PS et nucléaire : le Réseau "Sortir du nucléaire" dénonce un double langage intolérable

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Mardi 5 avril, Martine Aubry a présenté le nouveau programme du Parti Socialiste, intitulé… « Le changement ». Au cours de la conférence de presse, elle a notamment évoqué sa préférence personnelle pour la sortie du nucléaire, en ajoutant ne pas savoir combien de temps serait nécessaire. Est-ce la même personne qui, s’exprimant en tant que première secrétaire du Parti Socialiste, avait énergiquement plaidé pour une sortie du nucléaire en 20 ou 30 ans sur le plateau de Canal + le 21 mars dernier [1] ?
 
Le Réseau "Sortir du nucléaire" rappelle à Martine Aubry que la sortie du nucléaire n'est pas un argument électoral : c'est une nécessité écologique, afin que les générations futures n'aient pas à souffrir des conséquences dramatiques pour l'Homme et l'environnement d'un accident toujours possible et du poids de la gestion de déchets dangereux pour des milliers d'années. Quoi qu’il en soit, ces prises de position publiques auraient pu laisser penser que le principal parti d’opposition de France avait enfin intégré la nécessité d’une révolution énergétique… si elles n’étaient pas en décalage total avec le texte programmatique du PS pour 2012 présenté mardi.
 
Pour Corinne François, porte-parole du Réseau "Sortir du nucléaire", « on se trouve face à un double langage intolérable : loin des belles déclarations de Mme Aubry, ce texte constitue une ode à la poursuite du nucléaire, qui aurait tout aussi bien pu être rédigée par Eric Besson ! »
 
En effet, on n’y trouve plus aucune mention d’une sortie du nucléaire, quels qu’en soient les délais. En dépit de quelques déclarations d’intention de développer les énergies renouvelables et les économies d’énergie, tout est mis en œuvre, à grands coups de cocoricos déplacés, pour sauver le « fleuron industriel » atomique : « Ne gâchons pas des années de succès technique et économique, unique au monde, du secteur public français – le nucléaire civil ».
 
Rien sur les points d’étapes indispensables à une transition énergétique pourtant évoquée. Aucune remise en cause des installations vieillissantes, poursuite du « retraitement » du combustible, et surtout poursuite du programme de renouvellement du parc nucléaire actuellement engagé (donc aucune remise en question de l’EPR, pourtant échec industriel monumental).
 
« Malgré un habillage qui se veut progressiste sur la transition énergétique, plus on avance dans la lecture du programme du Parti Socialiste, plus le discours s’appauvrit », souligne également Corinne François.
 
On y retrouve en effet les mêmes lieux communs et poncifs éculés que dans le discours de l’UMP, notamment sur le nucléaire « décarboné » [2] et peu coûteux, la « renaissance » de l’atome dans le monde et la soi-disant indépendance énergétique française. Par ailleurs, de nombreuses incohérences et formules maladroites ("sortir de la dépendance du nucléaire" (sic !)) donnent l’impression d’un texte-patchwork, champ de bataille où le camp pronucléaire l’a finalement emporté.
 
Ce double langage relève-t-il d’une stratégie électoraliste ? Déjà, en 1981, François Mitterrand promettait un référendum, la réduction du programme nucléaire et le développement des énergies renouvelables ; il n'a tenu aucune de ces promesses [3]. En 1997, hormis l'incontournable fermeture de Superphénix, la gauche plurielle n'a rien fait pour réduire la part du nucléaire, bien au contraire.
 Ou cette cacophonie ne traduit-elle pas l’incapacité du Parti Socialiste à produire un programme ambitieux et novateur, en raison du soutien inconditionnel à l’atome de certains caciques ?
 
Il est affligeant de constater que le principal parti d’opposition français n’a tiré qu’en façade les leçons de la catastrophe de Fukushima, qui ne cesse de s'amplifier.
 
Alors que 70 % des Français plébiscitent la sortie du nucléaire dans deux sondages récents [4], le PS confirme son immobilisme et son éloignement de la population.
 
