Copenhague 2009 – Faire du climat une opportunité de nouvelles affaires… sauf pour le Canada

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Par Denise Proulx,
Journaliste et présidente de GaïaPresse


 

Mots-clés : Changements climatiques, émissions de gaz à effet de serre (GES), mécanisme de développement propre (MDP), Canada.

Piliers de la réussite d’un accord Post-Kyoto, les financements publics liés aux besoins des pays en développement (PED) sont estimés à un minimum de 110 milliards d’euros par an (près de 170 milliards de dollars canadiens). Pas étonnant que des pays de l’Annexe I, dont le Canada, voient ce cadre financier rattaché à un nouveau protocole comme une charge lourde qui pèserait sur leurs propres choix intérieurs de financement de la relance économique ou de soutien à des secteurs industriels et sociaux.

Cette aide, destinée aux nations en développement afin qu’elles s’adaptent aux changements climatiques et réduisent leurs émissions polluantes, serait distribuée à travers une multitude de fonds d’adaptation, de mitigation et de transferts technologiques. Ils sont si variés que les pays peuvent jouer la carte de la stratégie et investir dans les mécanismes financiers où ils gagneraient à s’impliquer. Par exemple, le Fonds des technologies propres (Clean Technology Fund, CTF), muni d’une enveloppe financière de 750 millions de dollars américains, annoncé le 2 décembre dernier, financera spécifiquement des projets liés à l’énergie solaire. Il sera soutenu par des investissements en provenance de pays du Maghreb. Ce fonds spécifique fait partie des Climate Investment Funds, alimentés par diverses banques de développement régionales ainsi que par la Banque Mondiale, dans lesquelles les États versent des quotes-parts.

Rappelons que le financement de divers programmes d’aide à la réduction des gaz à effet de serre (GES) permet aux pays de l’Annexe I de se dédouaner en achetant des crédits de carbone dans les pays en développement, abaissant la pression pour réduire les émissions sur leur territoire. Plusieurs environnementalistes critiquent d’ailleurs ce système nommé Mécanisme de développement propre (MDP, ou Clean Development Mechanism (CDM) en anglais) car ils estiment que ce sont souvent des projets de compensation qui auraient eu lieu de toute façon pour répondre à la demande énergétique. À leur avis, le système des MDP n’engendre par de réductions d’émissions de GES nouvelles et n’aide pas les pays en développement qui en ont vraiment besoin pour sortir de la pauvreté. À ce jour, c’est la Chine, l’Inde, la Corée, la Thaïlande et l’Indonésie qui ont accaparé quelque 65 % des investissements en provenance de pays de l’Annexe I destinés à la mise en œuvre de projets d’énergie renouvelables. 

 

Réformer les mécanismes de développement propres

À Copenhague, des environnementalistes travaillent donc sur deux fronts : ils réclament un engagement sérieux des pays industrialisés en faveur d’une aide financière juste et équitable pour les PED, tout en exigeant que les critères pour accéder aux divers MDP soient révisés en profondeur, afin qu’un plus grand nombre de pays pauvres y ait accès.

La complexité de la mise en œuvre des projets tend à éliminer les petits pays en développement, comme par exemple le Vietnam, qui essaie de se qualifier depuis plusieurs années. « Dans ces petits pays, il n’existe pas suffisamment d’expertises professionnelles locales pour être en mesure de répondre aux critères d’admissibilité  du programme », reconnaît Caspar Chiquet, un analyste à la recherche d’investisseurs de la firme South Pole, installée à Beijing et spécialisée dans le commerce des crédits de carbone de pays membres de l’Annexe I vers les pays en développement. « Les petits pays doivent inclure des engagements nationaux additionnels pour lesquels ils n’ont pas les fonds », ajoute-t-il.

