Rôle du citoyen dans l’aménagement durable: Quelles leçons à tirer de la mobilisation autour du gaz de schiste?

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Par Marie-Eve Cloutier

Mots-clés : Mobilisation citoyenne, gaz de schiste, aménagement du territoire

Le sujet de l’exploitation du gaz de schiste au Québec a refait surface dans l’actualité la semaine dernière lorsque le Comité de l’évaluation environnementale stratégique sur les gaz de schiste a rendu public son plan de réalisation. Même si le débat n’est pas encore terminé, il est possible d’en tirer des leçons, en particulier sur la mobilisation citoyenne sur les enjeux d’aménagement, car les réactions ne se limitent pas au phénomène du «pas dans ma cour».

«Je ne sais pas s’il y a un précédent en terme de réaction de la part des citoyens par rapport à un événement du genre», lance d’emblée Pierre Batellier, coordonnateur en développement durable et chargé de cours en responsabilité sociale à HEC Montréal, lors du dernier CafÉco organisé par le comité des Bâtisseurs écologiques de l'avenir. En effet, depuis mai 2010, plus d’une cinquantaine de comités citoyens se sont formés et environ 5000 pancartes «Non au gaz de schiste», ont été distribuées.    

Pourquoi le mouvement de protestation a-t-il été si important au Québec? Selon Pierre Batellier, cela s’explique par plusieurs facteurs. «Il a d’abord eu un effet de surprise. Nous nous sommes retrouvés du jour au lendemain devant le fait accompli. Les foreuses débarquaient et ni les maires, ni les citoyens n’étaient au courant. Les gens étaient indignés.»

Sans compter qu’il y a aussi eu un effet d’ampleur. «Toute la Vallée du Saint-Laurent a été claimée par les compagnies gazières au grand complet. On a cédé des concessions minières pour exploiter le gaz de schiste. Un des problèmes avec la Loi sur les mines, c’est qu’elle a un énorme pouvoir. Elle donne la préséance des droits du sous-sol sur les droits de surface. Par exemple, le zonage ne s’applique plus que partiellement», explique le conférencier.

De plus, les citoyens sont devenus plus sensibles au développement durable au fil du temps croit Pierre Batellier. «Nous n’avons jamais de réponse lorsque l’on demande au Ministère ou à l’industrie des scénarios de développement sur 15 ans. Les compagnies présentent toujours les puits individuellement plutôt qu’en grappe ce qui évacue les impacts cumulatifs. Elles n’expliquent jamais que si l’on accepte un premier puits, il faudra de toute façon installer cinq puits par année dans la municipalité pour être rentable et garder la production active. Or, ce genre d’aménagement fractionne le territoire bien plus qu’un seul puits», fait-il valoir.

Les mobilisations citoyennes gagnent en expérience

D’après Pierre Batellier, la mobilisation autour des gaz de schiste n’aurait pas existé s’il n’y avait pas eu quelques mobilisations avant. «Depuis 2003, il y a eu la centrale du Suroît, le casino de Loto-Québec, le parc du Mont Orford, Rabaska, les mégas porcheries, etc. Chaque fois, on renforce nos compétences et notre savoir-faire.»

Les citoyens sont donc mieux préparés afin de faire face à l’argumentaire de l’industrie. «Avant de sortir publiquement, nous sommes allés chercher des gens compétents qui travaillaient dans le domaine de l’aménagement, de l’énergie, de l’économie et en environnement. Nous nous sommes documentés solidement sur la question et nous avons aussi construit une vision claire de notre territoire et de notre qualité de vie», ajoute Pierre Batellier.   

«Les citoyens sont maintenant plus attentifs à leur avenir et au choix d’aménagement de leur localité. Je ne sais pas qu’elle sera la prochaine grosse controverse au Québec après le gaz de schiste, mais maintenant, chaque fois que l’on se mobilise, on est plus fort, car nous bâtissons sur ce qui a été fait avant» ,conclut Pierre Batellier.

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