Notre vision du développement durable!

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Par Guy Garand et Larissa De Marino Fernandes
CRE-Laval

Mots-clés : développement durable, ressources naturelles, capitaux, économie, société, environnement

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’impact des activités humaines sur les ressources naturelles est ramené dans les discussions sur l’aménagement et le développement. Depuis les années soixante, les scientifiques ont informé le monde sur la fragilité des ressources naturelles face aux activités anthropiques et sur le besoin de développer une nouvelle approche pour les gérer. En 1972, la conférence des Nations Unies sur l’environnement humain a introduit le concept d’écodéveloppement, théorisé par Sachs [1] en 1980 comme étant l’harmonisation des stratégies de croissance socio-économique et de gestion environnementale avec les ressources, l’espace et la qualité de l’environnement physique.

Les discussions pour définir la meilleure approche pour gérer les ressources naturelles ont apporté au débat, le concept de durabilité. Ce dernier remonte aux civilisations égyptienne, mésopotamienne, grecque et romaine, qui faisaient face à des enjeux environnementaux comme la déforestation et la perte de fertilité des terres agricoles. Dans le contexte des systèmes naturels, la durabilité veut dire « gestion des ressources naturelles et de l’environnement dans le but de permettre la récolte des ressources, de rester à ou au-dessus d’un niveau spécifique ainsi que de permettre aux écosystèmes de maintenir ses fonctions et sa structure [2] ». Dans le contexte des systèmes humains, la durabilité signifie « transformer nos façons de vivre afin de maximiser les chances que les conditions sociales et environnementales garantissent indéfiniment la sécurité humaine, le bien être et la santé [3] ». Dans les deux contextes, la durabilité signifie que tant l’activité en question que les ressources nécessaires à sa réalisation perdurent.

Dans le monde scientifique, le terme durabilité a été utilisé pour la première fois en 1713 dans un traité [4] sur la foresterie durable. En 1987, le rapport Bruntland [5] a vulgarisé le terme durabilité et a proposé que le développement durable comprenne des dimensions économique, environnementale et sociale.

Différents modèles conceptuels ont été créés pour montrer comment ces trois dimensions interagissent afin d’atteindre le développement durable, tels que le modèle des trois cercles (triple bottom line) [6] et les modèles des stocks des capitaux naturel (ressources naturelles) et artificiel (fabriqué et accumulé par les activités humaines). Les modèles de développement durable des trois cercles les plus répandus sont : le modèle des trois cercles juxtaposés et le modèle des trois cercles concentriques. Les modèles des stocks des capitaux naturel et artificiel se basent sur l’interchangeabilité et la complémentarité des capitaux [7]. Parmi les principaux modèles des stocks des capitaux naturel et artificiel, les plus communs sont : le modèle d’interchangeabilité des stocks des capitaux, le modèle d’interchangeabilité limité des stocks des capitaux et le modèle de complémentarité des stocks des capitaux.

Le modèle des trois cercles juxtaposés présente les dimensions économique, environnementale et sociale séparément et indique que le développement durable sera atteint à travers l’équilibre des ces dimensions.

Le modèle des trois cercles concentriques se distingue du précédant puisque la dimension environnementale est davantage considérée et n’est pas placée sur le même pied d’égalité que les dimensions sociale et économique. La dimension économique est un sous-ensemble de la dimension sociale, qui à son tour est un sous-ensemble de la dimension environnementale. Selon ce postulat, le maintien d’un environnement sain est fondamental pour l’atteinte du développement durable puisque cela permettra le déploiement social et économique.

Parmi les modèles des stocks des capitaux naturel et artificiel, le modèle d’interchangeabilité des stocks de capitaux considère que les capitaux naturel (dimension environnementale) et artificiel (dimensions sociale et économique) peuvent être substitués l’un à l’autre. Cependant, la somme des stocks des capitaux naturel et artificiel doit être maintenue constante. Il permet, par exemple, de réduire les stocks du capital naturel en autant que les gains des stocks du capital artificiel compensent cette réduction. Par exemple, la diminution du stock d’eau potable (capital naturel) d’une région pourrait être compensée par une augmentation des opportunités d’achat (capital économique).

