La fraude alimentaire

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Par Clémence Cireau

 


L’industrie alimentaire trompe nos sens quand il est question de nourriture. Mais nous nous trompons aussi nous-mêmes.

Que ce soit à l’épicerie ou dans notre cuisine, nous ne sommes pas entièrement libres de choisir notre alimentation. Nos sens nous trompent. C’est ce qu’ont voulu montrer les étudiants en agronomie de l’Université Laval au Salon de l’Agriculture 2011 par leur kiosque « yeux, nez, bouche, oreilles ».

Le choix des aliments à l’épicerie est dû à de nombreux facteurs : bien sûr, il y a le prix du produit, mais une étude du Conseil européen de l’Information sur l’Alimentation a démontré que cela ne comptait que pour 43 % des habitudes. La volonté de manger sainement et le désir de faire plaisir à sa famille, (surtout pour les femmes) comptent aussi dans ce choix. Gale Ellen West, professeure au Départementd’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval, pense que la part d’imaginaire est incroyable. « Les images sur les emballages suggèrent des goûts qui ne correspondent pas au contenu du produit », déplore-t-elle.

Les entreprises agroalimentaires comptent depuis longtemps là-dessus. Elles suggèrent des images, ou pire qu'elles mentent sur les bienfaits naturels des produits pour nous faire consommer. L’exemple fétiche de Madame West est celui des céréales aux bleuets. La plupart des marques utilisent en fait des morceaux de pommes séchées pour les fabriquer, en ajoutant un goût artificiel de bleuet. Certaines vont même jusqu’à imbiber le carton d’emballage d’une odeur artificielle de bleuet pour attirer les consommateurs dans les rayons.

Les aliments biologiques sont souvent confectionnés de la même façon. La seule différence, c’est que les pommes séchées sont trempées dans un jus de bleuet naturel. Véronique Provencher, professeure sous octroi au Département des sciences des aliments et de la nutrition, avoue que de toute façon, même si ce n’est pas bon pour la santé publique, « si les aliments ne goûtent pas bons, personne ne les achètera ». Il faut donc rester modéré sur l’arnaque de la commercialisation du goût.

Mais même dans notre cuisine nous nous trompons nous-mêmes. L’appréciation d’un aliment est complexe. Elle se fait par le goût, mais aussi par les arômes. Ainsi, Madame Provencher nous explique que la bouche détecte le salé, le sucré, l’amer et l’acide. C’est ce qui constitue le goût. Le nez, pour sa part, distingue les nuances. Un des exercices proposés par les étudiants du Salon de l’agriculture est de mettre un aliment dans sa bouche et d’essayer de savoir ce qu’il est, tout en se bouchant le nez. Et bien, c’est impossible ! Dès que l’on se débouche le nez, cela parait évident, c’est de la cannelle. Les épices comme la vanille, la cannelle et les plantes à bulbe comme l’ail, l’oignon se savourent par le nez !

Ainsi, les compagnies adaptent leurs produits aux clients. Madame West constate que les goûts des Québécois, surtout à Québec et à Montréal, sont plus raffinés que dans le reste du Canada. L’intensité du goût et le plaisir de manger dominent sur la quantité. La cuisine québécoise s’oppose donc à la tradition de l’alimentation fonctionnelle du reste du pays, où il faut manger pour avoir de l’énergie et être efficace au travail.

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