LETTRE D'OPINION – Nucléaire : Conscience écologique et volonté collective des Québécois

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Par Robert Duchesne

 

En tant que citoyen concerné et intéressé, je souhaite faire savoir aux Commissaires mon opinion à propos du nucléaire au Québec, et plus spécifiquement au sujet de la réfection de la Centrale Gentilly-2. Je ne suis ni scientifique, ni ingénieur, ni homme d’affaires, ni politicien; je suis un simple citoyen retraité qui s’informe et souhaite témoigner en évoquant le simple bon sens à la portée de tous.

La crédibilité des gens du nucléaire et des gouvernements auprès de la population est indissociable du respect de la démocratie et de la transparence des prises de décision. Or s’il y a un sujet pour lequel l’intelligence des citoyens est fortement méprisée, c’est bien le sujet du nucléaire. En voici quelques exemples.

  • On nous déclare que le coût de l’énergie à partir de sources renouvelables est trop élevé  pour être compétitif et même réalisable dans un avenir rapproché. Par contre, on veut à tout prix mettre des milliards dans la réfection d’une centrale nucléaire qui ne produit qu’une faible proportion de l’énergie du Québec, ce qui de toute évidence équivaut à produire de l’énergie à un prix du kWh au moins équivalent à l’énergie de source renouvelable sinon davantage. Et le citoyen n’est pas supposé s’en apercevoir.
  • D’une part, on veut nous faire croire que l’énergie nucléaire nous est nécessaire, alors que, d’autre part, tout le monde sait que nous avons des surplus à vendre à rabais aux USA et que l’on est même prêt à harnacher ce qu’il nous reste de rivières pour ajouter à ces surplus. Pour n’importe quel citoyen qui réfléchit, la contradiction est tellement évidente que c’en est choquant de la constater.
  • Les pro-nucléaires disent qu’il nous faut préserver notre expertise dans le domaine. Or, il est de plus en plus évident que le nucléaire est loin d’être l’énergie de l’avenir. Les ressources en uranium diminuent et seront épuisées dans un horizon rapproché. De plus, l’aggravation des problèmes reliés au traitement et au confinement à très long terme des déchets radioactifs ne cesse de mettre de plus en plus la population en alerte du fait qu’aucune solution n’est en vue, alors que ces déchets ne cessent de s’accumuler. Par ailleurs, on est en droit de se demander à qui une telle expertise pourrait bien servir au Québec; celui-ci n’a qu’une seule centrale et n’importe quel citoyen est en mesure de prédire qu’aucune autre centrale nucléaire n’y sera construite dans le futur.
  • Logiquement, considérant le nombre grandissant de réacteurs ayant atteint la fin de vie utile de leur utilisation et l’opposition citoyenne au nucléaire de plus en plus marquée, la seule expertise valable à tirer de la centrale de Gentilly en est la technologie de démantèlement, laquelle serait exportable vers les états qui en viendront aussi à cette option inévitablement.
  • On nous dit qu’il y a des emplois à préserver. Là encore, la durée d’un démantèlement des installations de Gentilly et l’ampleur du travail à effectuer nous permettent de considérer une période de transition pendant laquelle ces emplois seraient préservés sous une forme ou une autre. Cette période de quelques années serait sans doute suffisante pour qu’un programme de transfert des postes puisse s’effectuer efficacement.
  • Déjà une anticipation de recyclage des compétences et des postes dans le domaine des énergies vertes est envisageable. La différence positive en milliards de dollars entre les coûts de réfection et ceux de démantèlement pourrait facilement être assignée à un tel remaniement, puisqu’il ne s’agirait pas d’argent neuf, considérant que le gouvernement et Hydro-Québec ont déjà prévu l’investir dans la réfection.
  • Chaque fois qu’il est question du nucléaire, les autorités supposément compétentes disent aux citoyens qu’un accident ne peut survenir dans nos installations…jusqu’à ce que l’accident survienne. Et lorsque celui-ci survient, on dit aux citoyens que l’accident fut causé par un imprévu, un imprévisible, un impondérable…qui jusque là ne pouvait survenir qu’ailleurs : une valve fut oubliée, un générateur est tombé en panne, etc.. C’est ce que l’on disait aux gens de Tchernobyl et de Three Mile Islands jusqu’à l’accident. Considérer que ça ne peut arriver qu’ailleurs relève soit de la pensée magique soit de l’irresponsabilité, et déclarer aux citoyens que ça ne peut arriver chez soi relève de la malhonnêteté intellectuelle et civique. C’est prendre les citoyens pour des imbéciles et c’est offensant.
  • Et quand on songe que ceux-là qui nous déclarent que tout est sous contrôle sont souvent ceux-là mêmes qui n’ont rien contrôlé lors d’incidents antérieurs, ça n’a rien de rassurant. Tous les citoyens savent que la crise des isotopes médicaux de Chalk River fut mal gérée par les instances de contrôle du nucléaire et les autorités gouvernementales. Lorsqu’il fut question de parer aux déficiences matérielles dans la sécurité de la centrale, le gouvernement a fait congédier la seule personne en autorité ayant mis ses culottes au Canada concernant  les risques nucléaires, Mme Linda Keen, qui présidait la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), pour son refus d'autoriser le redémarrage de Chalk River. Et les citoyens devraient maintenant se sentir rassurés par cet amateurisme caractérisé et par ces gens qui dérogent aux règles de sécurité chaque fois que des intérêts financiers sont en cause, comme pour le transport de déchets radioactifs sur les Grands Lacs et dans la vallée du Saint-Laurent. 
  • Deux aspects liés à la sécurité sont particulièrement préoccupants dans la gestion actuelle du nucléaire et dans cette volonté de prioriser la réfection d’une centrale aussi nuisible qu’inutile. Les pro-nucléaires escamotent complètement deux risques désormais incontournables : le risque découlant de l’imprévisibilité actuelle des catastrophes climatiques et géologiques et le risque découlant du terrorisme international. Ces risques sont réels, présents, actuels; ils sont imprévisibles et de plus en plus violents et omniprésents sur la planète, y compris au Canada, y compris au Québec, y compris à Gentilly-2.
  • Comment les autorités décisionnelles du nucléaire à tout niveau peuvent-elles vouloir perpétuer dans le temps de tels risques pour la population québécoise, en évoquant toutes sortes de prétextes à faire gober aux citoyens pour justifier leurs prises de position indéfendables en faveur du nucléaire? Tous les Québécois savent que le Québec n’a pas besoin du nucléaire, tous les Québécois savent que par conséquent la réfection de Gentilly-2 ne peut être qu’une immense dépense inconséquente qui produira davantage de déchets radioactifs dangereux qui s’avèrent de plus en plus ingérables dans le court terme et le long terme, i-e pour la génération actuelle et les générations futures. 

