Faut-il céder à la « panique plastique » ?

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Pour Stéphane Duponchel, PDG de l’agence de conseil en communication environnementale et développement durable Amezis, le plastique, c’est loin d’être fantastique. Le matériau présente en effet des dangers sanitaires et environnementaux tout au long de son cycle de vie, alors qu’il fait l’objet d’une production massive. Allons-nous droit dans le mur ? Pas nécessairement, affirme-t-il, si l’Homme sait se mobiliser hâtivement et intelligemment. Il nous ouvre les différentes voies à prendre…

 

« N’est-il pas absurde qu’une partie non négligeable du prix d’un produit soit consacré à son conditionnement, alors que ce dernier sera immédiatement jeté ? » (Stéphane Duponchel, PDG de l’agence de conseil en communication environnementale et développement durable Amezis)

Sacs, emballages, bouteilles, objets en tout genre… les matières plastiques sont partout autour de nous. Devenues indispensables, elles font littéralement partie de notre vie. Au point que nous les consommons en quantité astronomique. Leur découverte, au début du 20ème siècle, est pourtant récente. Mais dès les années 30, la fabrication des polymères (notamment thermoplastiques et thermodurcissables) est entrée dans une phase industrielle dont le volume n’a cessé de croître, dépassant aujourd’hui celui des métaux. Rien qu’en France, la consommation réelle s'élève ainsi à environ 4 866 000 tonnes (répartie dans tous les secteurs d'activités et entre toutes les natures de polymères) !

Cet appétit pour le plastique n’est pourtant pas sans conséquence pour l’environnement et la santé humaine. Et ce, tout au long du cycle de vie du matériau : la fabrication des polymères, issus du pétrole, est en effet d’abord très polluante, compte tenu des émissions de gaz à effet de serre engendrée durant l’extraction. Sans compter celles des combustibles fossiles utilisées pour la production elle-même, auxquelles il faut ajouter l’emploi d’additifs toxiques.

Les plus dangereux, comme le plomb, le mercure, ou le cadmium, sont certes interdits depuis 2000 (directive ROHS). Et le fameux bisphénol A ne peut plus entrer dans la composition des biberons depuis le 1er juin 2011 (Grenelle 2). Mais il reste encore présent dans de nombreux produits de la vie quotidienne (contenants alimentaires, appareils électroménagers…). Tout comme d’autres perturbateurs endocriniens (phtalates…), responsables d’une chute de la qualité des spermatozoïdes de 50 % en 60 ans. Il s’agit d’un véritable problème de santé publique, d’autant que l’on sait que les plastiques sont capables d’émanation dans l’habitat.

La fin de vie des matières plastiques, enfin, pose un souci majeur : elles sont très peu dégradables et mal biodégradées. Les sacs plastiques sont à ce titre particulièrement inquiétants. Dans la nature, elles se transforment de plus au fil du temps en micro-fragments. Or ces derniers, acheminés par le vent et les fleuves, ont colonisés les océans : quelque 250 milliards gisent au fond de la Méditerranée, soit 500 tonnes de déchets, et il est avéré depuis les années 1980 qu’il y en a partout, jusqu’en mer de Ross (sans parler de la découverte du « Huitième Continent », une immense plaque de déchets qui flotte dans le Pacifique Nord). Les conséquences environnementales, à termes, sont mal connues, mais les premières victimes sont déjà identifiées : oiseaux et autres animaux marins finissent par les ingérer. Beaucoup meurent. La chaîne alimentaire, elle, est durablement contaminée.

 

Le plastique a en outre la particularité d’être coûteux et difficile à recycler : sans subvention publique, l’activité ne peut être rentable. Ce qui explique en partie que le recyclage du matériau avoisine seulement les 22 % en France. L’autre raison, c’est qu’il n’est jamais pur, ce qui gêne considérablement la récupération et le tri. Chaque type de polymère doit en effet être traité séparément (problème de miscibilité). Et seuls le polypropylène (utilisé dans l’industrie automobile et les emballages alimentaires), le polyéthylène téréphtalate (bouteilles) et le polyéthylène haute densité (certaines bouteilles et certains emballages) sont recyclables.

