Comment faire de l’éducation relative à l’environnement (ERE) à l’école?

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Par Carole Marcoux
Conseillère pédagogique en environnement, à la Commission scolaire de Montréal


Comment construire et développer concrètement et directement des pratiques d’éducation relative à l’environnement (ERE) dans les établissements de la Commission scolaire de Montréal (CSDM)? Pour atteindre cet objectif, on a mis en œuvre des activités de formation, de communication et de réseautage, tout en assurant, en parallèle, une gestion écoresponsable des bâtiments, des véhicules, des achats et des matières résiduelles. Ainsi, la CSDM agit sans cesse pour réduire son empreinte écologique. Nous invitons les lecteurs curieux d’en connaître davantage sur ces orientations et actions institutionnelles à consulter les bilans annuels de gestion environnementale du Plan vert, qui sont déposés à tous les mois de mai sur le site Internet du Secteur de l’environnement de la CSDM. Bien que les détails de cette gestion ne fassent pas partie de la présente réflexion, considérons quand même d’entrée de jeu sa très grande importance. « On éduque aussi avec les murs de l’école », affirmait Lucie Sauvé en conférence, lors du colloque en ERE tenu à Montréal. Évidemment! De telles pratiques institutionnelles contribuent à l’éducation des élèves; ainsi qu’à celle des parents et du personnel…

Toutefois, on se penchera ici exclusivement sur la dimension éducative de cet engagement politique et administratif, en se concentrant sur les trois volets mentionnés plus haut : réseautage, formation et communication.

 

Réseautage

De façon naturelle, l’être humain tend à se regrouper; d’abord pour former des clans, des tribus et, de nos jours, des réseaux et des associations. Le mouvement écologiste n’échappe pas à cette tendance, d’autant plus que ses moyens sont souvent limités et que les enjeux soulevés représentent la plupart du temps un défi de taille de par la complexité de leurs interrelations et les capacités financières des intervenants.

De nombreux exemples illustrent cette prémisse. J’en choisis deux parmi les plus représentatifs pour le milieu scolaire : le mouvement des Établissements verts Brundtland (EVB) et le mouvement associatif et citoyen.

 

Le mouvement EVB

Savez-vous que le mouvement EVB était au départ un réseau d’enseignantes et d’enseignants convaincus de l’importance de l’éducation relative à l’environnement? Grâce au soutien financier de la Centrale de l’enseignement du Québec (CEQ) [aujourd’hui Centrale des syndicats du Québec (CSQ), ces éducateurs se réunissaient trois fois par année sous l’appellation « le réseau des intervenantes et intervenants de la CEQ », communément appelé « le réseau ». Ensemble, ils avaient d’abord rédigé un recueil d’activités mettant en commun les activités pédagogiques environnementales des uns et des autres (1). Puis, toujours dans un souci de valoriser ce qui se faisait dans différentes écoles du Québec, ce réseau, dirigé par la regrettée Monique Fitz-Back, développa le concept d’accréditation des « Écoles vertes Brundtland » (ensuite appelées les Établissements verts Brundtland). Depuis sa naissance en 1994, ce mouvement ne cesse de grandir. D’après moi, cette croissance est attribuable, entre autres, à la force de son réseau qui se réunit durant deux jours, trois fois par année.

 

Le mouvement associatif et citoyen

Face aux problématiques environnementales du 21e siècle, qui peut travailler seul? À mon avis, personne! Les nombreuses associations environnementales se regroupent pour optimiser leur action au regard de la protection de l’environnement et mieux en saisir toutes les composantes grâce à la diversité et à la complémentarité des intervenants. Outre les réseaux internationaux, notons entre autres l’Association québécoise pour la promotion de l’éducation relative à l’environnement, le Réseau canadien d’éducation et de communication environnementale et le Réseau québécois des groupes écologistes. De la même façon, lorsque des citoyens font face à une problématique environnementale dans leur milieu, la seule façon de contrecarrer la menace et de protéger leur environnement est de se regrouper en réseau. À titre d’exemple, certains promoteurs voient la protection des milieux humides ou la préservation d’habitats fauniques comme des entraves à leur projet de développement. Devant cette réalité, le simple citoyen n’a pas d’autre choix que de s’associer et de se réseauter pour leur faire contrepoids.

