Le programme Climat municipalités : guide pratique pour inventorier et gérer les gaz à effet de serre du monde municipal

0

Par Philippe Alary-Paquette,

LL.B., M. Env., chargé de projets changements climatiques, Stabilis Inc.



Mots-clés : changements climatiques, gaz à effet de serre (GES), programme Climat municipalités, inventaire, Québec.

Les changements climatiques sont à l’avant-scène de la gestion municipale depuis plusieurs années déjà, entraînant à la fois de nouveaux risques à gérer et de nouvelles occasions à saisir. Le programme Climat municipalités, dévoilé récemment par le MDDEP, vise à appuyer les organismes municipaux dans la gestion de cette problématique complexe. Il dispose d’une enveloppe budgétaire de 10 M$ jusqu’en 2012, pour l’établissement d’inventaires d’émissions de GES et l’exécution de plans de réduction d’émissions et de plans d’adaptation aux changements climatiques. Les organismes municipaux pourront tirer profit de cette occasion en réalisant ces travaux eux-mêmes ou en faisant appel à un ou des consultants. Cette chronique se veut un guide à l’intention des municipalités pour leur permettre de planifier efficacement la réalisation de ces travaux.

Description du programme Climat municipalités

Le gouvernement provincial offre aux organismes municipaux de subventionner 90 % des coûts admissibles à l’égard de l’établissement d’un inventaire de GES et de l’exécution d’un plan de réduction des émissions de GES et, dans certains cas, d’un plan d’adaptation aux impacts des changements climatiques. Ainsi, la quasi totalité des frais à engager pour la réalisation des travaux, tels que les salaires et les avantages sociaux des employés municipaux consacrés au projet et/ou les honoraires et les dépenses des consultants, sont couverts.


Le Programme est scindé en deux volets. Le volet 1 vise les entités municipales qui souhaitent dresser un premier inventaire de GES et concevoir un premier plan d’action. La grande majorité des organismes municipaux québécois y sont admissibles. Par contre, les villes ayant déjà dressé un inventaire de GES dans le passé, comme c’est le cas de Montréal, Québec, Laval et Sherbrooke, peuvent être admissibles au volet 2, qui consiste à mettre à jour les inventaires et les plans d’action établis jusque-là, et à préparer un plan d’adaptation aux changements climatiques.


L’inventaire GES permettra à la municipalité de connaître la provenance de ses différentes émissions et de mieux cibler les actions de réduction. La plupart des sources de GES touchées ou influencées par les pouvoirs municipaux doivent être inventoriées. Les champs obligatoires regroupent :
  • les activités relevant de l’administration municipale (bâtiments municipaux et autres installations, équipements motorisés municipaux, traitement des eaux usées, etc.)
  • les activités municipales données en sous-traitance (organismes paramunicipaux, sous-traitants, etc.)
  • les émissions du secteur « collectivité » (traitement des matières résiduelles et transport routier).
Le plan d’action permettra quant à lui d’identifier, d’analyser et de choisir des actions visant à réduire les émissions municipales de GES identifiées dans l’inventaire. Il devra également inclure un objectif de réduction adopté par l’organisme municipal et un énoncé des étapes de mise en œuvre et de suivi du plan d’action.

Un inventaire et un plan d’action adapté aux réalités locales

Comme le Programme s’adresse à l’ensemble des organismes municipaux du Québec (villes, municipalités, MRC, agglomérations, gouvernements régionaux Cris et Kativik), les documents demandés devront s’adapter aux caractéristiques géographiques, économiques, sociales et administratives de chacun des organismes municipaux. Ainsi, bien que les sources de GES à inventorier demeurent les mêmes en tout temps, les enjeux qui influenceront le choix des actions de réduction, eux, varieront grandement. Par exemple, l’éventail de solutions possibles dans les secteurs de la gestion des matières résiduelles et du transport pourrait varier radicalement selon que l’on se situe dans un contexte rural, urbain ou semi-urbain. Il sera donc primordial d’élaborer des solutions sur mesure, pour chaque situation.


Les étapes à franchir pour y arriver, en revanche, seront probablement relativement standard. Pour dresser l’inventaire de GES, il faudra tout d’abord cibler toutes les données pertinentes aux calculs des émissions et les recueillir. Ces données seront majoritairement détenues par l’administration municipale, mais des recherches auprès de différents sous-traitants et ministères seront probablement nécessaires. Une fois ces données obtenues, elles devront être utilisées pour comptabiliser précisément les émissions de GES liées à chacune des sources inventoriées, et les résultats devront être traduits dans un rapport d’inventaire conforme aux exigences du Programme.