Aussi, devons-nous considérer que nous sommes dans une impasse ? Ce défi écologique, comme tant d’autres, est colossale. Mais il peut et doit être surmonté. Des solutions existent, et des politiques peuvent être mises en place. L’important, c’est d’agir, et le plus tôt possible. Citons par exemple cette action exemplaire : l’expédition MED (Méditerranée en Danger) a lancé début 2011 une pétition citoyenne « 1 million de clics pour sauver la Méditerranée ». Son objectif : faire pression sur l’Union européenne pour favoriser l’éco-conception des produits (plastiques biodégradables), taxer les importations de produits non éco-conçus, et sensibiliser davantage les populations aux comportements responsables (pour signer la pétition : www.expeditionmed.eu/petition).

Les bioplastiques, justement, fabriqués à partir de ressources renouvelables (maïs, blé, chanvre…), représentent une solution intéressante. 20 à 30 % plus chers que la concurrence issue de la pétrochimie, ils verraient cependant leurs coûts rapidement baisser grâce à un développement de la filière.

En attendant, il est nécessaire de repenser notre consommation. Notamment en ce qui concerne les emballages, dont 39 % sont en plastique en France : n’est-il pas absurde qu’une partie non négligeable du prix d’un produit soit consacré à son conditionnement, alors que ce dernier sera immédiatement jeté ? Et comment peut-on justifier que nos poubelles se composent ainsi de 30 % d’emballages en poids, et 50 % en volume ? Voilà pourquoi les industriels, qui font d’ailleurs payer l’onéreuse élimination de ces déchets aux consommateurs, doivent impérativement réduire l’utilisation du plastique. Taxer encore davantage les produits dérivés du pétrole est peut-être la solution…

Autre piste à explorer : la valorisation des déchets plastiques. Longtemps, ils ont été incinérés ou mis en décharge. Mais il est maintenant possible, par incinération, de pratiquer la valorisation énergétique pour produire de l’électricité et de la chaleur à usage industriel ou domestique. Bien que la combustion engendre de la pollution atmosphérique, la technique affiche toutefois un meilleur éco-bilan.

Pour être réellement efficace, elle doit être couplée avec la valorisation des matières, qui dispose d’un fort potentiel : création de nouveaux emplois, économies de ressources naturelles (1 tonne de plastique recyclé équivaut à 700 kg de pétrole économisés), et fabrication de nouveaux biens (Le polystyrène et le polypropylène recyclés peuvent être employés dans la conception de nouveaux stylos, de cintres, ou encore d’isolants pour le secteur du bâtiment). L’entreprise Versoo, située près d’Angers, a su saisir cette opportunité en proposant aux entreprises de recycler leurs gobelets pour les transformer en produits de lestage pour lave-linge. Un pari gagnant, sachant qu’en France, 4 milliards de gobelets ne sont annuellement pas recyclés.

La situation est donc grave et préoccupante, mais pas inextricable. De multiples actions, à l’image de celle de cette société, restent à entreprendre, et autant d’innovations sont à découvrir. L’éco-conception, la réduction de notre consommation, et la valorisation des déchets doivent être encouragées. Ainsi que les politiques volontaristes, comme le règlement européen REACh, le Grenelle de l’environnement, ou cette proposition de loi qui vient d’être adoptée par l’Assemblée nationale et qui vise à faire disparaître le bisphénol A des récipients alimentaires en 2014. Car aujourd’hui, nous consommons le plastique comme le nucléaire, c’est-à-dire abondement et aveuglement sans songer aux véritables coûts financiers, environnementaux et humains.

Par Stéphane Duponchel

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