Premier colloque québécois sur les bioplastiques : encore bien des questions sans réponse !

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Par François René de Cotret

Mots-clés : bioplastique, biodégradable, FEPAC, RECYC-QUÉBEC, plasturgie, recyclage, compostage

 

« Notre bataille, c’est de démontrer que nous sommes une solution environnementale », a lancé le PDG de la Fédération des plastiques et des alliances composites (FEPAC), Pierre Fillion, devant quelque 200 gens d’affaires, scientifiques et environnementalistes lors du premier Colloque québécois sur les bioplastiques compostables, tenu le 2 juin dernier à Sherbrooke.

En progression fulgurante sur le marché mondial depuis quelques années, les bioplastiques, issus de ressources agraires telles que le maïs, sont associés à tort ou à raison au développement durable. Comme l’a fait comprendre M. Fillion, l’industrie du plastique ne se gêne pas pour piger dans ce créneau : « Si on applique [les]règles fondamentales du développement durable, il n’y a pas de problème à consommer ou à produire du plastique, bonté divine! » De surcroit, aux yeux du M. Fillion, il n’est pas mal de consommer autant que désiré si cela reste sensé et logique.

Selon lui, il est temps que le Québec comprenne que le plastique va de pair avec le développement durable s’il ne veut pas manquer le bateau : « Le Green Tea Party, [un lobby]extrêmement puissant aux États-Unis, et la nouvelle taxe carbone imposée par la Grande-Bretagne sont de bons exemples d’initiatives, et je pourrais vous en lister plusieurs qui démontrent que les sociétés du monde entier se sont engagées dans le développement durable. C’est la plus grande religion, c’est le plus grand pouvoir politique qu’on n’a jamais vu. Alors, soyons au rendez-vous. »

Composter les plastiques ?

En début de journée, un sceptique, qui ne s’est pas identifié, a questionné le professeur et chercheur de l’Université de Sherbrooke Michel Huneault quant aux avantages du recyclage mis en comparaison au compostage. Loin d’ignorer que, dans la chaîne de production, composter demande plus d’énergie que recycler, le professeur agréé au Département de génie chimique et génie biotechnologique s’est accordé pour dire que le recyclage prime. Or, il a tranché que c’était différent en pratique : « À part quelques “success stories” (sic), la majorité des plastiques ne sont pas recyclés ». Selon lui, puisque le recyclage ne répond pas à l’appel, c’est le compostage des plastiques qui doit être mis de l’avant.

M. Huneault a également nié que la production des bioplastiques puisse avoir une influence sur la disponibilité des ressources alimentaires planétaires : « C’est vrai qu’il y a de la faim dans le monde, et c’est très dommage, mais en général, c’est lié à des problèmes politiques et non à des problèmes de capacité de production industrielle de nourriture ». Le scientifique a renchéri en disant que « si c’était vrai que le problème était lié à une capacité à produire, il faudrait arrêter de mettre des champs en jachère et commencer à cultiver toutes les terres cultivables au Québec au lieu de construire des centres d’achats dessus, entre autres ».

Logo de BioGreen Products,
une compagnie vendant des produits issus de bioplastique.
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La tour de Babel des bioplastiques

Par ailleurs, Sophie Taillefer, maître en sciences de l’environnement et agente de développement pour la société d’État RECYC-QUÉBEC, a fait valoir qu’à défaut d’avoir démontré sans équivoque les avantages du bioplastique, les possibles impacts négatifs sur l’environnement ne doivent pas être écartés. Bien que des études sur la problématique soient en cours, Mme Taillefer croit que ce n’est pas suffisant : « On aurait besoin de réunir toute l’information utilisée par les différents organismes et associations pour essayer d’avoir une idée plus éclairée des impacts et inconvénients des bioplastiques ».

L’idée a également été soulevée par le PDG de la Fédération des plastiques et des alliances composites (FEPAC) en début de journée alors qu’il parlait – encore – de développement durable : « Il faut créer un pont commun en développement durable pour que dans 5 à 10 ans on parle tous le même langage ».

La difficulté pour les acteurs de l’industrie de parler le même langage, mêlée à leur engouement d'être « verts », embrouille le consommateur. D’ici à ce qu’il y ait consensus, ce dernier devra s’en remettre aux logos apposés sur les nombreux sacs, pellicules et bouteilles en plastique de ce monde, l’outil le plus efficace que l’industrie a trouvé pour communiquer son expertise. Et pourtant, « Il va subsister une confusion parce que n’importe qui peut apposer le logo "compostable” [sur son produit]», a pesté une inconnue dans l’assemblée après avoir interrompu l’un des conférenciers qui vantaient les bienfaits du logo.

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