Première mondiale : une fromagerie québécoise emploie des plantes pour filtrer ses eaux usées

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Par François René de Cotret


 

Mots-clés : Laiterie Charlevoix, fromagerie, Baie-Saint-Paul, Bruno Labbé, méthanisation, filtration, biogaz, digestat, serre, Valbio, Eco-Machine, Agence de l’efficacité énergétique.

La Laiterie Charlevoix de Baie-Saint-Paul, producteur des populaires fromages Fleurmier et Hercule, se démarque en construisant un méthaniseur couplé d’une serre hydroponique. Après quatre ans à collaborer au développement du projet, les consultants de la firme experte Valbio Canada n’ont pas repéré de telles installations ailleurs dans le monde. Ce serait une première.

Bien que des méthaniseurs existent déjà dans plusieurs pays, aucune entreprise n’y aurait intégré la filtration végétale. Or, outre le biogaz généré, la méthanisation produit entre autres des effluents riches en matières organiques. Au lieu de s’en débarrasser, il est tout à fait possible de les filtrer à l’aide de plantes. C’est ce que la Laiterie Charlevoix fera à l’aide de la technologie Éco-machinesTM, un système de purification à l’aide de cuves sous serre.

Bruno Labbé, l’ingénieur chargé du projet et copropriétaire de la Laiterie, a expliqué en entrevue avec GaïaPresse que « près de 90 % du lait utilisé pour la fabrication du fromage » et une quantité phénoménale d’eau sont souillés tout au long de la production. L’objectif du projet est d’utiliser efficacement « les quelque 20 000 litres de matières résiduelles quotidiennes » en procédant à la méthanisation et à la filtration. Présentement, une partie de ces eaux usées est livrée à des producteurs porcins de la région de Charlevoix à l’aide d’un camion-citerne qui roule près de 10 heures par semaine.

 

Investissement de 2,3 M $

Un bâtiment est en construction sur le site de la fromagerie pour accueillir le méthaniseur et la serre d’une valeur de 2,3 M $, financé entre autres par l’Agence de l’efficacité énergétique. Le tout sera opérationnel d’ici la fin de l’été 2010. M. Labbé est fier d’annoncer que « cette construction sera ouverte au public afin que les visiteurs puissent apprécier la serre », endroit où seront traités les effluents.

 

Le méthaniseur et la serre vont être opérationnels d’ici la fin de l’été 2010.

Photo : François René de Cotret

La visite de la serre viendra s’ajouter à celle des deux musées présents sur le site : l’Économusée du Fromage et le Musée du lait. La philosophie de l’entreprise familiale, ajoute M. Labbé, est « d’attirer les gens à la fromagerie», que ce soit pour les produits, pour le plaisir ou par curiosité. C’est pour cette raison qu’au lieu d’être confiné dans des réservoirs discrets, l’espace de traitement des eaux usées représentera une attraction « ressemblant plus au Jardin botanique qu’à une usine de purification des eaux. »

 

Croquis du bâtiment.

Courtoisie Bruno Labbé.

La méthanisation

Le biogaz remplacera les quelque 65 000 litres de mazout utilisés annuellement pour chauffer les bâtiments du site et l’eau nécessaire à la production du fromage. Cette substitution ainsi que l’arrêt de l’épandage des eaux usées par camion-citerne permettront « de diminuer les émissions de GES de 200 tonnes par année! », renchérit le chargé de projet.

Or, le procédé n’est pas sans résidus. Il restera quelque 200 mètres cubes de boue composée d’éléments organiques – le digestat – produits sur une base annuelle qui seront épandus sur les champs voisins où se nourrissent les vaches laitières de la fromagerie. Il y aura aussi les effluents chargés de matières organiques qui seront déversés dans les cuves de la serre afin d’y être filtrés.

 

 

Filtration par Éco-machines

Pour l’instant, le choix des végétaux filtreurs du procédé Éco-machineTM n’a pas été fait. Toutefois, ce sont les propriétés absorbantes et la vitesse de croissance qui influenceront la sélection. Ces petits filtreurs verts reposeront sur les cuves et leurs racines puiseront du liquide les éléments nécessaires à leur développement tels que l’azote et le phosphore. Pour ainsi dire, la croissance des plantes occasionnera la purification des effluents.

L’écosystème de la serre comprendra « tous les groupes de vivant, des plantes microscopiques et des algues aux escargots et poissons en incluant les grandes plantes supportées à la surface des bassins », explique M. Labbé. Régulièrement, les plantes seront trimées et compostées pour, à leur tour, engraisser les champs environnants, ajoute-t-il.

Une fois la filtration accomplie, poursuit Bruno Labbé, l’unique résidu sera « une eau suffisamment épurée pour être déversée directement dans la rivière! » Même si la manière dont cette eau sera utilisée n’a pas encore été décidée, l’ingénieur soulève la possibilité que « l’eau pourrait éventuellement remplacer celle utilisée aux toilettes de la Laiterie. »

 

 

Un circuit fermé : études possibles

 

Le concept innovateur de la Laiterie Charlevoix « va aussi permettre à des chercheurs d’étudier certains phénomènes grâce au circuit fermé qui en résulte », s’enthousiasme M. Labbé. En effet, poursuit-il, les vaches qui produisent le lait utilisé dans la fabrication de nos fromages vont brouter sur les terres engraissées au digestat!

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