Copenhague 2009 – Le Canada et les objectifs de réduction des émissions de GES

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Par Géraud de Lassus Saint-Geniès,
doctorant à la Faculté de droit de l’Université Laval et étudiant chercheur à la Chaire de recherche du Canada en droit de l’environnement


 

Mots-clés : Canada, changements climatiques, émissions de gaz à effet de serre (GES), Protocole de Kyoto, Copenhague.

Si la Conférence de Copenhague est un évènement international, les décisions qui y seront adoptées auront un impact direct sur les politiques nationales des États. Ceux-ci devront en effet prendre des mesures sur leur territoire pour respecter les obligations consenties. C’est pourquoi au cours des négociations, chaque État proposera des engagements qui seront le moins susceptibles de porter atteinte à ses intérêts nationaux.

Ainsi, sur la question des réductions des émissions de gaz à effet de serre (GES), le Canada défendra vraisemblablement à Copenhague un objectif peu ambitieux, sur le long terme, afin de protéger certains secteurs de son activité économique fortement polluants. Mais l’adoption de nouveaux engagements n’efface pas ceux déjà en vigueur, et le Canada demeure, quoiqu’il arrive, lié par son objectif de réduction de GES inscrit dans le Protocole de Kyoto.

 

Le futur engagement du Canada

Les mois précédents la Conférence de Copenhague ont montré que les objectifs de réduction de GES que les États souhaitent prendre au niveau international sont généralement ceux déjà adoptés, ou en voie d’adoption, au niveau national. Le Canada ne s’est toutefois pas inscrit dans cette tendance. En effet, le gouvernement fédéral a dit appuyer, dans le cadre des négociations de Copenhague, un objectif de réduction d’au moins 50 % d’ici à 2050, sans mentionner d’année de référence. Le Canada a ainsi repris l’objectif le moins contraignant inscrit dans la déclaration adoptée par les États du G8 réunis à l’Aquila en juillet 2009. Cette déclaration prévoyait pour les pays industrialisés un objectif de 80 % ou plus à l’horizon 2050 par rapport à 1990. Pourtant, dans son plan Prendre le virage pour réduire les gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique, publié en avril 2006, le Canada s’était fixé un objectif à moyen terme de réduction des émissions de GES de 20 % d’ici à 2020 par rapport au niveau de 2006, et un objectif à long terme de 60 % à 70 % d’ici à 2050.

Guerre de chiffres

Cependant, la position canadienne semble avoir récemment évolué. Après avoir évoqué son objectif national sur la scène internationale, le Canada a indiqué vouloir s’aligner sur la position américaine, dont l’objectif de réduction proposé est de 17 % d’ici à 2020 par rapport à 2005. A titre de comparaison, l’objectif de réduction annoncé par l’Australie est de 25 % d’ici à 2020 par rapport à 2000, et celui de l’Union européenne de 20 % d’ici à 2020 par rapport à 1990. Cette « guerre des chiffres » fait bien évidemment partie des stratégies des négociateurs réunis pour la 15ème Conférence des Parties à Copenhague et ne permet pas de déterminer avec précision le pourcentage final qui sera avancé par le Canada lors des négociations sur les objectifs de réduction de GES.

L’engagement actuel du Canada

En ratifiant le Protocole de Kyoto, le Canada s’est engagé à réduire ses émissions de GES de 6 % par rapport à leurs niveaux de 1990 entre 2008 et 2012 (1). Mais lors de la deuxième Réunion de la Conférence des États Parties au Protocole à Nairobi, en novembre 2006, le Canada a annoncé qu’il n’entendait plus se conformer à son engagement, en insistant sur la nécessité de définir des objectifs de réduction à long terme. Le Canada pourrait ainsi faire l’objet d’une « procédure de non-conformité » devant l’organe de contrôle du Protocole de Kyoto, le « Comité de contrôle du respect des dispositions du Protocole » (2).

Dans un premier temps, cette procédure vise à aider l’État qui rencontre des difficultés dans le respect de son objectif. Le Comité peut ainsi lui apporter une assistance, y compris financière et technologique, et lui recommander l’adoption de mesures spécifiques. Par la suite, si le Comité considère que l’État n’a pas respecté son objectif de réduction, il retranche aux volumes des émissions que l’État est autorisé à émettre lors de la période d’engagement suivante un nombre de tonnes égal à 1,3 fois la quantité de tonnes d’émissions excédentaires. De plus, le Comité suspend la possibilité pour l’État d’obtenir des réductions de GES grâce au marché international du carbone. Enfin, l’État doit présenter au Comité un plan d’action pour parvenir au respect de ses obligations, dans lequel il expose les mesures qu’il entend prendre et le calendrier de leur mise en œuvre. Cette procédure de non-conformité peut être enclenchée soit par le secrétariat du Protocole, soit par l’État lui-même, soit, chose plus rare en droit international, par n’importe quel État membre du Protocole.