Corinne François conclut : « en refusant de remettre en question le règne de l’atome, le PS, à l’instar de l’UMP, pourrait condamner la France à cinq nouvelles années de retard pour enclencher une véritable transition énergétique, et à continuer à vivre avec un risque nucléaire qui ne fera que s’accroître avec le vieillissement des centrales ».
 

 

 NOTES :
 
[1] Martine Aubry, sur Canal + le 21 mars 2011

[2] « Le nucléaire [produit], sans émettre de CO2, une électricité abondante, permanente et bon marché », p. 8

[3] « Les crédits économisés par la réduction du programme nucléaire permettront d’augmenter fortement les moyens accordés aux économies d’énergie et aux énergies nouvelles. » http://seaus.free.fr/spip.php?article781
 

[4] Sondage 1 de l'IFOP, réalisé du 15 au 17 mars 2011, à la demande d'Europe-Écologie Les Verts ; Sondage 2 d'Opinion Way réalisé les 16 et 17 mars 2011, à la demande de l'Alliance Écologiste Indépendante.

5 avril 2011 – Extrait du programme du Parti Socialiste en vue des présidentielles
Pages 8 et 9 :

«1.2.2 Rattraper notre retard en matière d’énergies renouvelables et d’économies d’énergie pour réussir la transition écologique
Le temps des énergies abondantes et bon marché, au moins dans les pays industrialisés, est révolu. La lutte contre le dérèglement climatique exige de réduire drastiquement la part des énergies fossiles. L'épuisement des ressources naturelles rend l'exploration, l'extraction et la combustion de plus en plus coûteuses et surtout dangereuses pour l'éco-système – comme en témoignent les techniques utilisées pour le gaz de schiste.
 
La marée noire en Louisiane d'avril 2010 et surtout la catastrophe nucléaire de Fukushima en mars 2011 ont provoqué une prise de conscience salutaire : la priorité doit être donnée aux énergies sûres et durables, encore marginales dans notre « mix » énergétique. Il s'agit de garantir l'indépendance énergétique de la France, donc de de sortir de la dépendance du pétrole ou du nucléaire.
 
La transition énergétique commence par la sobriété et l'efficacité énergétiques : la première énergie économisée est celle qui n'est pas consommée. Dans le cadre de la réforme globale de la fiscalité menée au cours de la législature, nous discuterons la mise en place d'une contribution climat-énergie juste, incluant l’électricité et vraiment redistributive au niveau européen. Nous verrons comment rendre la TVA éco-modulable, c'est-à-dire réduite sur les produits non polluants et plus élevée sur les autres. Les gisements d'économie d'énergie résident dans les transports – dont nous développerons les infrastructures et le confort – et dans le logement – nous accélérerons et planifierons la rénovation thermique du parc de logements anciens. De même, pour réduire la facture énergétique pour les particuliers, notamment les plus modestes, et son impact sur l'environnement, nous procéderons à une taxation des ers des groupes pétroliers dont le produit permettra de mettre en place des tarifs sociaux du gaz et de l'électricité, des aides à la réalisation d'audits thermiques et de travaux d’isolation, de développer les énergies renouvelables. Changer de modèle suppose aussi un bouquet énergétique qui prépare l'avenir. Pour limiter le changement climatique d’ici 2020, nous devons réduire de 20 % au moins nos émissions de CO² et porter à 23 % la part des énergies renouvelables (ENR) dans notre production.
 
L'hydraulique et le nucléaire produisent, sans émettre de CO², une électricité abondante, permanente, bon marché. C'est pourquoi la France a, depuis plus d'un demi-siècle, fait le choix du nucléaire et que, dans le monde, 250 nouvelles unités sont programmées d'ici 2030. Pour toutes les nations fortement dépendantes de l'énergie nucléaire, Fukushima signifie l'effondrement du mythe de la maîtrise du risque nucléaire circonscrit aux pays négligents.
 
C'est pourquoi, à partir de 2012, nous augmenterons la part des énergies renouvelables pour sortir de la dépendance du nucléaire ou du pétrole.
 
