Harfang des mers : À la faveur de l'hiver arctique, ce redoutable prédateur terrestre se transforme en oiseau marin

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Pendant l'hiver, les harfangs qui demeurent dans l'Arctique se nourriraient d'eiders, de hareldes kakawis et de guillemots qui se rassemblent dans des zones libres de glace situées à des dizaines de kilomètres au large des côtes.

Photo: Gilles Gauthier

Le harfang des neiges était considéré comme l'un des plus redoutables prédateurs en milieu terrestre dans l'Arctique. À la lumière d'une étude menée par des chercheurs du Centre d'études nordiques, il faudrait revoir cet énoncé pour ajouter que, pendant l'hiver, le symbole aviaire du Québec est également un dangereux prédateur marin. C'est la conclusion à laquelle arrivent Jean-François Therrien, Gilles Gauthier et Joël Bêty après avoir suivi les pérégrinations hivernales de neuf femelles harfangs pendant deux hivers.

En été 2007, les chercheurs ont capturé douze femelles alors qu’elles nichaient sur l’île Bylot au Nunavut. Ils les ont munies d’un harnais doté d'un émetteur grâce auquel ils ont suivi leurs déplacements. Neuf de ces oiseaux sont demeurés dans l'Arctique entre décembre et avril lors des hivers de 2008 et 2009. À l'exception d'une femelle, tous ces oiseaux ont passé une partie de l'hiver au large, de 40 à 210 km des côtes, rapportent les chercheurs du CEN dans un récent numéro du Journal of Avian Biology.

En recoupant les relevés de position des oiseaux avec des photos satellitaires sur lesquelles le couvert de glace était visible, les chercheurs ont établi qu'une fois au large, les harfangs fréquentaient les polynies, des étendues d’eau libres de glace. Les huit oiseaux qui ont migré en milieu marin pendant l'hiver y ont séjourné de 8 à 88 % du temps. Considérant la durée de leurs séjours, ils devaient forcément trouver leur pitance sur place, estiment les chercheurs. Les polynies sont des lieux de rassemblement importants pour les eiders, les hareldes kakawis et les guillemots, des oiseaux dont le harfang peut se nourrir.

«Nos données montrent que le harfang utilise abondamment le milieu marin pour assurer sa survie pendant l'hiver», concluent les trois chercheurs. La disparition annoncée du couvert de glace dans l'Arctique risque-t-elle de perturber ses habitudes? La chose est possible, mais la direction que prendront ces changements est encore incertaine.

«Si le réchauffement climatique s'accompagne d'une hausse de la productivité primaire de l'océan, il pourrait y avoir davantage d'oiseaux marins et davantage de nourriture pour les harfangs pendant l'hiver, explique Gilles Gauthier, professeur au Département de biologie. À l'inverse, l'augmentation des superficies libres de glace pourrait causer une diminution de la densité des proies et, conséquemment, la dégradation d'un habitat d'hivernage important pour cette espèce.»

Selon le professeur Gauthier, ce sont les harfangs adultes qui demeurent dans l'Arctique durant l'hiver; les harfangs qui effectuent de longues migrations jusque dans le Sud du Québec et aux États-Unis sont surtout des jeunes. «En demeurant dans l'Arctique, les adultes reproducteurs peuvent explorer très tôt au printemps les bons sites reproducteurs où l'abondance de lemmings est élevée.»

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