Générer des crédits compensatoires : une démarche encadrée

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Par Me Alain Brophy, LL.M.
Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert et associés, s.e.n.c.r.l.


 

Mots clés : compensation volontaire, crédits compensatoires, émissions de gaz à effet de serre (GES), Canada.

Que ce soit dans le cadre d’un marché totalement volontaire (compensation carbone neutre), d’un marché volontaire autorégulé (par exemple celui du Chicago Climate Exchange) ou d’un marché réglementé (par exemple le marché européen issu de la Directive 2003/87/CE), les investisseurs retrouvent de plus en plus de projets de réduction de gaz à effet de serre (GES) qui peuvent leur permettre de générer des crédits compensatoires échangeables (ou crédits d’émissions) dans divers marchés.

L’idée sous-jacente repose sur la nature même des GES. En effet, les GES, lorsqu’émis dans l’atmosphère, s’imbriquent dans un amalgame complexe de gaz qui agissent globalement partout sur la planète et non strictement dans la zone géographique où l’émission a été répertoriée. Donc une réduction prend toute son importance parce qu’elle procure des retombées positives, peu importe le lieu de leur production.

L’utilisation de crédits compensatoires est un outil pour les entreprises ayant des obligations légales, car ils favorisent d’éviter certains coûts associés aux cibles de réduction des émissions sur les lieux même de la fabrication de leurs marchandises. Pour s’assurer de l’intégrité environnementale de ces réductions, la « qualité » des réductions effectuées par ces projets doit être prise en compte.

En effet, cette « qualité » de la réduction s’évalue en fonction de normes pré-établies, lesquelles confirment que la réduction des émissions a bel et bien été effectuée et que celle-ci ne résulte pas de simples circonstances économiques ou technologiques.

Diverses normes

Aujourd’hui, nous retrouvons des normes pour des projets dans le cadre du marché de compensation volontaire (par exemple Gold Standard ou Voluntary Carbon Standard). Il en existe d’autres à l’égard des marchés obligatoires capables de générer des crédits échangeables sur ces marchés. Un des exemples les plus crédibles en termes de systèmes de crédits compensatoires obligatoires est le Mécanisme pour un Développement Propre (MDP) du Protocole de Kyoto.

On retrouve des projets de réduction notamment dans les secteurs suivants : les industries de génération d’énergie renouvelable/non-renouvelable, la consommation d’énergie, les industries manufacturières, la gestion des déchets, boisement/ reboisement, agriculture, etc.

Comment génère-t-on alors ces crédits compensatoires? Prenons comme exemple le présent projet de système de crédits compensatoires du gouvernement canadien qui est basé sur la norme ISO-14064-2. Le système proposé cadre généralement avec d’autres normes de vérification, même s’il est encore sujet à des modifications. Voici un résumé des étapes à suivre.
  • La nécessité de protocoles de quantification approuvés
Pour chaque projet de réduction, il est nécessaire qu’un protocole de quantification soit approuvé par Environnement Canada. Ces protocoles permettent de régulariser et de normaliser la façon dont les émissions sont calculées avant le projet de réduction (point de référence), de même que la façon dont le suivi est effectué et la gestion de l’information.  
  • L’enregistrement du projet
L’enregistrement du projet doit se faire par l’entremise d’un promoteur qui sera responsable de celui-ci tout au long de son développement pouvant générer des crédits compensatoires auprès d’Environnement Canada. Le projet devra respecter les critères établis par Environnement Canada pour les fins d’enregistrement en sus d’une démonstration de l’application du protocole de quantification.
  • La vérification par un tiers
Une fois les réductions effectuées, le promoteur de projet doit préparer une déclaration portant sur la réduction ou la suppression du ou des GES. Cette déclaration est présentée à un organisme de vérification tiers reconnu par Environnement Canada. Cet organisme soumet par la suite un rapport de vérification à Environnement Canada selon lequel un avis positif pourra être donné, octroyant ainsi un niveau d’assurance nécessaire à l’octroi de crédits compensatoires. L’organisme tiers pourra effectuer des vérifications sur le site durant la période de réduction et vérifier empiriquement l’information soumise par le promoteur de projet.
  • L’octroi des crédits compensatoires
Environnement Canada effectuera un dernier contrôle avant d’envoyer un avis d’attestation au promoteur du projet. Toute personne pourra procéder à l’achat et à l’utilisation des crédits et même les annuler en les retirant du marché.
La préparation et la mise en œuvre de tels projets demeurent un exercice pouvant être dispendieux. Une évaluation de la faisabilité d’un tel projet de réduction est donc nécessaire avant d’entamer la mise en œuvre du projet.



Par Me Alain Brophy, LL.M.
Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert et associés, s.e.n.c.r.l.


Me Alain Brophy est membre du Barreau du Québec depuis 2002 et pratique au sein de l’étude Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert et associés, s.e.n.c.r.l. principalement en droit civil, commercial et transactionnel. Détenteur d’une maîtrise en droit, ses travaux académiques et publications ont surtout été orientés sur les systèmes d’échange de droits d’émission dans le cadre de régulation environnementale.


Pour plus de détails, du même auteur :

Sur les systèmes de crédits compensatoires :

 « Le Système canadien de crédits compensatoires et le Mécanisme pour un Développement Propre du Protocole de Kyoto », dans les Développements récents en droit de l’environnement 2009, Les Éditions Yvon Blais Inc., 2009


Sur les systèmes d’échange de droits d’émission :
L’efficacité des systèmes d’échange de droits d’émission – Des enjeux juridiques, Les Éditions Yvon Blais Inc., 2007

Sur le cadre règlementaire fédéral proposé :
«The Canadian Regulatory Framework for Carbon Trading : Sailing Away from Consensus while waiting for the U.S. Federal Scheme », dans Carbon & Climate Law Review, 2/2008, Lexxion, 2008.

 

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