Le modèle d’interchangeabilité limitée des stocks des capitaux considère que les capitaux naturel et artificiel sont partiellement substituables et complémentaires. Il défend la préservation de la somme des capitaux naturel et artificiel ainsi que le maintien d’un niveau minimal des stocks pour chaque type de capital. Ce modèle prône la préservation des stocks pour les types de capitaux puisque leur combinaison est essentielle pour garantir le fonctionnement des écosystèmes. Ainsi, la diminution des stocks d’un type de capital sous le niveau minimal ne peut pas être compensée par une augmentation d’un autre type de capital. Également selon le modèle, les stocks d’un type de capital ne peuvent être épuisés. Le niveau minimal des stocks du capital naturel peut être basé sur des standards environnementaux (capacité de support des écosystèmes), tandis que le niveau minimal du capital artificiel, sur des standards sociaux (droits humains) et économiques (souveraineté alimentaire et énergétique).

Le modèle de complémentarité des stocks des capitaux considère que les capitaux naturel et artificiel sont complémentaires et ne peuvent pas être substitués l'un à l'autre. Selon ce modèle, aucune diminution des capitaux naturel et artificiel n’est acceptable, c’est-à-dire une diminution des réserves de minéraux ne peut pas être substituée par une augmentation de la richesse économique résultant de la transformation des minéraux en richesse.

La façon dont sont connectées les dimensions du développement durable ainsi que les interactions entre les capitaux naturel et artificiel définiront le degré de développement durable souhaitable. Le modèle à trois cercles juxtaposés est considéré à « faible durabilité » par rapport au modèle des trois cercles concentriques, considéré à « forte durabilité » en raison de l’importance qui est accordée à l’aspect environnemental. En ce qui concerne les modèles des stocks des capitaux naturel et artificiel, le modèle d’interchangeabilité des stocks est caractérisé à « faible durabilité » tandis que le modèle d’interchangeabilité limitée des stocks est vu comme à « faible durabilité plus » et le modèle de complémentarité des stocks de capitaux est classifié à « Forte durabilité ».

Afin de promouvoir un véritable développement durable, le Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval suggère que le Plan métropolitain d’aménagement et de développement soit basé sur le modèle de développement des trois cercles concentriques ainsi que sur le modèle d’interchangeabilité limitée des capitaux naturel et artificiel. Ces choix sont privilégiés puisqu’ils permettent un développement durable plus applicable à la réalité actuelle. En effet, l’économie et la société sont dépendantes de l’environnement et des ressources naturelles pour prospérer d’où l’importance de considérer davantage l’aspect environnemental dans les décisions politiques. Par rapport au maintien des stocks de capitaux, nous croyons que le modèle de complémentarité des stocks de capitaux à « forte durabilité » n’est pas applicable du fait que c’est irréaliste de croire qu’un développement n’engendrera pas une diminution des stocks du capital naturel.

Selon la vision du CRE de Laval, les développements économique et social doivent s’effectuer en tenant compte du maintien d’un niveau minimal des stocks de capital naturel, c'est-à-dire, en fonction de la capacité de support des écosystèmes.
 

Références bibliographiques

[1] Sach, Ignacy, 1980, Stratégies de l'écodéveloppement, Paris, Éd. Économie et Humanisme, 140 p. É
[2] Botkin, Daniel B. et Edward A. Keller, 2009, Environmental science: Earth as a living planet, 7e édition, Hoboken, NJ: John Wiley & Sons Inc., 665 p.
[3] McMichael, Anthony J., Colin D. Butler et Carl Folke. 2003. « New Visions for Addressing Sustainability », Science, Vol. 302, no. 5652.
[4] Von Carlowitz, Hans Carl, 1713, Sylcicultura, Oeconomica.
[5] WCE, 1987, Our Common Future, Oxford: Oxford University Press, 400 p.
[6] Elkington, John, 1994, « Towards the Sustainable Corporation: Win-Win-Win Business Strategies for Sustainable Development», California Management Review, 36 (2): 90.
[7] Neumayer, Eric, 2003, Weak versus strong sustainability: exploring the limits of two opposing paradigms, Cheltenham, UK; Northampton, MA: Edward Elgar, 271 p.

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