Que savons-nous de la fracturation hydraulique?

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Par Johanne Dion
Co-fondatrice du Comité richelois pour une meilleure qualité de vie


 

Mots clés : fracturation hydraulique, gaz naturel, forages, basses terres du Saint-Laurent, contamination, eau.

La compagnie Junex convoite le gaz naturel emprisonné dans les basses terres du Saint Laurent et prévoit l’atteindre en utilisant la méthode de « forages horizontaux avec fracturation » (1). Jean Yves Lavoie, son président et chef de la direction, est convaincu que le Québec serait dans la continuité de la Shale de l’Utica, c’est à dire une masse de 200 mètres d’épaisseur qui s’étirerait le long du Saint Laurent entre Montréal et Québec.


Mais en fait, le forage et l’exploitation de ces gisements de gaz naturel dans la vallée du fleuve Saint-Laurent seront-ils à l’avantage du développement durable du Québec? Quels sont les risques que cette exploration pourrait entraîner? M. Lavoie détaille à peine les techniques de fracturation dont Junex ferait usage pour y capter le gaz qui s’y retrouverait : « On creuse un trou vertical étroit pour aller rejoindre cette masse de gaz à de grandes profondeurs, puis on pratique un forage horizontal pour l’extraire de cette roche réservoir poreuse qui s’étend sur de très longues distances. » (2)


La méthode est une invention récente développée aux États-Unis et porte des noms variés, comme « hydraulic fracturing », ou « hydro fracing », ou même « fracking ».

Propriétaires, mais pas du sous-sol

Au Québec, comme ailleurs en Amérique du Nord, la loi concernant les droits miniers accorde le droit de propriété du sous sol à l’État et non au propriétaire terrien. Donc, du forage peut s’y faire sans qu’il ait de recours pour le stopper. Le conseiller juridique William Amos expliquait ce qui suit dans une lettre d’opinion publiée dans Le Devoir du 14 août 2007 : « La loi sur les mines n’offre pas une transparence administrative suffisante. Premièrement, elle n’exige pas d’une compagnie minière possédant un permis de prospection ou des droits d’exploration qu’elle informe les propriétaires particuliers de l’existence d’un tel permis », et rend même la tâche difficile aux municipalités qui pourraient tenter de protéger la qualité de vie de leurs citoyens (3).

Voisins c. voisins

Regardons ce qui se passe chez les États-Uniens. Le webzine The River Reporter dévoilait récemment que des compagnies d’exploration gazière achètent des droits sur des terres des États du Tennessee, de New York et de la Pennsylvanie. En conséquence, certains voisins s’entre-déchirent pour obtenir les meilleurs droits de passage et les redevances les plus élevées, causant la surenchère, tandis que d’autres voisins se regroupent et essayent par tous les moyens d’arrêter le forage sauvage (4). En 2003, un bail pour autoriser le forage sur une terre en Pennsylvanie rapportait 5 $ l’acre à son propriétaire terrien. En 2008, il valait 2 000 $ l’acre (5).

Eau, recettes secrètes et contamination

La fracturation hydraulique consiste à injecter un mélange d’eau, de sable et des produits chimiques sous pression dans le sous-sol, afin de pousser le gaz naturel vers les tuyaux des puits. Aux États-Unis, le résultat est impressionnant : un forage peut avoir 7 000 pieds de profondeur, mais pour ce faire, chaque puits utilise de 660 000 à 1 000 000 de gallons d’eau. Le ministère de l’Environnement de la Pennsylvanie (DEP) a émis 7 241 permis de puits en 2007, selon Ron Gilius de la division du pétrole et du gaz du DEP (4).


