Pistes cyclables : Québec s’apprête à mettre les deux mains sur le guidon

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Par François René de Cotret


 

Mots-clés : Plan directeur du réseau cyclable, Groupe de travail sur la mobilité durable, Régis Labeaume, François Picard, Ville de Québec, vélo, cyclisme, cyclotourisme.

  

Manque de stationnement à vélo sur la rue Cartier
qui a été rénovée dernièrement.

Photo : François René de Cotret

En matière de cyclisme, la priorité de la Ville de Québec est le développement du réseau cyclable utilitaire et l’augmentation du nombre de kilomètres de pistes.

C’est du moins ce qu’affirme le responsable de l’aménagement du territoire sous l’administration de Régis Labeaume, François Picard. Il est le vice-président du Groupe de travail sur la mobilité durable de la Ville de Québec qui publiera au mois de juin un rapport sur l’urbanisme et les modes de transport en matière de développement cycliste.

Rappelons qu’à la fin de 2007, la Ville annonçait un Plan directeur du réseau cyclable. Toutefois, selon la présidente de Promo-Vélo, Jeanne Robin, ce plan « n’obtenait pas la note de passage, devait être revu en profondeur » et aurait dû impliquer « les cyclistes et leurs porte-parole. »

 

L’organisme qui fait la promotion du vélo attend donc le rapport de pied ferme. En entrevue avec GaïaPresse, madame Jobin met en garde contre les investissements prévus par la Ville. « Il se pourrait que les millions annoncés incluent les coûts de la réfection totale des chaussées où les aménagements cyclables seront faits. » Elle ajoute qu’il y a malheureusement « beaucoup d’annonces du Plan directeur qui dépendent d’autres projets. » Par exemple, la remontée mécanique pour vélos reliant la Basse-Ville à la Haute-Ville dépendrait du projet Diamant de Robert Lepage.

 

Le cyclisme à Québec : pathétique

La proposition de la municipalité aura avantage à être solide car aux dires d’autres adeptes, tel le réparateur de vélos Étienne Babin, l’état du cyclisme à Québec est tout simplement « pathétique. » Utilisateur de son vélo 365 jours par année, monsieur Babin déplore le manque flagrant d’infrastructures et « une absence de conscientisation face au cyclisme. »

Pour sa part, Pierre Bernier, propriétaire du Muséovélo, connu entre autres pour son jeûne motorisé de 1984 à 1989, ne croit pas que les changements se feront bientôt. « Rajoute trois décennies et ça va être la même affaire, dit-il. » À son avis, il est impossible pour le Québécois de « concevoir qu’il peut vivre sans auto. »

Même si elle adopte un discours plus positif quant à l’avenir du cyclisme à Québec, Jeanne Robin admet que « les revendications des cyclistes sont les mêmes aujourd’hui qu’il y a quinze ans. »

Dans son livre « Deux roues, un avenir » (1), la journaliste et cycliste engagée Claire Morisette écrit que « la bicyclette accomplit des trajets de cinq kilomètres et moins, aussi vite sinon plus, que tout autre moyen de transport » et que « le cycliste moyen n’éprouve aucune difficulté ni fatigue particulière à franchir une distance de huit kilomètres deux fois par jour. »

D’ailleurs, Jeanne Robin a fait valoir que « Québec est une ville qui se prête à l’usage du vélo en considérant les distances entre les zones densément peuplées. »

 

L’axe est-ouest est mal desservi

 L’axe est-ouest reliant le centre-ville aux arrondissements de Sillery, Sainte-Foy et Cap-Rouge est un corridor d’importance pour les cyclistes. Un comptage effectué en septembre 2008 par Promo-Vélo indiquait que près de 5 000 cyclistes l’empruntent quotidiennement, que ce soit par le boulevard René-Lévesque, la Grande Allée ou le chemin Sainte-Foy.

Pourtant, outre les quelques centaines de mètres orphelins sur le boulevard Laurier, l’axe ne comprend que deux pistes cyclables : le tronçon sur le boulevard Quatre-Bourgeois qui relie le boulevard Pie-XII et Myrand et la Promenade Samuel-de-Champlain qui débute à la limite Sainte-Foy/Sillery et qui se rend jusqu’au centre-ville. Toutefois, cette piste cyclable qui longe le fleuve s’entremêle au trottoir sur plus de la moitié de sa longueur totale.

Il y a aussi les bandes cyclables, plus nombreuses, séparées du trafic automobile par une ligne de peinture, comme sur le chemin Saint-Louis. Or, même si cette bande atteint une largeur de 140 cm à certains endroits, à d’autres, elle se rétrécit jusqu’à 35 cm. Fait à noter : le guidon d’un vélo mesure environ 40 cm! Et d’après le Guide technique d’aménagement des voies cyclables rédigé en 2003 par Vélo Québec en collaboration avec le ministère des Transports du Québec, une bande cyclable à sens unique devrait avoir une largeur minimale de 150 cm (2).

