Spécial élections québécoises 2008 – La crise économique ne doit pas faire oublier les problèmes écologiques

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Par Pierre Daigneault
Président de Bleu environnement

Emploi, éducation, accommodements raisonnables, économie : ce sont tous des sujets très populaires auprès des politiciens en quête d’un mandat pour la gouverne du Québec. Nous ne saurions dire que les grands partis en lice abordent l’importance de l’environnement et du développement durable dans leur présent discours électoral. Ceci nous porte à croire que tout est prétexte pour mettre de côté l’importance de la cause environnementale, hélas trop souvent délaissée au détriment des autres facteurs socio-économiques.

Nous devons donc, devant le silence des partis politiques, nous poser nous-mêmes les vraies questions sur la situation économique actuelle et ses effets sur le développement durable.


La crise économique à laquelle le Québec pourrait également faire face va t-elle stimuler la croissance verte ou plutôt ralentir un mouvement collectif engagé, timidement, vers une économie plus visionnaire? En fait, plutôt que de mettre les freins aux investissements en faveur du développement durable, la crise économique devrait nous permettre une prise de conscience et une accélération de la production verte.


Cette situation économique  représente une belle occasion pour inciter les économies libérales à se tourner vers de nouveaux moteurs et stimuli. Elles gagneraient à rechercher dans les énergies renouvelables ou les technologies propres une nouvelle source de prospérité. Ce sont des moteurs de développement de la richesse qui permettraient une transition moins douloureuse entre l’économie traditionnelle, souvent polluante, et l’économie nouvelle, qui intègre les réalités environnementales à prendre en compte au cours du 21e siècle.


Les intervenants politiques et corporatifs qui  utiliseraient la crise financière comme un prétexte pour reporter ou affaiblir leurs démarches environnementales seraient bien mal avisés. Ils devraient se rappeler les signaux d’alerte que ne cesse de lancer Lord Nicholas Stern, ancien vice-président senior de la Banque mondiale de 2000 à 2003, concernant les conséquences de l’inaction face aux changements climatiques et la pollution. Dans un rapport choc publié à l’automne 2006, Lord Stern suggérait aux États et à divers secteurs économiques d’investir dès maintenant un pourcent du PIB pour atténuer les effets du changement climatique. Il leur rappelait que travailler à l’adoption de mesures vigoureuses en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre représente un investissement, l’équivalent d’un coût encouru aujourd’hui et au cours des quelques décennies à venir afin d’éviter des conséquences très sévères. Agir autrement, ce serait risquer une récession jusqu’à vingt pour cent du PIB mondial à chaque année,  d’ici 2050. En conséquence, les mesures et les investissements en faveur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique devraient être privilégiés, en plus de promouvoir l’innovation et la création de nouveaux emplois.


Une chose est certaine : la rentabilité et le profit ne pourront plus être considérés comme les indicateurs uniques de la croissance. Si vous épargnez un dollar d’électricité ou de pétrole, vous pouvez l’utiliser différemment dans d’autres secteurs tels que l’éducation, la santé, le logement, l’alimentation, etc.


Certains dirigeants politiques ont courageusement utilisé les derniers sommets d’urgence pour colmater la crise financière pour évoquer les effets bénéfiques d’un changement de comportement d’affaires en faveur des investissements verts. Selon ces politiques, le système capitaliste va devoir trouver un autre mode de fonctionnement. S’ils sont cohérents dans leur volonté de refonte de notre système économique, le développement durable restera sans doute un cadre conceptuel approprié pour repenser à la fois les objectifs de la croissance, l’utilisation des ressources disponibles et les rapports entre les populations.


Les chefs de la campagne électorale québécoise actuelle devraient sortir de leurs discours traditionnels et motiver leur parti en lice pour un réalignement de la gestion de l’État vers un développement économique qui s’aligne sur les enjeux environnementaux.  Il est plausible de croire que notre économie traverserait la crise avec moins d’impacts négatifs si celle-ci favorise les rénovations du parc de logements sociaux  et des bâtiments publics, le développement des transports en commun, le lancement de programmes de recherche sur des technologies d’énergie renouvelable et l’instauration de cadres législatifs  qui permettraient de façon claire et précise la gestion des émissions de gaz à effet de serre et de leur compensation.


Nous devrions entendre davantage de discours et de promesses électorales qui stimuleraient les entreprises à aussi faire du développement durable leur moteur de croissance et peut-être même leur modèle pertinent de “sortie de crise”. Économiser l’énergie, améliorer le cycle de vie des produits et services, investir dans des technologies propres, mobiliser les salariés sur des objectifs environnementaux ou sociaux, repenser la communication avec les clients : autant de pistes qui permettraient de relancer le développement de l’entreprise et du coup, contribuer à relancer l’économie.


Certes, les perturbations incontestables de la crise financière pèsent sur l’économie mondiale. En contrepartie, d’un point de vue purement environnemental, nous ne pouvons que constater qu’elles provoquent une baisse de la pression sur les ressources, à cause de la réduction de la consommation  de produits. La chute de la rentabilité des entreprises fait assurément mal, mais elle est nettement compensée  par les avantages sur l’économie des ressources naturelles et la diminution des déchets. La croissance verte peut donc être l’une des voies d’une nouvelle croissance économique, du moment que le tissu industriel moderne se soucie de la sauvegarde de la planète.


Avis donc au gouvernement à venir :  “Les crises écologiques ne s’arrêtent pas parce qu’il y a une crise économique”.



Par Pierre Daigneault
Président de Bleu environnement 


Notaire de formation, spécialisé en droit immobilier financier et commercial, Pierre possède une solide expérience dans le domaine des affaires et plus particulièrement en développement des affaires et de marché, le tout jumelé à une vision et une pensée des plus stratégiques. Depuis 2007, l’environnement et les marchés du carbone sont devenus un centre d’intérêt qui à mené Pierre à la cofondation d’une firme d’accompagnement pour les entreprises canadiennes dans toutes les démarches de conformité aux normes établies ou à venir en matière d’environnement, incluant la monétisation des actifs découlant des projets de réductions de gaz à effet de serre.
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