Copenhague 2009 – La tocade canadienne : créer la richesse par les sables bitumineux

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Par Cédric Chaperon,
Chargé de projet en énergie et changements climatiques au Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ)


 

Mots clés : Canada, changements climatiques, sables bitumineux, Protocole de Kyoto, Copenhague.

Lors de la 15e conférence sur les changements climatiques de Copenhague, trouver un accord global sur le climat relèvera du treizième des douze travaux d’Hercule.

Car rien n’indique que l’on réussira à dégager des consensus sur une multitude d’enjeux urgents comme, par exemple, la définition d’un objectif commun de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour les pays industrialisés; les engagements des pays émergents, qui seront ensuite étroitement reliés au premier enjeu; ainsi que les outils et mécanismes de paiement pour les coûts de l’action et de l’adaptation aux changements climatiques.

Pourtant, la pression est forte de la part de la communauté scientifique internationale, où la majorité des groupes d’experts y vont chacun de leur rapport d’alerte. Bien sûr, les constats, prévisions et conséquences sur les changements climatiques que nous vivons diffèrent selon les rapports. Mais une chose est certaine, la nécessité d’agir rapidement se fait sentir et les raisons ne sont pas uniquement écologiques et environnementales, puisqu’elles sont aussi économiques.

Rappelons qu’en 2006, le rapport de Sir Nicolas Stern, ancien vice-président senior de la Banque mondiale, chiffrait qu’un investissement de 1% du PIB mondial par an dans la réduction des émissions de GES dès aujourd’hui permettrait d’éviter une perte économique comprise entre 5 % et 20 % du PIB mondial chaque année dans l’avenir. Plus récemment, une étude commandée par la Fondation David Suzuki à l’institut Pembina démontrait que le Canada pouvait se lancer dans la lutte aux changements climatiques sans affecter sa croissance économique à long terme.

 

Pauvre Canada!

Le Canada fait figure de dernier de la classe depuis déjà très longtemps face à la communauté internationale. Malgré sa ratification du Protocole de Kyoto, le gouvernement conservateur de Stephen Harper n’a finalisé aucun plan et ne s’est fixé aucun objectif sérieux en ce qui concerne ses objectifs de réduction d’émissions de GES. En outre, il dépasse actuellement de 33,8 % l’objectif qu’il doit respecter en vertu du Protocole. Le Canada émet aujourd’hui 747 mégatonnes de GES, ce qui correspond à une hausse de près de 26 % par rapport au niveau de 592 mégatonnes observé en 1990.

Le bonnet d’âne revient donc au Canada. Ignorant la problématique depuis longtemps, il se classe ainsi au dernier rang des pays du G8 sur le dossier des changements climatiques avec un modeste engagement de 20 % de réduction par rapport au seuil de 2006 (ce qui équivaut à une réduction d’environ 3 % par rapport à 1990). Les recommandations du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) sont telles que les pays industrialisés doivent réduire leurs émissions de GES de 25 % à 40 % à l’horizon 2020 pour éviter de se trouver dans une situation irréversible et incontrôlable.

 

Un crime écologique

Cependant, le gouvernement canadien en a décidé autrement : par l’exploitation des sables bitumineux en Alberta, regorgeant de pétrole, le Canada participe bel et bien à un crime écologique en règle puisqu’aucune réglementation n’existe sur les grands émetteurs industriels de GES. Cette absurdité est telle que la production d’un baril de pétrole nécessite un demi-baril en énergie et quatre baril d’eau chauffée au gaz naturel. Tout en considérant que la forêt boréale aujourd’hui dévastée correspond à la superficie de la Belgique.

Les pétrolières projettent pourtant de tripler l’exploitation des sables d’ici 2020.

 

Solidarité oblige…

Assurément, si tous les membres de la communauté internationale maintiennent à Copenhague leurs seuls intérêts individuels et économiques, la planète coure vers la catastrophe. Ne serait-il pas temps de profiter de ce momentum pour définir ensemble une vraie politique globale d’action contre les changements climatiques qui jettera les bases d’un nouveau paradigme?

 

Le défi québécois : réduire notre dépendance au pétrole

 

La position du Québec est radicalement différente de celle du Canada. C’est le lundi 23 novembre que Jean Charest a confirmé que son gouvernement se fixait comme objectif de réduire ses émissions de GES de 20 % par rapport au seuil de 1990 à l’horizon de 2020.

Même si cela ne répond pas à l’impératif scientifique, cet objectif est respectable. Et, espérons-le, le gouvernement voudra le rehausser au sortir du prochain rendez-vous danois. Il va sans dire que le Québec jouit d’un patrimoine d’infrastructures hydroélectriques lui permettant de consommer en moins grande quantité les énergies fossiles, sources de GES.

Sachons que parmi les sources d’énergie primaire les plus utilisées, le pétrole demeure au coude à coude avec l’hydroélectricité, comme indiqué sur le graphique suivant :

 

Consommation d’énergie par source au Québec (2007)

 

Sources : Statistique Canada, 2009, Hydro Québec, 2008 et MRNF, 2009.
(Cliquez sur l’image pour l’agrandir)

 

Or, au Québec, le pétrole est responsable de 60 % des émissions totales de GES. Celui-ci fournit à plus de 95 % l’énergie dans les transports étant, à eux seuls, responsables de 40 % des émissions de GES, ce qui en fait au Québec le premier secteur émetteur.

 

Un gouffre financier

Pourtant, en plus d’être dommageable à l’environnement, l’utilisation du pétrole se révèle être un gouffre financier pour le Québec. À la suite de la flambée des cours du prix du baril qui a eu lieu en été 2008, le seul déficit pour l’année 2008 pour le pétrole brut et ses produits dérivés a atteint environ 18 milliards de dollars. De plus, à l’approche du pic de production pétrolier, les prix seront amenés à toujours augmenter, comme le prédit Jeff Rubin, éminent économiste, qui affirme que le cours du baril de pétrole passerait de 60 à 200 dollars d’ici 2012, poussant le prix de l’essence à 2 dollars le litre. Puisque le transport est un enjeu majeur dans la lutte aux changements climatiques, il est absolument indispensable de revoir au plus vite notre modèle d’aménagement du territoire, notre manière de nous déplacer afin d’endiguer l’étalement urbain qui nous rend complètement tributaire de l’or noir.

 

Investir dans les énergies renouvelables

Pour réduire notre dépendance au pétrole, il est indispensable dans un premier temps que le Québec investisse massivement dans les politiques énergétiques et au maximum dans les renouvelables. D’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), il s’agit de  dégager globalement 10 500 milliards de dollars d’ici à 2030 pour éviter des “dommages irréparables” pour le climat. L’agence spécifie que chaque année de retard dans la mise en place d’une politique énergétique permettant de contenir le réchauffement de la planète nécessitera 500 milliards de dollars d’investissements supplémentaires.

Une menace à prendre au sérieux quant on sait que les positions de l’AIE sont le plus souvent conservatrices. C’est donc dès maintenant qu’il faut agir en conséquence !

 

Par Cédric Chaperon,
Chargé de projet en énergie et changements climatiques
au Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ)

Cédric Chaperon a étudié en France et détient un baccalauréat management des organisations de l’économie sociale et solidaire, ainsi qu’une maîtrise en Sciences Politiques mention développement durable et environnement. Chargé de projets en énergie et changements climatiques au Regroupement des conseils régionaux de l’environnement (RNCREQ), il participe notamment à la coordination de la campagne Défi Climat en région ainsi qu’aux travaux du RNCREQ pour les commissions parlementaires, les projets d’envergure nationale, et coordonne les activités des CRE lors de démarches communes.

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