De plus, dans plusieurs pays en développement, ce sont de très petits projets qui devraient être mis en œuvre tout d’abord, adaptés aux besoins de communautés rurales, afin de les sortir de la pauvreté endémique. « Les Nations Unies n’ont pas encore suffisamment de structures solides pour accompagner les petits pays qui auraient besoin à la fois d’un soutien scientifique et technique pour amener leurs projets à terme et les rendre éligibles à du financement. Cela implique de dégager d’importants budgets pour la formation, autant dans les communautés rurales qu’à l’échelle étatique. C’est ce qui manque actuellement pour rendre les MDP vraiment utiles », analyse-t-il.

Le problème, c’est que la Chine s’opposerait à l’introduction de nouvelles règles d’accessibilité aux MDP. D’une part, parce que cela impliquerait pour elle des modifications majeures en termes de politiques nationales face au climat et d’autre part, parce que ces changements l’obligeraient à investir des milliards de yuans additionnels pour diminuer ses propres émissions atmosphériques polluantes, tout en se privant des fonds étrangers réservés à d’autres pays.

 

Tendre la main aux industriels

Caspar Chiquet aimerait également que la rencontre de Copenhague accouche d’une simplification des critères d’admissibilité aux MDP pour des secteurs industriels polluants qui veulent se positionner dans le marché des échanges de crédits de carbone. «  C’est ce qui retarde la mise en place d’un marché de base du carbone (cap and trade). Si le marché pouvait décider de ses propres incitatifs d’investissement et de développement des affaires, cela insufflerait une dynamique d’échanges de crédits qui fait encore défaut », croit-il.

Mais il comprend les raisons des blocages.  « Il y a des pays comme les États-Unis qui ne veulent pas voir chez eux des investissements liés à des crédits de carbone en provenance de la Chine alors que le pays n’a pas de cibles chiffrées et datées à respecter », dit-il. Ce serait un système de deux poids, deux mesures au profit des Chinois qui soutiennent largement le développement de technologies vertes.

 

Le Canada en marge

Conservateur, le gouvernement fédéral se place en marge, argumentant qu’il ne croit pas à l’efficacité des MDP, et risquant ainsi le pire économique. Tant qu’il tiendra cette position, il risquera de voir les entreprises de son territoire qui veulent s’en prémunir faire des affaires en dehors du pays…

Caspar Chiquet déclare cependant comprendre la position canadienne, qui clame vouloir faire équipe avec les États-Unis en matière de réduction des émissions de GES et de développement d’un marché continental du carbone. « S’il n’y a pas d’engagements fermes pour réduire significativement les GES, favoriser un marché pour les nouvelles technologies vertes n’a aucun sens. » Parce que le Canada est un grand pays avec une population trop faible, ce type de marché ne serait pas très rentable s’il n’était pas lié aux exportations. « C’est logique que le gouvernement attende pour agir en concordance avec le marché du carbone états-uniens, qui montre une volonté de vouloir s’impliquer dans ce secteur financier », croit-il.

Par contre, les affaires vont mal. La seule technologie qui semblait intéresser le Canada et pour laquelle le pays montrait de l’ouverture, soit le captage et l’enfouissement du carbone (Carbon capture and Storage, CCS) dans des sites géologiques, ne sera pas inclus dans les MDP, à la suite de divergences sévères entre les délégations réunies à Copenhague. La décision de permettre aux pays industriels d’investir dans cette technologie pour diminuer leurs émissions de GES sera reportée à une rencontre ultérieure. 

Plus que jamais, le Canada se retrouve en arrière d’un marché d’échanges de crédits qui s’organise solidement à l’échelle planétaire. 


Par Denise Proulx,
Journaliste et présidente de GaïaPresse

Journaliste depuis 30 ans, formée en sociologie et en linguistique, les intérêts professionnels de Denise Proulx tournent autour des questions environnementales et d’éducation. Co-fondatrice de GaïaPresse, madame Proulx est chargée de cours en communication et en environnement à l’UQÀM, au Collège de Rosemont et au Collège Lionel-Groulx. Elle est également membre fondatrice du Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ).

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