Ugo Lapointe et Le Soleil comparaîtront vendredi, 29 avril, devant la Cour supérieure du Québec

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Par Chantal Gailloux


Mots-clés : Pour Que le Québec ait meilleure mine!, Pétrolia, Le Soleil, poursuite-bâillon, Cour supérieure du Québec

 

Le 28 décembre 2010, la compagnie Pétrolia envoyait une mise à demeure pour diffamation au porte-parole de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine!, Ugo Lapointe, et au quotidien Le Soleil qui citait les propos de M. Lapointe dans l’article « Pétrole et gaz gaspésiens: redevances zéro! ». Publié le 3 décembre, c'est au sixième paragraphe de l'article que le bât blesse : Ugo Lapointe y emploie la métaphore du « vol » des ressources non-renouvelables et collectives pour dénoncer le fait qu’il est permis au Québec d’extraire et de vendre du pétrole et du gaz au stade de l’exploration, sans payer de redevance.

«  Ugo Lapointe, de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine, juge qu'aussitôt que les compagnies extraient du gaz ou du pétrole et qu'elles en tirent des revenus, elles doivent payer des redevances. «Ce sont des ressources non-renouvelables, dit-il, qui appartiennent à tous les Québécois. C'est du vol à petite échelle, mais qui ouvre la porte à du vol à plus grande échelle.» »

— 6e paragaphe de l'article « Pétrole et gaz gaspésiens: redevances zéro! »


Représenté par Me Michel Bélanger, Ugo Lapointe comparaîtra aux côtés du quotidien Le Soleil vendredi prochain 29 avril à la Cour supérieure du Québec.

Ce matin, 27 avril, au deuxième étage du Centre Saint-Pierre à Montréal, Ugo Lapointe, accompagné de son avocat, prenait publiquement la parole pour la première depuis la réception de la mise en demeure lui ayant été remise le 28 décembre 2010. Étaient réunis pour l'entendre une quinzaine de militants écologiques et syndicalistes — Richard Desjardins d’Action Boréale, la Fondation Rivières, la Centrale des Syndicats du Québec (CSQ), Greenpeace, Maître Chez Nous, André Bélisle de l’AQLPA, qui a lui-même été cerné par une poursuite-bâillon et qui a contribué à réformer le Code civil en 2009 pour introduire la loi anti-SLAPP — ainsi que de quelques journalistes.

« Le combat d'Ugo, c'est notre combat à tous. C'est un combat pour la démocratie et la liberté d'expression. (…) »
—  Écoutez ici le commentaire d'André Bélisle,
directeur de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique


Ugo Lapointe a notamment précisé que Pétrolia semble avoir interprété ses propos « en pensant que nous l’accusions d’avoir commis un vol au sens littéral d’un acte criminel. Jamais je n’ai porté de telles accusations à l’endroit de Pétrolia, poursuit-il. Mes propos ne font d’ailleurs aucune référence directe à Pétrolia. Au contraire, mes propos visent plutôt à critiquer les lois et les règlements du Québec qui permettent l’extraction et la vente de pétrole et de gaz au stade de l’exploration, sans payer de redevances. C’est cet « état de fait » que je dénonçais et que je dénonce encore aujourd’hui. » (Lire la déclaration complète d’Ugo Lapointe

 

Un cas isolé?

Pas du tout, tel que l'expliquent Lucie Lemonde de la Ligue des droits et libertés et Maude Prud'homme du Réseau québécois des groupes écologiste dans une lettre ouverte publiée dans Le Devoir du 22 avril dernier. De Cantley à Boisbriand en passant par l’Estrie, plusieurs poursuites ont été reconnues comme étant abusives.

Gaz de schiste, pétrole, uranium, nucléaire, les débats concernant l’exploitation des ressources naturelles et énergétiques au Québec rendent la présente affaire particulièrement préoccupante, croit Christian Simard, directeur général de Nature Québec et cofondateur de la coalition. « Il est essentiel que tous puissent s’exprimer sans craindre de se faire poursuivre », complète-t-il.

Ugo Lapointe ajoute ensuite que cette poursuite a « un effet d’intimidation », que ce soit l’intention ou non de Pétrolia.  (* voir réactions publiques de la Ligue des droits et libertés de la personne, Réseau Québécois des groupes écologistes, Écosociété, Québec Solidaire, du 26 janvier au 4 février 2011)

 

Qui est Pétriolia?

