Le pétrole – Attendrons-nous d'en manquer avant d'agir?

0

Par Philippe Bourke
Directeur général du Regroupement des conseils régionaux de l’environnement
et Daniel Groleau
Directeur général du Conseil régional de l’environnement et du développement durable du Saguenay-Lac-St-Jean


 

 

Le prix du baril de pétrole est tout près du double de ce qu’il était l’an dernier. Et pourtant, c’est tout comme s’il s’agissait d’un simple fait divers. En fait, malgré quelques analyses isolées et plutôt factuelles, il est assez déconcertant de constater à quel point ce bond spectaculaire semble se réaliser sans que de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer une profonde remise en question de notre modèle énergétique. Cette situation ne devrait-elle pas nous allumer sur la dangereuse précarité de notre dépendance à cette ressource non renouvelable?

Le pétrole représente 40% de toutes les énergies primaires consommées au Québec (charbon, gaz naturel, éolien, hydroélectricité, biomasse, nucléaire et pétrole). Dans ces conditions, la perspective de la diminution de l’offre laisse entrevoir pour très bientôt de profonds bouleversements dans nos façons d’imaginer le développement humain, non seulement au Québec, mais à travers l’ensemble de la planète. Ne serait-il pas responsable de se questionner sur la place du pétrole dans nos vies et d’en planifier dès maintenant le retrait?

Cela dit, l’absence de pétrole annonce-t-il une catastrophe? Et si le Québec avait les atouts pour s’engager progressivement et de façon planifiée sur la voie de l’indépendance au pétrole, relevant ainsi le défi des changements climatiques tout en assurant son développement économique?

 

Des opportunités à saisir?

Le Québec est un importateur net de pétrole. Cette réalité affecte négativement et de plus en plus sa balance commerciale (en déficit d’environ 10 milliards de $ en 2008). En fait, chaque hausse de son prix s’accompagne d’une augmentation de ce déficit commercial. Ainsi, moins consommer de pétrole, ce n’est pas uniquement un enjeu environnemental, c’est aussi un enjeu économique important.

Dans un récent rapport sur la question, Patrick Déry, spécialiste en énergétique, propose un scénario techniquement et économiquement réaliste qui permet d’envisager un Québec sans pétrole d’ici 2030. Ce scénario repose d’abord sur une réduction globale de la consommation d’énergie. Ensuite, il suggère l’utilisation de la biomasse forestière pour produire des carburants liquides et de la chaleur, une production plus importante d’hydroélectricité et d’éolien, l’utilisation du solaire de façon passive et technologique, le développement de la géothermie, une utilisation judicieuse du gaz naturel, etc. Qui ne voudrait pas au moins réfléchir à relever un tel défi?

L’indépendance au pétrole peut en fait constituer un projet rassembleur, porteur d’opportunités économiques et sociales, bref un véritable moteur de développement pour les décennies à venir. Sans compter les bénéfices liés à la réduction des gaz à effet de serre et à l’amélioration de la qualité de l’air.


Les conditions

La question de l’approvisionnement futur en pétrole et de ses conséquences pour le Québec doit donc être examinée attentivement. Et une telle démarche est beaucoup trop importante pour être l’objet de partisanerie ou d’opportunisme politique. La société civile entière doit se mobiliser derrière un tel défi dans le cadre d’une démarche structurée.

Premièrement, il faut une stratégie d’information et d’échange efficace. Que la diminution de la production mondiale de pétrole arrive en 2015, 2020, 2040, qui sait, reconnaissons d’abord collectivement que celle-ci va se produire un jour, et que conséquemment, il serait sage de s’y préparer plutôt que de la subir.

Ensuite, considérant que le choix des actions à entreprendre et des filières à développer — biomasse forestière, hydroélectricité, éolien, solaire, géothermie, etc. — auront nécessairement des répercussions sur le développement régional, il faudra instaurer un mécanisme de dialogue serein qui réunira tous les acteurs de développement qui interviennent à cette échelle.

Une troisième étape devra réunir le gouvernement et les acteurs clef de la société civile au sein d’un Forum québécois sur la dépendance énergétique. De là pourront jaillir des objectifs, des stratégies et des moyens d’actions qui permettront à la société québécoise de tirer profit des opportunités d’un tel projet, à travers un plan d’action ambitieux et cohérent. Si les conditions sont au rendez-vous, nous ne sommes pas très loin où environnementalistes, banquiers, politiciens, syndicats et scientifiques partageront tous une vision commune.

 



Par Philippe Bourke
Directeur général du Regroupement des conseils régionaux de l’environnement
et Daniel Groleau
Directeur général du Conseil régional de l’environnement et du développement durable du Saguenay-Lac-St-Jean

Partager.

Répondre