Ça se passe dans un village près de chez vous…

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J’habite la municipalité de Saint-Louis, la seule municipalité du Québec qui, jusqu’à ce jour, a accepté un puits de gaz de schiste au centre de son village. Et bien qu’on puisse espérer qu’aucune autre municipalité ne suive cet exemple peu reluisant, il y a fort à parier que Saint-Louis ne sera pas une exception au Québec. Vous avez peut-être entendu parler de la ville de Fort Worth au Texas, avec ses 1,8 million d’habitants, ville qu’on pourrait comparer à Montréal. En dix ans à peine, les gazières ont foré plus de 2 000 puits de gaz un peu partout dans cette ville. Ici, au Québec, on parle de 20 000 puits dans 20-30 ans, dans la seule vallée du St-Laurent. Combien y en aura-t-il à Montréal? Combien à Saint-Louis? Combien dans votre municipalité? À quelle distance de votre maison? Il ne faut pas croire que les gazières auront plus de scrupules ici dans nos villes et villages qu’elles en ont eu aux États-Unis ou ailleurs dans le monde. (Odette Larin)

Je connais bien toutes les nuisances causées par le forage d’un puits de gaz de schiste, car nous en avons un à 100 mètres de notre résidence. Depuis 2007, Gastem et sa partenaire Forest Oil ont foré à 3 reprises derrière chez nous, avec la bénédiction de l’ex-maire et des autorités provinciales. Elles ont tous les droits, nous n’avons rien à dire. À l’automne 2008, nous avons vécu une fracturation hydraulique et les travaux qui y sont reliés pendant 93 jours, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Nous avons subi la poussière, l’éclairage intense nuit après nuit, le bruit des tuyaux qui se frappent les uns sur les autres, le bruit des génératrices jour et nuit, le bruit assourdissant d’une quinzaine de pompes alimentées par d’immenses moteurs diésel, les sifflements et la lumière générés par la torchère, le smog qui brûle la gorge, les yeux, qui donne des palpitations et qui gruge l’énergie, la circulation de véhicules lourds sur notre rue résidentielle, deux explosions en pleine nuit qui ont fait trembler les fenêtres et les murs de notre maison, l’insomnie, le désespoir et la révolte. Comment l’homosapiens réagit-il lorsqu’il se sent attaqué? Deux choix s’offrent à lui : ou il s’écrase et s’enfuit, ou il se lève, affronte et attaque. Dans notre cas, cette révolte nous a conduits à l’affrontement, à porter notre cause devant les tribunaux. Et à sortir de chez nous avec nos pancartes pour crier de plus en plus haut et fort notre indignation. Pour nous, c’est une question de dignité. On verra bien la suite. Mais collectivement, quelle solution adopterons-nous? La fuite ou l’affrontement? Il est urgent que nous trouvions une réponse et agissions en conséquence car la menace est extrêmement forte et bien organisée.

À La Présentation, comme à Saint-Louis, la gazière Gastem et ses partenaires, chez vous Canbrian, chez nous Forest Oil, ont fait preuve d’un manque total de respect envers les citoyens en forant aussi près des habitations. Je comprends l’indignation de Madame Méthot qui exploite une garderie tout près et celle des parents dont les enfants fréquentent son établissement. Je comprends aussi les autres voisins du site car, tout comme nous, ils ont probablement choisi de vivre à la campagne pour y être en paix et en harmonie avec la nature et certainement pas pour voir l’industrie gazière s’implanter à proximité de leur propriété.

Mais qu’est-ce qui compte pour l’industrie : le bon voisinage ou le profit? Sans hésitation, je pointe le profit. La vie chambardée des voisins qui se transforme en véritable cauchemar ne les émeut absolument pas et, une fois installée, elles poursuivront leurs travaux pendant plusieurs années, voire même des dizaines d’années, aussi longtemps en fait qu’il y aura du gaz à siphonner du sous-sol. Les compagnies sont avares d’information sur la durée des travaux et sur le nombre de puits qu’elles creuseront sur chaque site. Elles ont beau dire que les propriétés situées à proximité d’un site ne perdent pas de valeur et que les activités liées au forage ressemblent, comme le disait Raymond Savoie, ‘à un murmure du vent dans les feuilles d’un arbre’, mais il ne faut surtout pas les croire sur parole car le murmure ressemble plus à l’enfer qu’au paradis et il conduit lentement mais sûrement vers l’abrutissement et la destruction totale de toute qualité de vie. Mon mari et moi le savons très bien. Parlez-en aussi à ceux qui vivent à proximité d’un puits, ils vous diront que la nuisance est nettement supérieure aux quelques dollars empochés, qu’elle est démesurée, inacceptable et qu’elle ruine la vie. Pour les gazières, le profit, c’est tout ce qui compte, pas pour améliorer la vie des québécois, mais pour enrichir davantage leurs actionnaires.

Comme beaucoup de citoyens, mon mari et moi avons présenté un mémoire au BAPE. Il porte le numéro DM39 et vous pouvez le consulter sur le site du BAPE. Avec un peu de recul et à voir évoluer le dossier, je ne suis pas sûre que cet exercice en valait la peine. Cela aura simplement servi à rassurer une grande partie de la population et à faire taire la grogne. Dans ce dossier des gaz de schiste, nous, citoyens du Québec, devons nous lever, nous mobiliser et nous battre, pour nous bien sûr, mais surtout pour nos enfants et nos petits-enfants, pour qu’ils puissent avoir un avenir. C’est de cette seule façon que nous réussirons à faire reculer le gouvernement et que nous pourrons léguer à tous les enfants du Québec, un patrimoine que nous aurons su protéger des pilleurs et des profiteurs sans scrupules, un pays où il fera bon vivre, une terre où nos petits-enfants et leurs descendants pourront évoluer et prospérer. C’est mon plus grand souhait.

Odette Larin, Saint-Louis-sur-Richelieu

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