Les normes d’acceptabilité sociale de la filière éolienne au Québec

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Par le mouvement Terre Citoyenne


Mots-clés: énergie, éolien, acceptabilité sociale, Massif du sud.

 

Contexte

L’acceptabilité sociale d’un grand projet est une obligation intrinsèque à l’application de la Loi sur le développement durable du Québec, car sans consensus social on ne saurait parler de développement durable.   

En matière de grands projets, on ne fait pas plus grand que dans la filière énergétique, la plus grosse industrie de la planète contrôlée par les plus puissants. Le gouvernement du Québec s’est toutefois doté d’une stratégie énergétique bien après que les décisions eurent été prises de se lancer massivement dans le développement de nos ressources énergétiques, que ce soit le gaz, le pétrole, l’éolien, le gaz de shale ou l’uranium.

Ainsi le deuxième appel d’offres d’Hydro-Québec pour l’éolien a été lancé le 31 octobre 2005, à l’insu de presque tout le monde, soit la journée précédant les élections municipales partout au Québec en date du  1er novembre 2005. Le grand gagnant du deuxième appel d’offres de l’éolien a été Saint-Laurent Énergie, détenu aujourd’hui à 100 % par Électricité de France-Énergies Nouvelles (EDF-EN), laquelle détient près de la moitié des projets éoliens de ce deuxième appel d’offres. Rappelons que la vocation première d’EDF est le nucléaire.

Avec la mise en œuvre de la stratégie énergétique du gouvernement du Québec de 2006, plusieurs études ont vu le jour. Parmi elles, l’Université du Québec à Rimouski a publié, sous la poussée des événements reliés à la filière éolienne, une étude en octobre 2008 intitulée Énergie éolienne et acceptabilité sociale, qui est un guide à l’intention des élus. Une autre étude a été publiée en 2009 sur le même sujet afin de regarder sur le terrain ce que l’on peut dégager des normes d’acceptabilité sociale au Québec quand on s’attarde aux artisans de ces normes, les citoyens eux-mêmes. Ces normes sont indépendantes, elles n’ont été financées par personne.

Qui aurait pu prévoir, à la lecture de la stratégie énergétique du Québec en 2006, les intentions du gouvernement de développer en même temps l’éolien, le nucléaire, les gaz de shale partout dans la Vallée du Saint-Laurent et voir débarquer les gazoducs d’Ultramar sur nos terres agricoles de Montréal à Québec?

Quant à l’éolien, avec l’ensemble des projets de gré à gré et des trois appels d’offres, on parle de milliers de machines dont les plus récentes iront jusqu’à 2 MW soit 126 mètres de hauteur. Elles seront éparpillées sur les deux rives du fleuve sur une superficie de centaines de kilomètres, mettant notre territoire sous occupation d’industries dont la plupart sont étrangères. Aucune consultation des citoyens n’a été faite dans le cadre de la stratégie énergétique, sinon une consultation auprès de quelques groupes de Montréal.

Les citoyens se sentent présentement envahis sur leur territoire par les grandes entreprises énergétiques et ils réagissent vivement. Ces réactions citoyennes se sont traduites par des levées de boucliers spontanées pour dénoncer la manière dont notre territoire était géré au Québec, l’aisance avec laquelle nos ressources naturelles pouvaient être exploitées par quiconque et la complaisance avec laquelle les élus ouvraient l’ensemble du territoire aux entrepreneurs, sans les consulter. 

Ces manifestions spontanées des citoyens, concernant à la manière dont les projets éoliens se sont développés, sont un indicateur non seulement d’un manque de consensus social pour la mise en œuvre de la stratégie énergétique du Québec. Elles ont de facto un écho sur les normes d’acceptabilité sociale de l’éolien au Québec.

 

Les normes dictées par les luttes citoyennes

Les citoyens de Sainte-Luce ont fini par pousser leurs dirigeants locaux à établir une norme de cinq kilomètres entre une éolienne et les rives du fleuve Saint-Laurent. Cette norme est une norme durable dans leur cas, car elle est inscrite désormais à leur schéma d’aménagement. Ce n’est donc pas toute la vue du fleuve qui sera protégée, mais un tout petit tronçon. Le reste du fleuve demeure sans protection.