 

Les différents réseaux de la CSDM

Comprenant l’importance et la portée du réseau, la CSDM met en œuvre un réseau d’entraide en environnement (dont on parlera dans la partie « Formation » (2)) et deux réseaux de diffusion électronique : Vert foncé et Vert pâle.

Ces derniers regroupent principalement des enseignantes et des enseignants de la CSDM, mais aussi d’autres intervenants de la commission scolaire ou d’ailleurs : commissaires, directions, personnel professionnel et de soutien, retraités, parents, éducateurs, membres de syndicats, journalistes ou partenaires des milieux universitaire, muséal et associatif. Démarré avec une dizaine de personnes à l’automne 1999, le réseau Vert foncé compte maintenant plus de 600 abonnés et se veut un lieu de diffusion et d’échange d’informations en rapport avec l’ERE, l’environnement, la paix et la solidarité internationale dans la région de Montréal. Le réseau Vert pâle regroupe sensiblement le même type de clientèle, mais ne diffuse que 6 à 10 fois par année les offres de formation de la CSDM incluant, bien sûr, les réseaux d’entraide en environnement.

 

Formation

Depuis 1999, trois types de formation sont offerts au personnel de la CSDM :
  1. animation de trousses pédagogiques au Centre des enseignantes et des enseignants de la CSDM ou sur demande;
  2. formation sur mesure offerte aux membres du personnel des établissements qui le souhaitent;
  3. organisation de trois réseaux d’entraide en environnement.

De 1999 à 2008, neuf colloques annuels ont aussi été tenus en collaboration avec l’Association québécoise de promotion de l’éducation relative à l’environnement (AQPERE) et de nombreux partenaires. En 2009, le Secteur de l’environnement coordonnait la niche L’école au sein de sa communauté du 5e Congrès mondial d’éducation relative à l’environnement, toujours en collaboration avec d’autres partenaires.

 

Animation de trousses pédagogiques et formation sur mesure

Il s’agit en fait d’à peu près la même action, avec cette différence que l’une est une offre et l’autre, une réponse. Il importe d’offrir pour stimuler et de répondre pour encourager. Ces offres de service doivent être diffusées dans le milieu scolaire pour, minimalement, faire connaître au plus grand nombre l’arrivée de nouvelles ressources à Montréal ou au Québec en général et, au mieux, favoriser l’appropriation de ce matériel par les enseignants, les éducateurs, les techniciens ou les professionnels. Précisons que tout le matériel pédagogique présenté aux intervenants de la CSDM répond toujours aux exigences et aux orientations du Programme de formation de l’école québécoise. D’autre part, les offres de formation sur mesure permettent de souffler sur certaines étincelles afin qu’elles s’enflamment et, idéalement, embrasent toute l’école! Elles ont aussi l’avantage d’être mieux adaptées aux besoins et au contexte de l’école, grâce à la préparation qui se construit en fonction d’un questionnement ou d’un besoin issu habituellement d’une préoccupation collective. Lors de ce type de formation, l’interaction entre différents intervenants qui ont l’habitude de se côtoyer et qui partagent le même espace trace souvent une orientation commune qu’il est plus facile de s’approprier pour favoriser l’émergence de solutions ou de projets.

 

Réseau d’entraide en environnement

S’inspirant du modèle EVB, le Secteur de l’environnement organise trois journées par année d’échanges et de formation à l’intention des différents acteurs de l’ERE : enseignants, parents, professionnels, éducateurs et partenaires.

De façon récurrente et continue, il y a, chaque année, trois réseaux d’entraide en environnement qui visent la formation et le réseautage. La journée de réflexion et de ressourcement se divise en trois périodes  : le partage d’expériences vécues, l’animation d’au moins une trousse pédagogique par réseau (souvent deux) et les communications des partenaires.

