Better Life Initiative: pour que croissance économique rime avec amélioration des conditions de vie

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Par Urbain K. Yameogo
Candidat au doctorat en administration de la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable de l'UQAM


Mots-clés : Produit intérieur brut ( PIB), Better Life Index, Better Life Initiative, rapport How’s Life, OCDE.
 

Depuis la création de l’OCDE en 1961, le PIB a constitué le critère fondamental de mesure et de comparaison du développement ou de la croissance économique dans les pays membres et associés. Après avoir contribué de façon très significative aux travaux de la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social [1], l’OCDE lance le « Better Life Initiative » mais sans grands tambours. En aviez-vous seulement eu connaissance ? Cette initiative dont l’objectif est d’éduquer, de promouvoir le dialogue et d’encourager l’émergence d’un consensus sur l’équilibre entre bien-être économique et sociétal mérite bien pourtant qu’on s’y intéresse, et qu’on la restitue dans le cadre général du débat sur la pertinence du PIB comme instrument de mesure du développement.

 

Pour sortir du dictat du PIB et de la mesure de la simple croissance économique

Dans le débat général sur l’essence du développement et la problématique de sa mesure, les critiques vis-à-vis du PIB y ont pris une place importante. Les détracteurs de l’indicateur de mesure de la richesse créée font ainsi valoir entre autres que celui-ci ne tient pas compte de l’environnement et, notamment, des implications en terme de destruction du stock de ressources naturelles qui intervient dans la production. L’idée d’un PIB vert avait ainsi été avancée. Mais quelle qu’en soit sa « couleur », le PIB reste un instrument de mesure de l’activité économique qui ne tient pas compte des effets concrets du développement sur la société, c’est-à-dire dans le quotidien des gens. Que vaut bien la croissance économique si elle n’a pas de traduction concrète dans le vécu quotidien des personnes en terme d’amélioration de leurs conditions et de leur qualité de vie? Cet indicateur macro-économique échoue ainsi à prendre en compte les aspects micro ainsi que l’inégale répartition des fruits de la croissance. Bien qu’il constitue un progrès notoire, l’indice de développement humain (IDH) proposé par Amartya Sen dans les années 90 qui fonde l’évaluation et la classification annuelles des États par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ne semble pas donner pleine satisfaction. En effet, l’IDH reste aussi un agrégat macro-économique qui informe peu quant à l’impact concret du développement sur l’individu [2]. Force est de constater que malgré toutes les critiques et les récriminations, les unes plus fondées que les autres, nous continuons de vivre sous le dictat du PIB et les initiatives pour proposer des alternatives semblent avoir jusque-là échoué. Qu’est-on en droit d’attendre du « Better life initiative » et de l’indice de mieux-être ?

 

L’indice du mieux-être ou le développement au service d’une meilleure qualité de vie

Pour bon nombre de personnes, tout ce qui peut aider à détourner l’attention de la focalisation sur le PIB et la croissance serait bon à prendre. Mais personne ne saurait a priori prédire le succès d’une telle initiative. Pendant longtemps, l’OCDE s’est employée à faire des recommandations allant dans le sens d’un soutien à la croissance économique. On devrait se réjouir, car une telle initiative constitue la manifestation d’une prise de conscience des limites du PIB et de la nature des véritables défis actuels. Ces défis résident dans la construction d’outils susceptibles de soutenir et de mesurer le bien-être sociétal, l’impact réel du développement dans le vécu quotidien des personnes et de la société.

À travers cette initiative, l’OCDE reconnaît indirectement la nature fondamentalement subjective du développement. Le progrès ne peut avoir la même signification pour tout le monde, partout dans le monde, dans toutes les localités et en tout temps. Elle s’est mise à la tâche pour construire de nouvelles mesures du progrès de nos sociétés allant au-delà du PIB. Le « Better Life Initiative » constitue ainsi le fruit d’un travail qui s’est étalé sur une dizaine d’années. La mise en place par le gouvernement français en 2008 de la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi sur la mesure de la performance économique et du progrès social s’inscrit dans cette même logique de la recherche d’un outil de mesure alternatif au PIB.

L’indice du mieux-être (Better Life Index) constitue l’instrument principal du » Better Life Initiative ». Il est constitué de 25 indicateurs individuels structurés autour de 11 thématiques clés. Cet outil interactif permet de donner à chacun une voix en participant au débat sur ce qui compte le plus dans le progrès des sociétés, en plus de tracer la voie pour la mise en place d’un nouvel outil de mesure. Il offre aux participants de prendre conscience des réalisations effectuées dans chaque pays en termes de performance suivant l’importance relative ou la pondération qu’ils choisissent d’accorder à chacune des thématiques contribuant supposément au bien-être.

On peut néanmoins déplorer qu’une telle initiative se limite aux pays de l’OCDE, du moins pour l’instant, avec la seule vocation de s’élargir en priorité aux pays dits partenaires alors que les véritables enjeux se trouvent peut-être dans l’application de cet indice à la situation des pays en développement. On peut aussi déplorer l’orientation des indicateurs qui traduisent une conception individualiste et anglo-américaine du bien-être, désencastré de son inscription sociale. Cette conception du bien-être privilégie dans le classement final des pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, ou encore l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada et l’Irlande, au détriment des pays qui auraient pu être valorisés par la prise en compte de variables traduisant le bien-être collectif ou d’éléments plus immatériels comme le bonheur. La parution d’un rapport intitulé « How’s Life » est annoncée pour octobre 2011. Ce rapport devrait permettre d’explorer dans le détail les 11 éléments thématiques de mesure et de comparaison de la qualité de vie dans divers domaines. Il se nourrira d’ici là des contributions que chacun voudra bien y faire.

 


Notes de bas de page

[1] Cette commission a été mise en place courant 2008 à la demande du gouvernement français. Mais son travail ne se limitait ni à la situation de la France ni à celle des pays développés. Cette Commission présidée par Joseph Stiglitz et avec la collaboration de Amartya SEN et Fitoussi a vu la participation de plusieurs chercheurs

[2] Comme tout agrégat macro-économique, la question de la commensurabilité de ses composantes se pose.

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