 

Conclusion :

La conscience écologique et la volonté collective des Québécois s’expriment de plus en plus clairement et fermement en faveur de la mise en œuvre de chantiers d’exploration et d’exploitation des énergies renouvelables. Les grands espaces inhabités du territoire, les milliers de kilomètres de côtes maritimes et fluviales, les installations de transport énergétique déjà en place sont de toute évidence des facteurs propices à ce type d’entreprises.

Considérant toute la problématique reliée aux énergies fossiles, tant sur le plan environnemental que géopolitique et financier, il est inévitable que les sociétés occidentales devrontà plus ou moins brève échéance se tourner drastiquement vers les énergies renouvelables. Le Québec a cette chance inouïe de jouir de facteurs favorables pour faire partie des nations qui prendront le leadership dans le domaine. Les surplus actuels en potentiel hydro-électrique font certainement partie de ces facteurs favorisant une transition vers cet état de fait imminent du futur énergétique. C’est une occasion historique pour le Québec de ne pas se faire damer le pion par les autres nations et de faire sa propre niche dans le domaine des énergies renouvelables, plutôt que d’investir dans le nucléaire et dans les énergies fossiles. Un tel projet réalisable serait à coup sûr sécuritaire, rentable, producteur d’emplois et de richesses et donc rassembleur : c’est ce que les citoyens du Québec attendent de leurs administrateurs, de leurs entrepreneurs, de leurs ingénieurs. Et c’est ce que les générations futures attendent de nous.

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