De leur côté, les citoyens impliqués là où un projet éolien est prévu en milieu habité ont établi une norme eux aussi d’au moins deux kilomètres entre une éolienne et une résidence. Par ailleurs, avec les nouvelles évaluations faites par des experts de l’évaluation foncière, cette norme pourrait même aller jusqu’à 3,5 km, car il est établi que les maisons perdent de la valeur et sont plus difficiles, voire impossibles à vendre quand une résidence se retrouve à moins de 3,5 km d’une éolienne. Pas difficile à comprendre : qui voudrait s’installer dans un lieu bucolique, ou rural, à proximité d’une industrie? Cette norme a été établie par les luttes citoyennes de Saint-Ulric en Gaspésie au tout début de la filière en 1997, puis par des citoyens du Centre-du-Québec qui se sont battus dans les dossiers de la MRC de l’Érable et des Moulins depuis 2009. Ces citoyens sont prêts à se rendre en Cour et continuent leur bataille afin de faire reconnaître cette norme.

Les citoyens qui vivent sur des terres agricoles se battent également présentement pour qu’il soit carrément interdit d’installer une industrie sur nos terres agricoles. Ces terres sont le garde-manger du Québec. Seulement 2 % du territoire du Québec est occupé par des zones agricoles et notre droit civil doit pouvoir protéger ces zones de grands développements industriels ou miniers, lesquels sont non seulement incompatibles avec l’objet de la Loi sur la protection des terres et des activités agricoles, mais tout simplement incompatibles avec les principes du développement durable.

Une autre norme a été établie par les citoyens qui se battent au Massif du sud pour faire reconnaître le Parc régional du Massif du sud comme une réserve de la biodiversité, afin de protéger une biodiversité exceptionnelle sur la rive sud du Saint-Laurent. Rappelons qu’un projet éolien de 150 MW est prévu au Massif du sud et la majorité des éoliennes seront situées au beau milieu du parc. Déboiser massivement un parc pour y installer une industrie éolienne est non seulement incompatible avec la vocation du lieu, mais est carrément immoral et contraire aux ententes internationales et nationales auxquelles le gouvernement du Québec s’est engagé en matière de biodiversité.

 

L’Agence d’efficacité énergétique

Cette agence avait été conçue pour mettre l’accent sur l’efficacité énergétique et identifiée à la Stratégie énergétique du Québec. Cependant, après quelques années d’existence cette agence a été dissoute pour être intégrée paraît-il au ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Ce faisant, les citoyens ont perdu tout espoir d’avoir une institution ayant une certaine indépendance en rapport au ministère qui développe la filière énergétique au Québec. Ils perdent également espoir de connaître en toute transparence les chiffres de la filière énergétique et les rapports coûts/bénéfices des différentes filières, dont celle de l’éolien.

En matière éolienne, les grandes éoliennes étant du ressort du MRN, l’agence elle-même a été restreinte de n’étudier que l’efficacité des éoliennes de proximité, du genre de celles qu’on peut se procurer chez Canadian Tire. Les données de l’efficacité énergétique des éoliennes industrielles sont introuvables sur le site du MRNF.

 

Conclusion

Les citoyens du Québec font les frais d’une industrie poussée rapidement sans que nos dirigeants en aient étudié les rapports coûts/bénéfices et mesuré de manière indépendante les impacts cumulatifs de cette industrie sur la valeur de notre territoire, sur notre santé et sur notre environnement.

Il n’y a pas que les citoyens du Québec touchés de près par l’éolien qui y perdent, mais l’ensemble des Québécois. Le territoire du Québec est maintenant occupé par des industriels qui n’en ont que faire de notre belle province. Ces industriels ont maintenant des droits sur notre territoire pour des décennies, ce qui viendra stériliser notre territoire. L’éolien coûtera également très cher aux citoyens du Québec en argent sonnant, car cette industrie est financée par l’état de toutes sortes de manières : par les actions accréditives et autres avantages fiscaux, par les obligations de rachat d’électricité à prix fixe que l’éolien produise ou non et pour l’installation de tout le système de raccordement de l’éolien à notre réseau d’Hydro-Québec. Mais là où le prix est le plus grand, c’est au niveau intangible, avec l’instabilité produite par la mise en œuvre forcée du modèle de développement de la filière énergétique qui oppose les citoyens entre ceux qui veulent bénéficier des redevances de l’industrie et ceux qui veulent protéger leur milieu de vie. Le prix de la stratégie énergétique sera aussi celui de l’incertitude partout sur le territoire du Québec pour des décennies à venir, car nulle part au Québec nous ne pourrons avoir la certitude que notre droit à la qualité de vie sur nos terres sera respecté.

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