand
Résumé du mémoire produit par 28 étudiants et endossé par 15 autres,
tous du Centre d’étude de la forêt (CEF),
Université du Québec à Montréal (UQAM) et
Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)

 
Ont signé :

Adam, Marie-Christine, UQAM
Arbour, Marie-Lyne, UQAM
Aubin-Fournier, Louis-Daniel, UQAT
Bastien-Henri, Sara, UQAM
Beaulieu, Eric, UQAM
Bilodeau Gauthier, Simon, UQAM
Boivin, Frédéric, UQAM
Cheveau, Marianne, UQAT
Gendreau-Berthiaume, Benoit, UQAM
Goudiaby, Venceslas, UQAT
Graignic, Noémie, UQAT
Hibbert, Annie C., UQAM
Jacobs, Joshua, UQAM
Janssen, Philippe, Université Laval
Jayen, Karelle, UQAM
Jetté, Anne, UQAT
Lacombe, Simon, Université de Sherbrooke
Larouche, Mario, UQAM
LeBel, Philippe, Université de Sherbrooke
Lemieux, Julie, UQAM
Longpré, Félix, UQAM
Madoui, Amar, UQAM
Malo, Catherine, UQAM
Mansuy, Nicolas, UQAM
Marchand, Maryse, UQAM
Marino, Giancarlo, Université de Sherbrooke
Michel, Jean-Philippe, UQAM
Moulinier, Julien, UQAT
O’Connor, Christopher, UQAM
Ouellet-Lapointe, Ugo, UQAM
Paradis, Simon, UQAM
Patry, Cynthia, UQAM
Paul, Véronique, UQAT
Robert, Emilie, UQAT
Robert, Louis-Etienne, UQAM
Roy, Christian, UQAT
Rudolph, Tyler, UQAM
Sainte-Marie, Guillaume, UQAM
Soucy, Joël, UQAT
Trudeau, Caroline, UQAT
Turcotte, Elizabeth, UQAM
Witté, Isabelle, UQAM
Yelle, Véronique, Université Laval

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