Selon le journaliste Abrahm Lustgarten, la recette utilisée pour ces forages est gardée secrète, sous prétexte de protéger des secrets de fabrication. L’industrie affirme qu’il n’y a pas de danger de contamination, quoique des cas de pollution de l’eau près des sites de forage aient été documentés dans sept États : l’Alabama, le Colorado, le Montana, le Nouveau-Mexique, l’Ohio, le Texas, et le Wyoming. Des environnementalistes et des contrôleurs ont publié une liste des ingrédients utilisés dans les fluides de fracturation, à partir des demandes de brevets des foreurs et des archives du gouvernement, comme les formulaires de la sécurité au travail requis par l’U.S. Occupational Safety & Health Administration. Sur les quelque 300 composés chimiques retrouvés dans des recettes de forage, plus de 60 apparaissent sur la liste des produits dangereux du gouvernement fédéral (6).


La revue Newsweek nous apprend qu’une infirmière qui a pris soin d’un ouvrier impliqué dans un déversement de ZetaFlow, un fluide utilisé dans la fracturation hydraulique et fabriqué par la compagnie Weatherford, a souffert de tous les symptômes mentionnés sur la fiche signalétique du produit. Elle ne s’était pas protégée durant les premières heures du contact avec le patient. La fiche signalétique du ZetaFlow mentionne que le produit est un danger immédiat et chronique pour la santé. Une exposition prolongée peut causer des dommages aux reins et au foie, irriter les poumons, faire baisser la tension artérielle, provoquer des étourdissements et des vomissements (7).


Devant la gravité des risques, le Tompkins County Board of Health (Conseil de santé du comté de Tompkins) a adopté une résolution pour que l’industrie divulgue les produits chimiques utilisés dans le forage pour le pétrole et le gaz naturel, avant que les autorités n’autorisent les travaux dans la formation de roc du Marcellus Shale (8).


Une crise environnementale de l’eau et de l’air se prépare dans les États de New York, New Jersey et Pennsylvanie, si les propositions de forage pour le gaz naturel ne sont pas arrêtées ou sévèrement réglementées. Des citoyens font circuler une pétition pour demander un moratoire, car les montagnes des Catskills, les Poconos et le bassin versant de la rivière Delaware dans le Nord de l’État de New York et en Pennsylvanie sont dans la mire des compagnies de gaz naturel Encana, Chesapeake, Williams et Halliburton.

La fracturation hydraulique, est-ce durable?

Est-ce que l’exploitation du gaz naturel peut être considérée comme du développement durable? L’expérience de nos voisins du Sud fait craindre un manque de transparence de la part de l’industrie, et un manque de contrôle des gouvernements pour porter un regard élargi des conséquences environnementales et sanitaires et protéger les citoyens. Les méthodes de forage connues risquent de contaminer les nappes phréatiques et les sols. Une fois que le gaz naturel a été extrait, il ne reste que la pollution.


Le silence presque complet des médias sur le sujet me laisse perplexe.




Par Johanne Dion
Co-fondatrice du Comité richelois pour une meilleure qualité de vie

Sources :

(1) AUBRY, Marcel. Junex prévoit investir 10 millions $. Le Devoir [en ligne]. 20 septembre 2008.
(2) TURCOTTE, Claude. Portrait – Le géologue qui voit le Québec d’un oeil différent… Le Devoir [en ligne]. 15 décembre 2008.
(3) AMOS, William. Libre-Opinion : Les droits miniers menacent l’environnement. Le Devoir [en ligne]. 14 août 2007.
(4) KANE, Tom. A primer on gas well gold rush. The River Reporter [en ligne]. Volume XXXIV No. 9, 28 février – 5 mars 2008.
(5) purposeforporpoise (membre de Greenpeace). Natural gas. Greenpeace blogs [en ligne]. 5 avril 2008.  
(6) LUSTGARTEN, Abrahm. Does Natural-Gas Drilling Endanger Water Supplies? BusinessWeek [en ligne]. 11 novembre 2008.
(7) MOSCOU, Jim.  A Toxic Spew? Newsweek [en ligne]. 20 août 2008.
(8) The Ithaca Journal. Health board wants fracking disclosure. The Ithaca Journal [en ligne]. 12 décembre 2008.

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