 

Des lois protègent les cyclistes

Le Code de la sécurité routière stipule que les cyclistes sont en droit de « circuler à 1,50 m des voitures en stationnement pour éviter une chute causée par l’ouverture des portières. » Ils peuvent aussi « circuler jusqu’à 1 m à la gauche des obstacles et débris présents en bordure de la chaussée. »

En considérant l’étroitesse du chemin Saint-Louis, qu’adviendrait-il si un cycliste circulait à 1 m à gauche de la chaussée? Le Code de la sécurité routière répond à cette question par l’article 341 : « Le conducteur d’un véhicule routier ne peut dépasser une bicyclette à l’intérieur de la même voie de circulation que s’il y a un espace suffisant pour permettre le dépassement sans danger. »

Il est écrit dans le Guide technique d’aménagement des voies cyclables que le Code de la sécurité routière « a un impact important sur les normes d’aménagement des voiries » et qu’ « il vise à assurer à tous les usagers de la route une place adéquate sur la voie publique et une circulation efficace et sécuritaire. »

Or, cet impact n’est valide seulement que si le Code de la sécurité routière est appliqué et respecté.

 

Rue Sheppard : un modèle

La largeur de la rue Sheppard et de la bande cyclable qui y est aménagée permet aux automobilistes, autobus, cyclistes et piétons de circuler sans gêne. Pierre Bernier a affirmé que les décideurs devraient s’en inspirer lors des futures rénovations urbaines. En entrevue avec GaïaPresse, il a expliqué que le conseiller François Picard l’avait d’ailleurs promis il y a quelques années.

Depuis ce temps, un grand segment du chemin Sainte-Foy a été rénové; plusieurs canalisations ont été changées et l’asphalte refaite. Aucun aménagement ni voie n’ont été prévus pour les cyclistes lors de la réfection de cette rue. Et l’histoire a été la même pour les réfections du boulevard Charest et de la Grande Allée.

Et même lorsque la Ville investit pour des aménagements cyclistes, ils sont parfois inadéquats. Par exemple, Pierre Bernier n’en revient pas qu’ « une bande cyclable ait été aménagée sur la côte de la Pente-Douce, mais qu’elle disparaisse dans le tournant serré de la côte, là où elle serait justement utile pour assurer la sécurité des cyclistes! »

 



Segment de la côte de la Pente-Douce où la bande cyclable disparaît.
Photo : François René de Cotret

Mais où se stationner?

La Ville de Québec offre également peu de supports à vélo pour accommoder ce mode de transport écologique, qui joue pourtant un rôle essentiel en milieu urbain. Jeanne Robin réclame que cet équipement soit inscrit dans les projets municipaux. « À Québec, les stationnements à vélos sont sous-évalués partout. C’est gênant pour tout le monde. » Autant pour le « cycliste qui n’arrive pas à trouver un endroit sécuritaire pour se stationner » que pour le résident du centre-ville qui se retrouve avec des vélos cadenassés devant son domicile, parfois « obstruant même sa porte d’entrée. » Assurément, complète la militante, « ce n’est pas encore un réflexe que d’intégrer le vélo à l’aménagement urbain. »

Et pourtant, le vélo occupe une place de plus en plus grande au Québec. D’après Jean-François Pronovost, le directeur général de Vélo Québec, de 1977 à 2000, le nombre de cyclistes québécois qui utilisent leur vélo au moins une fois par semaine a pratiquement doublé en passant de 900 000 à 1,7 million.

Jeanne Robin est claire sur ce point. Populaire ou pas, « le vélo prendra une place importante à Québec lorsque les élus se décideront à bouger une fois pour toutes. »

 

L’auto en ville: « c’est dépassé! »

À Strasbourg en France, 63 % de la population déclarait dans un sondage récent que « la voiture en ville, c’est dépassé (3). » Il faut dire que la municipalité a pris, au début des années 1990, un virage en faveur d’aménagements d’axes de déplacement soutenant le transport collectif et écologique.

Selon une enquête menée en 2007 par l’Observatoire mondial des modes de vie urbains, le vélo est le mode de transport principal dans des proportions de 36 % à Shanghai, 33 % à Pékin, 32 % à Tokyo, 27 % à Prague, 23 % à Berlin et 20 % à Lyon. Cette enquête menée auprès de 9 000 urbains de 14 mégapoles souligne entre autres que « la mobilité et les transports apparaissent comme des ingrédients primordiaux de la vie en ville » et que la facilité de déplacement y joue un rôle très attractif. De plus, l’enquête souligne qu’ « une ville agréable à vivre en est une où les déplacements automobiles sont maîtrisés. (4) »

Selon les auteurs de l’enquête, un changement majeur serait intervenu dans la condition des politiques publiques ces dernières décennies : « le passage d’un modèle où l’État est un arbitre passif à un système où il devient un pouvoir actif, édictant des mesures visant expressément à changer des comportements. (5) »


Sources :

(1) Morissette, Claire (2009), Deux roues, un avenir Le vélo en ville, Les Éditions Écosociétés, Montréal, 252 pages

(2) Guide technique d’aménagement des voies cyclables (2003), Les Éditions Tricycle, p. 35

(3) Guide technique d’aménagement des voies cyclables (2003), Les Éditions Tricycle, p. 13

(4) Observatoire mondial des modes de vie urbains, Vivre en ville (2008), Presse Universitaire de France, p. 120

(5) ibid, p. 132

 

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