Le Prix Nobel alternatif remis au réseau international Grain

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Par Chantal Gailloux

Mots-clés : Prix Nobel Alternatif 2011, GRAIN


Le Prix Nobel Alternatif 2011 a été remis le 5 décembre au Grain, dont Devlin Kuyek, diplômé de l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM en 2005, est l’un des principaux chercheurs. «C’est une reconnaissance forte qui témoigne de l’importance du mouvement mondial pour la souveraineté alimentaire», affirme Devlin Kuyek. Grain est une petite ONG soutenant depuis plus de vingt ans la lutte paysanne et les mouvements sociaux pour renforcer le contrôle des communautés sur le système alimentaire et soutenir la biodiversité.

Le Grain a été choisi «pour son travail dans le monde entier visant à protéger les moyens de subsistance et les droits des communautés agricoles, et visant à dénoncer les achats massifs de terres agricoles dans des pays en développement par des intérêts financiers étrangers», a précisé le jury dans sa déclaration. Depuis 2008, Grain travaille ardemment à documenter et à dénoncer l’accaparement des terres, et c’est justement le travail sur cet enjeu qui a accru la visibilité à l’organisme sur la scène internationale, explique Devlin Kuyek.

Pour Grain, le Right Livelihood Award – qui est le nom officiel du Prix Nobel Alternatif – mérite d’être partagé puisqu’il s’agit surtout d’une reconnaissance témoignant de l’importance – et de l’urgence – de l’enjeu de la souveraineté alimentaire, insiste-t-il. «Nous voyons [ce prix]comme la reconnaissance des contributions d'innombrables personnes et organisations engagées dans la lutte contre le contrôle croissant de nos systèmes alimentaires par les entreprises et les élites, et comme l’expression du soutien à une souveraineté alimentaire authentique, à base communautaire», a écrit Grain dans une lettre de remerciement.

De plus, bien que la situation soit urgente, ajoute cette lettre, l’équipe laisse transparaître une pointe d’espoir, voulant que l’action alternative devienne plus qu’un projet: «Le système alimentaire industriel enfonce davantage le monde dans la voie de la famine et du désastre environnemental. Il détruit les terres, les cultures et les moyens de subsistance des populations pour générer des profits extravagants pour un tout petit nombre. Beaucoup de gens savent qu’il existe des alternatives réelles et des solutions, et ils se battent pour y parvenir, jour après jour, dans ce qui peut paraître une bataille difficile. Pour nous, le Right Livelihood Award est une reconnaissance de l'importance de cette bataille.»

Grain a débuté ses activités de recherche, de dénonciation et de lobbying au début des années 1980 pour devenir en 1990 une organisation indépendante légale dont le siège social est à Barcelone. Au tournant du 21e siècle, Grain est devenu un collectif international dynamique, en multipliant organisé ses activités en Afrique, en Asie et en Amérique latine. C’est d’ailleurs à cette époque que Devlin Kuyek a intégré la petite équipe de huit collègues de Grain : «J’ai commencé à collaborer en 2000 quand je faisais de la recherche sur les OGM et d’autres enjeux pour une série d’ONGs et d’organisation paysannes en Asie. À la suite de nombreuses collaborations, j’ai été engagé en 2003 alors que j’étais encore aux études à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM.»

Le Right Livelihood Award honore des organisations et des personnes qui agissent pour améliorer l’avenir de tous. Depuis 1980, 145 personnes ou organisations, issues de 61 pays, ont reçu ce Prix Nobel alternatif. Deux uqamiens ont d’ailleurs aussi été contributeurs à un Prix Nobel par le passé. En effet, Éric Duchemin, Professeur associé à l'Institut des sciences de l'environnement, et René Laprise, Professeur au Département des sciences de la Terre et de l'atmosphère, sont tous les deux contributeurs au Prix Nobel de la paix en 2007 pour leur travail en tant qu’experts au Groupe intergouvernemental sur l'évolution du Climat (GIEC), l'instance scientifique de l'ONU sur la question des changements climatiques.


Plus d’informations:

Le projet de mémoire de Devlin Kuyek, fait sous la direction de Louise Vandelac, à la maîtrise en sciences de l’environnement s’intitule: «Reaping what's sown: how the privatization of the seed system will shape the future of Canadian agriculture»

Le Prix Nobel Alternatif 2011 sera remis à Grain lors d'une cérémonie au Parlement suédois le 5 décembre 2011

Trois autres lauréats ont été sélectionnés pour le Right Livelihood Award :

  • Huant Ming (Chine) a reçu le Prix Honorifique 2011 «pour son exceptionnelle réussite dans le développement et la diffusion à grande échelle de technologies de pointe dans le domaine de l’énergie solaire, montrant ainsi que les économies émergentes dynamiques peuvent contribuer à résoudre le problème de la crise mondiale due au changement climatique anthropique».
  • Le Jury récompense Jacqueline Moudeina (Tchad) «pour ses efforts incessants, au risque de sa propre vie, dans la poursuite d’une justice pour les victimes de l’ancienne dictature tchadienne, et dans la sensibilisation et l’encouragement du respect des droits de l’homme en Afrique».
  • Le Jury honore Ina May Gaskin (États-Unis) «pour l’ensemble d’une vie consacrée à l’enseignement et à la défense de méthodes d’accouchement centrées sur la femme qui accouche permettant ainsi de mettre en avant la santé physique et mentale de la mère et de l’enfant».

♦♦♦ Quelques chiffres du Grain…

L’agriculture industrielle et le système alimentaire industriel sont les principales causes de la crise alimentaire. Surtout depuis la crise alimentaire de 2008, les gouvernements fortement dépendants des importations de denrées alimentaires voient désormais l’agriculture délocalisée comme une stratégie de production alimentaire.

Cet accaparement des terres se traduit par :

  • Plus de 1000 milliards de dollars ont été transigés pour acheter les terres dans d’autres pays
  • 10 millions d’hectares qui ont été négociés
  • 100 transactions conclues par les investisseurs du Golfe
  • L’ONU a identifié 120 structures du secteur privé impliquées dans ces transactions


L’impact environnemental de l’agriculture industrielle

Les émissions de gaz à effet de serre des activités agricoles représentent 10 à 15 % des émissions totales, en hausse de 44 à 55 %. L’agriculture est aussi une cause importante de déforestation. 

Hausse projetée selon GRAIN des prix des aliments d’ici 2050:

  • Blé: ­170 à194%
  • Riz: ­113 à 121 %
  • Maïs: ­148 à 153 %
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