La baie d'Hudson, baromètre du réchauffement

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Par Chantal Gailloux


Mots-clés: baie d'Hudson, Churchill, Serge Payette, Churchill Northern Studies Centre, climat continent, climat subarctique

« Quand j’ai commencé à travailler dans le Grand Nord québécois, dans les années 70, la baie d’Hudson gelait complètement l’hiver. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas », raconte le Dr Serge Payette, l’un des vétérans de la recherche scientifique dans les études nordiques au pays.

Son souvenir cache un élément important: le rôle de la baie d’Hudson dans le réchauffement climatique tant au Manitoba qu’au Québec. En effet, lorsqu’une aussi grande masse d’eau est perturbée, l’impact sur le climat et la biodiversité ne peut que se faire sentir loin au-delà, explique celui qui vient d’être récompensé, le 24 août, lors de l’ouverture du nouveau Centre de recherches nordiques de Churchill (CNSC) dans le Nord du Manitoba, par une bourse de 50 000$ pour ses 40 ans de travail scientifique.

De fait, la rive ouest manitobaine de la baie est caractérisée par un climat continental, généralement sec, alors que la berge est, au Québec, est caractérisée par un climat subarctique beaucoup plus humide en raison des vents dominants. Par exemple, Churchill reçoit en moyenne 264mm de pluie par année et 190cm de neige, alors que la station de recherche du Centre d’études nordiques (CEN) du Dr Payette en sol québécois, à Whapmagoostui-Kuujjuarapik, en reçoit respectivement 413mm (149mm de plus) et 241cm (51cm de plus), selon les tableaux de Météomedia.

Photo de Chantal Gailloux . Tous droits réservés

Serge Payette lors de la remise de sa bourse honorifique de 50 000$ à l'inauguration du CNSC,
à Churchill, au nord du Manitoba

Des tourbières noyées au Manitoba

« La hausse des températures dans la région de Churchill causera une dégradation majeure du pergélisol », explique Serge Payette, titulaire de la Chaire de recherche nordique en écologie des perturbations à l’Université Laval. Or, les plaines manitobaines à cette latitude sont couvertes de tourbières. « Dans ces tourbières, il y a bien sûr de l’eau, ou plutôt de la glace, et s’il fait chaud, ça va fondre et faire de méchantes flaques d’eau! Beaucoup de tourbières seront détruites, les arbres mourront, il y aura des émanations accrues de méthane .»

Au Québec, à la même latitude, « il n’y a pas de basses terres, de tourbières; ce sont des falaises et des plages. Les basses terres commencent plus au sud, dans le coin de la Baie James. » Il croit pourtant que les effets à long terme seront plus marqués au Québec qu’à Churchill.

2°C en 17 ans au Québec

« Nos hivers étant plus doux, le réchauffement se manifestera surtout par une hausse des températures moyennes hivernales, même si les étés aussi se réchaufferont. Depuis 1994, grâce à nos 75 stations météorologiques dans la région, on a déjà observé une augmentation de 2°C des températures moyennes annuelles. C’est énorme en 17 ans! C’est la différence entre Montréal et de Québec! » Payette rappelle qu’il peut y avoir une différence d’un mois d’enneigement entre Montréal et Québec: il y aurait donc maintenant un mois de plus de réchauffement par rapport à 1994 dans le nord du Québec.

La perturbation du climat ainsi avérée, les recherches à venir tant au CEN qu’au nouveau CNSC de Churchill voudront en étudier les effets sur le réseau trophique, soit les déplacements des espèces végétales et animales, et en particulier la «désynchronisation» qui risque de se présenter «entre les herbivores et les plantes ou entre les prédateurs et leurs proies».
 

Pour en savoir plus

Ce texte a d'abord été diffusé le 26 août 2011 à l'Agence Science-Presse, à la suite d'un contrat de première publication entre GaïaPresse et l'ASP.

La journaliste Chantal Gailloux a été invitée par la Fondation W. Garfield Weston pour couvrir l'inauguration du Churchill Northern Studies Centre (CNSC).

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