La conférence sur le climat 2011: un cul de sac?

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Par Maude Dufour-Gauthier

Mots clés: Durban, changement climatiques, Kyoto, ONU, CCNUCC

 

Quelle portée réelle aura la17ème conférence des parties (Cdp17)  de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) qui débutera à Durban, en Afrique du Sud, lundi le 28 novembre prochain ?  Mince.

Hugo Séguin, conseiller principal à l’organisation Équiterre et chercheur associé au Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation, est des plus pessimistes. À son avis,  aucune progression ne pointera à l’horizon de Durban 2011, tant et aussi longtemps que le Japon, la Russie, la Chine, le Canada et les États-Unis s’obstineront à nier l’urgence d’agir.

 

L’ONU, incompétente à agir

Seguin en rajoute : les négociations climatiques internationales demeurent un processus «mort-vivant». Selon le militant écologiste, «aucune transformation ne passera par l’ONU».

Inutile tout ce processus? Un bilan historique s’impose, partant de la création de la CCNUCC, en 1992, jusqu’à la prochaine conférence des parties, qui débute dans quelques jours.

Rappelons que la création de la CCNUCC avait comme objectif de lancer une action commune pour abaisser les émissions de gaz à effet de serre (GES) et ainsi réduire les conséquences des changements climatiques.

 

Pas de suite au Protocole de Kyoto ?

Après l’adoption de la convention-cadre, l’histoire nous mène en 1997, lors de la création du Protocole de Kyoto, qui prévoyait trois périodes d’engagement pour les États. La première période prend fin en 2012, mais la deuxième risque fort de ne pas voir le jour.

Depuis l’adoption du Protocole de Kyoto, les États-Unis refusent de le ratifier. C’est le Japon, la Russie et le Canada qui décident maintenant d’abandonner le navire, malgré qu’ils aient ratifié l’entente. «S’ils ne veulent pas de deuxième période d’engagement, il n’y en aura pas», craint Hugo Séguin.

 

L’Accord de Copenhague

Puis vient l’année 2009 et la 15e CdP de Copenhague, au Danemark : les États décident de négocier cette deuxième période. «Cette conférence s’est terminée dans la confusion et sans réelle conclusion», constate Hugo Séguin.

Malgré tout, les États s’entendent alors sur la limite d’une hausse de la température à 2o C., sur l’ampleur du financement à verser pour l’adaptation et l’atténuation des impacts, qui est fixé à 100 milliards de dollars par année (G$US/ an) et sur les engagements des pays. Ces «engagements volontaires» créent ce que l’on appelle le «Gigatonne Gap». Un manque entre le nombre réel de tonnes de GES éliminé et les objectifs fixés.

 

L’espoir de Cancun

L’année dernière à la 16e CdP à Cancun, au Mexique, les États réussissent finalement à s’entendre sur l’ampleur des réductions nécessaires, en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Une diminution de 25 à 40% pour 2020 devient le prochain défi à relever.

De plus, la création d’un fonds monétaire est établi, mais «sans préciser son cadre, ni son fonctionnement», ajoute Hugo Séguin, en soulignant que «c’est le cinquième fonds que les Nations-Unies mettent sur pied pour affronter les impacts des changements climatiques».

 

La 17e conférence, à Durban

Selon le conseiller d’Équiterre, les négociations à Durban survoleront quatre enjeux décisifs:

•   Un mandat devra être posé pour obliger les États à entrer dans les négociations ;

•   La problématique entourant la deuxième période d’engagement devra être réglée. Donc les États devront se positionner pour faire savoir au reste du monde s’ils veulent ou non s’engager dans cette voie ;

•   Le «Gigatonne Gap» devra être comblé ;

•   Le cadre du Green Climat Funddevra être établi et respecté.

 

À qui la faute?

«L’idée n’est pas de trouver un coupable face à l’inefficacité du processus depuis son établissement, quoique les grands responsables là-dedans ce sont les États-Unis», avoue Hugo Séguin.  Selon lui, avec l’arrivée d’Obama, les États-Unis témoignaient au monde leur envie de changements. «Pourtant, la loi sur l’énergie et le climat du président a frappé un mur !» Les États-Unis se retrouvent donc sans règles pour baliser leurs émissions de gaz à effet de serre.

C’est le cas également du Canada qui, avec l’arrivée de Stephen Harper, s’est aussitôt éjecté du Protocole de Kyoto. Le gouvernement conservateur demeure, encore aujourd’hui, indifférent à l’idée de ratifier quoique ce soit de nouveau.

Au Royaume-Unis, l’enjeu de réduction des GES est perçu comme un enjeu de sécurité. L’Europe en entier a une attitude bien plus enthousiaste face à la lutte contre les changements climatiques et à l’économie verte. Pour les Européens, l’environnement n’est pas une question de gauche ou de droite, mais bien un investissement à long terme. 

 

Que la société civile se lève !

Face à l’inaction du régime onusien, l’inévitabilité des conséquences apparaît clair. «Si l’ONU ne peut rien pour nous, il me reste juste à aller regarder ça à la télé», ironise le conseiller d’Équiterre.

En fait, croit-il, les transformations doivent se faire au niveau de la société civile. «Il faut attaquer la ‘‘bibitte’’ de toutes les manières possibles!», suggère-t-il. Selon lui, cela implique de  modifier notre mode de vie. «Les gazières, les charbonnières et les pétrolières produisent 60% des GES dans le monde. Si on ne s’y attaque pas, nous n’aurons aucun résultat.»

 

Puisque les compagnies commencent à le faire …

Malgré tout, au fil des ans, le processus onusien a eu des répercussions positives. «Les compagnies, comme CocaCola et Pepsi sont maintenant en concurrence, pour déterminer qui sera la plus verte», concède Hugo Séguin. De plus, des politiques nationales en Australie et en Chine découlent certainement des pourparlers sur le climat. «Je ne dis pas qu’il faut arrêter de pousser les négociations entre les États, mais juste qu’on ne peut pas compter sur eux.»

La 17e Conférence des parties de Durban est un événement à ne pas manquer, car il permet aux gens de se rassembler. «Sur les milliers de personnes qui y seront, seuls quelques-uns d’entre eux seront autour de la table des négociations.  Les autres pourront échanger leurs idées et leurs expériences», conclut Hugo Séguin.

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