Il importe de produire un inventaire de qualité, puisque le plan d’action dépendra des données présentées au moment de produire un bilan des GES conforme au Programme. Pour ce faire, le travail peut suivre des normes telles qu’ISO 14064-1, afin de garantir la rigueur des démarches entourant le choix et la collecte des données, ainsi que les méthodes de calcul qui seront utilisées pour générer les résultats. L’entité municipale (et son consultant, le cas échéant) doit donc bien planifier la collecte des données et s’assurer que la compilation qui suivra et les calculs menant à la production du bilan suivront ces normes de qualité.


L’élaboration du plan d’action exigera quant à elle une analyse de l’inventaire afin d’identifier les principales sources de GES et, partant, les secteurs à prioriser pour la réduction des émissions. Un portefeuille d’actions de réduction potentielles devra ensuite être élaboré, incluant une analyse assez détaillée de chacune d’elles, afin que le choix des actions à retenir puisse être fait de façon éclairée. Des étapes de consultation auprès des acteurs concernés (citoyens, sous-traitants, entreprises, etc.) doivent être envisagées. Finalement, les mesures de mise en œuvre et de suivi du plan d’action devront également être adoptées, de même que l’objectif de réduction de l’organisme municipal. À ce sujet, il importera de s’assurer que l’échéancier de mise en œuvre du plan et ses objectifs sont réalistes et peuvent être respectés.


Pour ce faire, une multitude d’options s’offrent aux municipalités quant aux modalités de réalisation des travaux exigés par le Programme. En gros, deux possibilités se présentent : la municipalité choisit de réaliser elle-même les travaux ou elle fait appel à un ou des consultants externes pour l’appuyer dans ses démarches.

Une destination, plusieurs avenues possibles


Une municipalité peut tout d’abord faire le choix de dresser son inventaire de GES et de réaliser son plan d’action avec ses ressources internes. La réalisation de ces travaux impliquant une charge de travail considérable, il importera de bien planifier l’allocation des ressources humaines, matérielles et financières. L’embauche de personnel supplémentaire doit également être envisagée, de même que la possibilité qu’un ou plusieurs employés soient affectés à ces tâches en priorité. Les délais de réalisation des travaux varieront également beaucoup, en fonction de la taille et de la structure administrative de l’organisme municipal (donc de la complexité des travaux…). Notons que les personnes affectées à la réalisation de l’inventaire devront posséder un solide bagage technique et une expérience pertinente en quantification d’émissions de GES. Les mêmes compétences seront exigées pour la réalisation du plan d’action, en plus de grandes habiletés en coordination de projet et en communications.


Un organisme municipal peut également choisir de faire appel à un ou des consultants externes pour l’appuyer dans la réalisation des travaux, car les factures des consultants font partie des frais admissibles à la subvention. La principale question aura alors trait au choix du consultant. Une municipalité devrait exiger que la ou les personnes affectées au mandat détiennent à tout le moins les mêmes compétences que celles énoncées au paragraphe précédent. Le partage des tâches devra également être effectué en fonction des capacités de l’organisme municipal et du consultant.

Une occasion à saisir!

Quelles que soient les modalités de réalisation choisies, le programme Climat municipalités représente une occasion unique pour les organismes municipaux qui souhaitent mieux connaître et gérer leurs émissions de gaz à effet de serre. En effet, il offre la possibilité d’effectuer à très faible coût un travail de recherche et d’analyse permettant d’identifier les mesures les plus efficaces et les plus facilement réalisables pour réduire les émissions de GES et, souvent, apporter des solutions à des problèmes environnementaux plus vastes. C’est donc une occasion idéale d’amorcer un virage vert structuré et rassembleur!



Par Philippe Alary-Paquette,


LL.B., M. Env., chargé de projets changements climatiques, Stabilis Inc.


Philippe Alary-Paquette est avocat et détenteur d’une maîtrise en Environnement, orientée vers la gestion stratégique des émissions de GES pour les grands émetteurs industriels canadiens. Aujourd’hui analyste en changements climatiques chez Stabilis Inc., il gère et quantifie des projets de réduction d’émissions de GES touchant à divers secteurs de l’économie. Avant de se joindre à Stabilis, M. Alary-Paquette a travaillé pendant quelques années en cabinet juridique privé. 

Partager.

Répondre