Durant la première période, appelée Des exemples d’engagement, on donne la parole à ceux et celles qui mènent des projets d’éducation environnementale dans leur milieu. Chacun est invité à expliquer sommairement ce qui se vit dans son école, souvent à l’aide de photos, d’affiches ou de productions d’élèves, pour ensuite poser un regard réflexif sur sa pratique ou sur le projet réalisé. Les questions et les commentaires des participants complètent cette réflexion pédagogique et collective. Le fait de réserver une période de temps exclusivement dédiée au partage de projets vécus dans les écoles est un élément très encourageant pour les participants. Ces échanges ouvrent les horizons de certains en leur donnant de nouvelles idées et en inspirent d’autres par l’exploration de nouveaux sentiers. L’élément central, fondamental et très didactique de ces partages d’expériences repose sur la démonstration sans équivoque de la faisabilité des projets : « Si untel l’a fait, il est donc possible de le réaliser! » À chaque fois, nous tentons collectivement de réfléchir sur ces diverses expériences afin d’en dégager les compétences développées, les conditions gagnantes et des façons d’aller plus loin.

Ensuite se déroule la présentation dynamique et interactive d’une trousse pédagogique habituellement offerte gratuitement aux personnes présentes. Ce volet assure la prise en compte, par les participants, de stratégies et de contenus souvent différents et parfois novateurs par rapport au matériel habituellement utilisé dans les classes. Ils ont ainsi l’occasion de connaître le matériel nouvellement produit et, la plupart du temps, d’en prendre possession.

Finalement, diverses ressources (matériel, événements, conférences, concours, films, sorties, etc.) sont proposées dans six stands d’information tenus par des partenaires et dans un document intitulé Les petites annonces de grande importance. Ce dernier répertorie les coordonnées de toutes les personnes qui ont participé au réseau ainsi que celles de nombreuses ressources pertinentes pour le milieu de l’éducation en ce qui a trait à l’environnement. Entre-temps, les six partenaires présentent leurs possibilités d’animations professionnelles, de sorties éducatives, de matériel didactique ou de produits écoresponsables. Leur participation au réseau fait connaître au milieu scolaire de nombreux services liés à l’ERE et éveille souvent la fibre citoyenne de chacun, quelle que soit sa profession. Qui sont-ils? Des muséums et des parcs nature, des éco-quartiers, ou de nombreuses autres organisations vouées à la protection de l’environnement ou à la solidarité internationale.

 

Neuf colloques annuels

De 1999 à 2008, la CSDM et l’Association québécoise pour la promotion de l’éducation relative à l’environnement (AQPERE) ont organisé chaque année le colloque de Montréal en éducation relative à l’environnement. Déjà, nous comprenons que cet événement était le résultat d’une étroite collaboration entre deux partenaires évoluant dans des milieux différents : scolaire et associatif. C’est donc imprégnées d’une profonde culture du partenariat que l’AQPERE et la CSDM ont élargi leur champ d’action, comme en témoignent les très nombreuses collaborations tissées au fil des ans. En effet, la structure organisationnelle originale du colloque a réuni chaque fois des partenaires différents au sein du comité organisateur, choisis en fonction de leur lien avec le thème retenu. Cette procédure a le double avantage de renouveler la programmation offerte d’année en année et d’atteindre une nouvelle clientèle, ce qui permet d’élargir et de consolider un réseau de communication de plus en plus efficace.

En nous appuyant sur les commentaires recueillis, nous pouvons affirmer que les participants considèrent cette journée de formation unique en son genre comme un rendez-vous annuel qui entraîne une synergie positive dans le milieu de l’éducation à l’environnement, officiel ou non officiel, et une occasion grandement appréciée d’établir de nouveaux partenariats, tout en faisant le plein d’énergie à chaque fois. Ce colloque offre donc une occasion unique de réunir les différents acteurs de l’éducation à l’environnement et de provoquer l’émergence de nouveaux projets entre ces derniers.

L’AQPERE assurera la pérennité du colloque dans sa 10e édition, qui aura lieu en novembre 2010.

