ABAT fête ses dix ans – Retour sur le chemin parcouru depuis la création de l'Action Boréale

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Par Clémence Cireau 
Journaliste scientifique et étudiante à la maîtrise en journalisme à l'Université Laval


En 1999, le film l’Erreur Boréale de Richard Desjardins et Robert Monderie faisait un constat navrant sur l’état des forêts au Québec. Ils reprochaient à l’industrie de détruire les richesses naturelles par une exploitation trop intensive. Ce fut une réelle prise de conscience pour la plupart des Québécois.

Luc Bouthillier, professeur et chercheur en sciences du bois et de la forêt à l’Université Laval, pense que « le choc créé par le film était justifié ». Il avoue cependant que le documentaire n’est pas toujours juste dans les faits (88 erreurs auraient été dénombrées). Mais cela a permis d’accélérer les choses, bien que les changements aient commencé dès 1994. « Malgré les critiques, aujourd’hui, on a une foresterie radicalement différente. Il ne faut pas attribuer tous les mérites à Desjardins, mais il a fait mûrir le fruit! » 

En 2001, le gouvernement adopte la loi 136, qui met en place une consultation entre les différents acteurs. Des aires protégées sont instaurées (en mars 2009, elles représentaient 8,12 % du territoire), ainsi que la limite nordique des forêts attribuables au commerce. « Le volume de bois perdu en raison de ces nouvelles dispositions est compensé par une politique de rendement accrue, précise Benjamin Denis dans sa thèse La controverse publique sur l’Erreur boréale et la gestion forestière québécoise, cela maintient les principales assises du régime forestier de 1987 ».

Seulement, un rapport de la vérificatrice générale, Sheila Fraser, affirme que le Ministère des Ressources naturelles et de la Faune ne dispose pas des moyens lui permettant d’affirmer que sa gestion de la forêt québécoise est équitable et écologique. Le ministre partage son opinion et demande une commission d’étude pour savoir si on coupe plus de bois que la capacité forestière le permet. En 2004, s’est donc tenue la Commission Coulombe, dont les conclusions réclamaient un développement plus durable de la forêt.

La loi 57, adoptée le 23 mars 2010 à l’Assemblée nationale, découle de ce processus de réflexion. Elle met en place un nouveau régime forestier prévu pour avril 2013. C’est une stratégie d’aménagement durable des forêts. Il prône un aménagement écosystémique, une pensée plus généreuse envers les Autochtones et une décentralisation de la gestion (en instituant des tables locales de gestion intégrée des ressources). Désormais, les industriels ne seront plus les seuls joueurs.

Mais ce nouveau régime forestier est loin d’être parfait. Luc Bouthillier le trouve « très idéaliste dans l’esprit de la loi ». Il ajoute qu’il est difficile d’avoir une stratégie sur les changements climatiques quand on nage encore dans l’ignorance sur ces phénomènes.

 

Pour vendre, il faut être écologique

Le chercheur pense que l’industrie forestière n’a « aucune légitimité dans le grand public ». Elle doit donc redorer son image pour conquérir les marchés européens et américains. Les gens s’attendent à ce que les entreprises prennent leurs responsabilités. Celles-ci doivent respecter certaines normes, tenir compte des conditions de travail, des Autochtones et des attentes du public. Des organismes de certification en vérifient l’application.

Le plus grand changement de ces dix dernières années est l’ouverture des entreprises à la négociation avec les groupes écologiques. L’Association Canadienne des Produits Forestiers a d’ailleurs passé une entente avec plusieurs groupes environnementaux, dont Greenpeace.

Luc Bouthillier fait remarquer que la Loi sur les forêts s’appelle désormais Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier. Ce ne sont pas juste des mots; il y a un changement de perspective. Et il va falloir continuer dans ce sens. La forêt n’est plus seulement liée à l’exploitation du bois. « La forêt québécoise est désormais prisée par la population du Québec pour toutes les ressources qu'elle contient (récréation, ressourcement, villégiature, paysages, faune, flore, etc.). Nos méthodes de gestion ont grandement évolué au fil du temps et je dirais même extrêmement rapidement au cours des dix dernières années », ajoute François-Hugues Bernier, directeur des communications à l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec.

Les membres de l’ABAT sont très satisfaits du travail réalisé ces dix dernières années, « même s’il reste encore beaucoup de choses à accomplir ».

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