La chute des marchés bouscule aussi le marché du carbone

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Par Me Jean Piette
Avocat spécialisé en Droit de l’environnement


Mots clés : bourse, marché du carbone, marché volontaire, marché réglementé, CCX, crédits, gaz à effet de serre.

Les bourses se sont effondrées un peu partout en Amérique du Nord, en Europe et en Asie Pacifique. Le monde entier est aux prises avec une chute des marchés financiers qui a pris une ampleur considérable. Personne n’y échappe vraiment.
 
L’effondrement des marchés touche également les marchés du carbone, mais avec certains bémols qui font ressortir les différences entre un marché volontaire et un marché réglementé.


Prenons l’exemple d’un marché volontaire, à savoir le Marché climatique de Chicago (le CCX). Il s’agit d’une bourse où des investisseurs négocient des crédits de carbone et qui comprend également un marché à terme. Ce qui caractérise un marché volontaire, c’est que les vendeurs et les acheteurs de crédits sont des personnes qui ne sont pas obligées de produire des crédits de carbone ou de diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre.

En chute libre

En mai 2008, avant la crise des marchés financiers, la tonne de carbone se négociait sur le CCX à environ 6 $US alors qu’en date du 10 décembre 2008, la tonne de carbone s’était écroulée à 1,45 $US.


À la même date, les contrats à terme sur le CCX pour la fin de décembre 2008 se négociaient à 1,40 $US la tonne de CO2, alors que les contrats à terme pour décembre 2013 se négociaient à 11,50 $US la tonne. Cette différence de prix sur un horizon de 5 ans nous permet donc de croire que nous assisterons à la mise en place d’un régime de plafonds et échanges d’émissions aux États-Unis dans un avenir prévisible. Le marché prévoit donc la migration d’un marché du carbone volontaire vers un marché réglementé, ce qui correspond aux intentions annoncées par le Président élu Barack Obama.


Dans le cas des marchés de carbone réglementés, comme celui de Londres ou de Montréal, l’impact de la chute des marchés se fait sentir dans une moindre mesure. Il faut se rappeler qu’un marché réglementé est un marché où se retrouvent des vendeurs et des acheteurs qui agissent en fonction d’une réglementation gouvernementale, laquelle crée des obligations de réduire les émissions de gaz à effet de serre auprès d’entreprises dites «réglementées» qui sont des entreprises émettant d’importantes quantités de gaz à effet de serre. La réglementation prévoit aussi que l’achat de crédits de carbone est un mécanisme de conformité réglementaire pour les entreprises réglementées.


Or, il faut voir la dégringolade qui eut lieu : la tonne de carbone se vendait sur le Marché climatique de Londres (ECX) à près de 30 € à la fin du mois de juin 2008. Elle est tombée à environ 14 € la tonne en ce début de décembre 2008.


Dans le cas du Marché climatique de Montréal (MCeX) où, pour l’instant, il ne se négocie que des contrats à terme, ceux-ci se négociaient en date du 10 décembre 2008 à un prix de 8,50 $ la tonne, avec comme date d’échéance le début de 2011, ce qui correspond à la date où les entreprises canadiennes réglementées devront démontrer leur conformité aux normes de réduction des gaz à effet de serre prévues dans le Cadre réglementaire sur les émissions industrielles de gaz à effet de serre, adopté par le gouvernement du Canada. Ce prix est d’environ 4 $ inférieur au prix des transactions sur ce marché au début de l’été 2008.

Coussin protecteur

Force est de constater que l’insertion d’un marché du carbone à l’intérieur d’un cadre réglementaire agit comme un coussin protecteur qui tempère l’effet de la chute des marchés financiers. C’est que l’existence actuelle ou future d’un cadre réglementaire crée une contrainte sur les personnes qui ont recours au marché. Par contre, un cadre purement volontaire expose davantage le marché à tous les aléas de la conjoncture économique et financière.


C’est la réglementation qui assure la vigueur des marchés dits « réglementés » et qui atténue les effets négatifs de l’effondrement des marchés.



Par Me Jean Piette

Avocat spécialisé en Droit de l’environnement

Jean Piette est spécialisé dans le domaine du droit de l’environnement et dans celui de l’élaboration des politiques en matière d’environnement. Il a été le premier avocat québécois à exercer une pratique entièrement consacrée au droit de l’environnement depuis 1972. Associé principal et responsable de l’équipe de droit de l’environnement au cabinet d’avocats Ogilvy Renault, il s’est vu attribuer le classement le plus élevé dans le répertoire juridique Martindale-Hubbel, soit la cote AV, pour son respect des normes d’éthique et pour ses qualités professionnelles. Il a été désigné parmi les meilleurs avocats en droit de l’environnement au Canada dans l’annuaire Lexpert/American Lawyer Media et parmi les meilleurs au monde selon le Guide to the World’s Leading Environment Lawyers et le Who’s Who Legal Environment.  

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