 

Communication

Pour dynamiser un mouvement, il importe d’en communiquer les composantes. C’est pourquoi le Secteur de l’environnement met en ligne ses principales ressources sur un site Internet, édite une publication trimestrielle qui est distribuée dans tous les services et les établissements et coordonne la remise d’un prix annuel de reconnaissance en ERE.

 

Site Internet

Excellent moyen de gestion et d’éducation, le site Internet est utilisé autant par les concierges que par les directions, en passant par les enseignants, les éducateurs et les professionnels. En effet, on y trouve les nouveautés pédagogiques, les offres de formation, les moyens de financement écologiques et responsables, de nombreux outils et des références de gestion environnementale, une liste de partenaires en ERE, des suggestions de projets, de sorties, de conférences, de livres et de films éducatifs et la liste de gestes institutionnels tels que la politique environnementale, le Plan vert et le relevé annuel des réalisations de la CSDM.

 

Faire de l’ERE

Publié trois fois par année, un feuillet de quatre pages donne les principales nouvelles de l’ERE et relate certaines de ses expériences vécues dans les établissements de la CSDM. Il a le mérite de rejoindre ceux et celles qui ne participent pas au réseau d’entraide en environnement, mais qui s’intéressent à l’ERE. En plus de représenter une source d’inspiration pour le personnel, Faire de l’ERE confère aussi une bonne dose de fierté aux jeunes et aux moins jeunes dont les expériences sont diffusées. En effet, de nombreux acteurs de l’éducation relative à l’environnement travaillent généreusement dans l’ombre pour contribuer au mieux-être de la planète et se réjouissent, avec les élèves concernés, de constater que leur histoire est racontée.

 

Prix annuel de reconnaissance en ERE

En 2005, avec l’adoption du Plan vert, le Conseil des commissaires instaurait un prix annuel de reconnaissance en ERE pour souligner le travail exemplaire du personnel et des élèves de la CSDM ainsi que les effets positifs de ces projets dans le milieu. Le prix est remis lors du gala de reconnaissance du personnel et du gala de reconnaissance des élèves.

 

Regard réflexif sur ces pratiques

Les outils de communication et de réseautage valorisent les gens impliqués en ERE et en inspirent d’autres. En ce sens, la motivation des intervenants est accrue parce qu’ils se sentent soutenus et entourés, même s’ils sont les seuls « verts » de leur établissement, évitant ainsi un possible sentiment d’isolement dans leur milieu. Bien sûr, ces échanges donnent aussi de nouvelles idées aux acteurs de l’ERE.

Les formations offertes permettent de s’approprier des ressources en ERE et favorisent une réflexion pédagogique et systémique sur les diverses approches et stratégies d’ERE, tout en respectant les orientations du Programme de formation de l’école québécoise. Elles permettent également le maillage du milieu scolaire avec la communauté, les organisations non gouvernementales environnementales et le milieu universitaire, notamment la Chaire de recherche du Canada en ERE, à l’UQAM. Les formations sur mesure répondent directement aux besoins du milieu, en assurant le soutien nécessaire à la mise en œuvre ou à la poursuite d’une démarche d’ERE en classe.

Ensemble, ces trois stratégies éducatives créent une véritable synergie d’ERE à la CSDM. En effet, à la lumière des observations faites depuis dix ans, il se vivrait au moins dix fois plus d’ERE dans les classes de la CSDM à l’automne 2009 qu’à l’automne 1999. Nous pouvons en conclure que les activités de formation, de communication et de réseautage mises en place par la commission scolaire ont certainement contribué au développement de l’éducation relative à l’environnement à la CSDM.

Finalement, le fait d’assurer un service direct aux écoles qui en ont besoin tout en mettant en avant des mesures particulières offertes à toutes et à tous contribue directement et indirectement à faire le l’ERE dans les écoles!

 


 

Par Carole Marcoux
Conseillère pédagogique en environnement, à la Commission scolaire de Montréal

 

 


Sources :

(1) « Ensemble, récupérons notre planète », CEQ, août 1990

(2) Le réseau d’entraide en environnement poursuit deux objectifs : créer des liens entre les différents intervenants et offrir de la formation pertinente au personnel scolaire. Ce point sera traité dans la partie « Formation ».

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