En France, le nucléaire n'est pas qu'une source d'énergie, il est un fleuron industriel, un socle de technologies et de savoir-faire qui ont forgé notre indépendance nationale. Penser notre avenir énergétique présuppose de penser l'avenir de notre industrie nucléaire.
 
Au lendemain de la catastrophe survenue au Japon, le Parti socialiste a demandé un audit transparent et contradictoire du parc français actuel : nous le réaliserons en intégrant la pluralité des points de vue, en évaluant particulièrement l'état de la maintenance et de la sous-traitance, en réévaluant les risques sismiques et naturels au regard des effets du dérèglement climatique.
 
Quant aux missions des entreprises françaises compétentes qui représentent 200 000 emplois directs et indirects dans notre pays, elles doivent être orientées autour notamment de quatre objectifs stratégiques : faire fonctionner et sécuriser les installations existantes, mettre à profit le retour d'expérience unique au monde pour traiter les combustibles usés, faire prévaloir leurs savoir-faire pour le démantèlement des centrales en Europe et dans le monde (après Fukushima, les demandes vont se multiplier), développer et mutualiser leurs filiales des énergies renouvelables. Les crédits d'Etat pour le renouvellement du parc de centrales nucléaires actuellement engagé seront conditionnés au respect de ces orientations. Il reviendra à l'Etat d'organiser l'ensemble des acteurs – EDF l'architecte-ensemblier, AREVA pour les activités du cycle du combustible, la conception et la fabrication d'îlots, les services à l'exploitation, ainsi que le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) – une filière du nucléaire civil français dont le capital sera contrôlée par la puissance publique. Ne gâchons pas des années de succès technique et économique, unique au monde, du secteur public français – le nucléaire civil – parce que la gestion privée au Japon a conduit à un désastre, comme cela avait été aussi le cas dans une moindre mesure à Three-Mile Island aux Etats-Unis en 1979. Ne laissons pas entre des mains mercantiles l’avenir énergétique d’un pays et même d'un continent, alors que la population peut être exposée à des risques de catastrophes majeures.
 
Il s'agit d’entrer dans une autre période : celle de la transition énergétique qui doit nous conduire vers un monde dans lequel la satisfaction de nos besoins énergétiques ne dépendra plus exclusivement du pétrole et du nucléaire. C'est pourquoi nous engagerons un plan d’investissements massifs pour les énergies renouvelables à l’échelle nationale et européenne. La diversification des sources de production, de la recherche à l'industrialisation, se fera sans exclusive : éolien terrestre ou off-shore, bio-énergies (biomasse, biogaz au bilan carbone neutre, résidus naturels), hydraulique, géothermie, hydrogène, stockage d'énergie, énergie solaire (dont la filière naissante a été dramatiquement affaiblie par le décret gouvernemental suspendant l'obligation d'achat d'électricité photovoltaïque). Jusqu'à présent, la politique énergétique a été conçue sur un modèle centralisé, cohérent avec nos choix en matière d'électricité – grands barrages, grandes centrales… Les énergies renouvelables supposent des unités de production plus petites et plus disséminées. C'est pourquoi, en lien avec la Banque publique d'investissement, nous créerons des pôles technologiques dans les territoires pour maintenir l’ensemble des filières en France. Leur développement se fera en lien étroit avec les collectivités territoriales et les acteurs locaux (entreprises, laboratoires de recherche, universités, établissements d'enseignement supérieur et centres de formation, associations d'usagers) qui seront partie prenante du débat sur les choix énergétiques. Cette mutation entraînera une évolution des réseaux énergétiques, de distribution mais aussi de transport, qui devront accueillir prioritairement ces énergies décentralisées et les mettre en synergie pour permettre un fonctionnement solidaire avec le système énergétique européen.
 
La transition énergétique doit être démocratique. Dans le passé, les décisions énergétiques étaient prises sans réelle information ni vraie discussion. Les cercles de la décision étaient restreints, voire confisqués. Dans une société ouverte où le risque zéro n'existe pas, les choix – particulièrement pour l'installation des infrastructures d'énergies renouvelables – doivent être partagés avec les citoyens.
 
C'est pourquoi un débat national sur la transition énergétique sera organisé en 2012. »

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