Cependant, les mesures adoptées par ce Comité ne présentent pas, à l’heure actuelle, un caractère contraignant. En effet, selon le Protocole de Kyoto, les mécanismes et mesures en cas de non-respect qui entraînent des conséquences liant les parties doivent être adoptées par voie d’amendement (3). Or, pour l’instant ces mécanismes et procédures ont été adoptés par décision de la Conférence des Parties et non par amendement. Dès lors, il appartient à chaque État d’accepter de se soumettre aux décisions du Comité, même si une mesure telle que la suspension à la participation au marché du carbone produit, en fait, des effets contraignants pour un État. Et compte tenu de sa position actuelle sur la scène internationale, il est peu probable que le Canada se soumette aux sanctions que le Comité pourrait prononcer à son égard.

 

Le Québec : la volonté de se démarquer du Canada 

En juin 2006, le Québec s’est doté d’un Plan d’action, Le Québec et les changements climatiques, un défi pour l’avenir, pour la période 2006-2012. Plusieurs mesures de ce plan ont déjà été mises en œuvre parmi lesquelles l’adoption, le 18 juin 2009, d’une loi définissant un cadre juridique pour réduire les émissions de GES au Québec (4). Le 23 novembre 2009, le Québec s’est fixé un objectif de réduction de 20 % sous les niveaux de 1990 à l’horizon 2020, s’alignant ainsi sur la position de l’Union européenne. Mais dans la mesure où le Québec n’est pas un État, les engagements internationaux auxquels il sera soumis en matière de réduction des GES seront ceux consentis par le Canada.

Toutefois, au cours des dernières années, le Québec a intensifié son activité « paradiplomatique » dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques, affirmant ainsi sa volonté de se démarquer de la position du Canada sur ce dossier. Comme à Bali en 2007 et à Poznań en 2008, une délégation du Québec sera présente à la Conférence de Copenhague et tentera de peser sur l’issue des négociations. Par ailleurs, le Québec a pris part à de nombreuses initiatives régionales dans la lutte contre les changements climatiques (adhésion à la Climate Western Initiative et à l’International Carbon Action Partenership, tout en adoptant un statut d’observateur à la Regional Greenhouse Gas Initiative).

En raison de sa politique en matière de lutte contre les changements climatiques, le Canada s’expose à ce qu’une « procédure de non-conformité » soit enclenchée à son encontre. Toutefois, à côté de cette voie légale, subsiste la voie diplomatique. Le multilatéralisme étant toujours un choix à la discrétion de l’État, le sanctionner, c’est aussi courir le risque qu’il se désengage de l’action internationale. Et compte tenu du caractère planétaire des changements climatiques, il convient de savoir s’il est souhaitable que la communauté internationale se prive d’un dialogue avec le Canada.

 


 

Par Géraud de Lassus Saint-Geniès,
doctorant à la Faculté de droit de l’Université Laval
et étudiant chercheur à la Chaire de recherche du Canada en droit de l’environnement

Géraud de Lassus Saint-Geniès est doctorant à la Faculté de droit de l’Université Laval. Sa thèse porte sur la mise en œuvre du principe d’intégration dans le régime international de lutte contre les changements climatiques. Il est titulaire d’une maîtrise en droit international et européen à l’Université Paris X Nanterre et d’un D.E.A. en droit international et droit des organisations internationales à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne.

 


Sources :

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Le Canada a ratifié le Protocole de Kyoto le 17 décembre 2002 et il est entré en vigueur le 16 février 2005.
(2) Décision 27/CMP.1, FCCC/KP/CMP/2005/8/Add.3, 30 mars 2006. Ce comité est composé de deux chambres : la chambre de la facilitation et la chambre de l’exécution.
(3) Article 18 du Protocole de Kyoto.
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 Loi sur la qualité de l’environnement et d’autres dispositions législatives en matière de changements climatiques (L.R.Q., 2009, c. 33).

 

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