Entrée en bourse en 2005, Pétrolia est une compagnie d’exploration pétrolière et gazière qui détient la majorité de ses titres d’exploration en Gapésie et sur l’Île d’Anticosti. « Grâce à l’acquisition de droits d’exploration et à des ententes de partenariat, l’entreprise détient aujourd’hui un intérêt sur 18 % de tous les permis d’exploration de pétrole et de gaz émis au Québec », précise la compagnie sur son site. Pétrolia se serait alors posé comme objectif de produire 5% du pétrole consommé au Québec d’ici 2014.  (Pour en connaître plus sur les investisseurs
et les dirigeants de Pétrolia)

* Le quadrillé orangé en Gaspésie et sur l'Île d'Anticosti correspondent aux titres d'exploration de Pétrolia.

 

La nouvelle loi

Le Code de procédure civil du Québec réformé en 2009 offre, grâce aux nouveaux articles 54.1 et suivants, de nouvelles dispositions de protection pour prévenir les poursuites abusives contre des citoyens et aident justement à protéger la liberté d’expression en débat public. Me Bélanger et Ugo Lapointe appuieront inévitablement leur défense sur ces nouvelles dispositions.

« Il s’agit donc d’un autre test pour la nouvelle loi du Québec contre les poursuites-bâillons, laquelle a déjà servi à défendre d’autres citoyens et organismes au Québec. Nous sommes toutefois conscients que rien n’est gagné d’avance. Mais nous ferons valoir que la loi sur les poursuites abusives devrait s’appliquer avec toute sa force », poursuit Ugo Lapointe.

La nouvelle loi sur les poursuites-bâillons sera par ailleurs révisée en 2012.

 

Une tournée québécoise sur les poursuites-bâillons

Une tournée québécoise de formation sur les poursuites-bâillons commençait aujourd’hui à Sept-Îles. Près de quinze villes québécoises seront visitées par l’équipe de formateurs composée de la Ligue des droits et liberté et du Réseau québécois des groupes écologistes.

"L’intimidation judiciaire a un impact non seulement sur les personnes poursuivies mais aussi sur la liberté de presse, le droit du public à l’information et sur la démocratie participative. Il est donc essentiel que les citoyen-ne-s puissent participer aux débats publics sans intimidation », insiste Marie-Josée Béliveau de la Ligue des droits et libertés, l’un des principaux organismes impliqués dans la protection des citoyens et des organismes victimes de poursuites abusives.

 

Les faits – La chronologie des événements de la poursuite

3 décembre 2010
Parution de l'article de la journaliste Geneviève Gélinas dans le journal Le Soleil

8 décembre 2010
Mise en demeure de Pétrolia signifiée au journal Le Soleil. Pétrolia demande alors au journal de retirer l'article, de publier une rétractation et de publier ladite mise en demeure en guise de réponse.

23 décembre 2010
Mise en demeure de Pétrolia réclamant 350 000 $ en dommages moraux et exemplaires au journal Le Soleil et à Ugo Lapointe, le tout payable avant midi le 5 janvier 2011.

5 janvier 2011
Ugo Lapointe explique en toute bonne foi à la compagnie Pétrolia qu’il n’a pas à se rétracter pour avoir exprimé son opinion et que ses propos de visent pas directement Pétrolia, mais plutôt les lois et les règlements du Québec qui permettent la vente de ressources non renouvelables et collectives au stade de l’exploration, sans paiement de redevance. (Plus de détails)

19 janvier 2011
Pétrolia intente une poursuite en diffamation de 350 000 $ contre le journal Le Soleil et Ugo Lapointe

26 janvier 2011
Pétrolia porte ses accusations dans les médias avec un communiqué de presse

26-31 janvier 2011
Réactions de différents organismes, dont la Ligue des droits et libertés, AQLPA, RQGE, Écosociété, Québec Solidaire et la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine !

21 avril 2011
Ugo Lapointe dépose à la Cour supérieure du Québec une requête pour faire rejeter cette poursuite en vertu des nouvelles dispositions du Code de procédure civil du Québec adoptées en 2009 (articles 54.1 et suivants), lesquelles visent entre autres à prévenir les poursuites abusives et à protéger la liberté d’expression dans le contexte de débats publics. (Plus de détails)

27 avril 2011
Première déclaration publique d’Ugo Lapointe en conférence de presse au Centre Saint-Pierre à Montréal.

29 avril 2011
Pétrolia, Le Soleil et Ugo Lapointe seront entendus pour la première fois devant la Cour supérieure du Québec, à Québec.

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