Par René Dubos,
Agronome français inventeur du premier antibiotique à l'Université de Californie
Le mot « environnement » évoque désormais des cauchemars. Nous revient à l'esprit l'épuisement des ressources naturelles, l'accumulation des déchets, les diverses formes de pollution, la surpopulation, le bruit et les milliers de démons de la crise écologique. Cependant, est-il dangereux de ne penser à l'environnement qu'en termes aussi négatifs, malgré qu'il s'avère exact que l'environnement se dégrade d'une façon aussi importante et aussi traumatisante à la campagne que dans les villes. Si nous limitons notre intérêt à une correction des imperfections de l'environnement, nous devrions nous comporter comme des bêtes traquées, s'efforçant d'éviter un danger après l'autre, nous abritant derrière des séries infinies de barrières protectrices – à ce jour des dispositifs de postcombustion sur nos voitures et des systèmes sophistiqués de traitement des déchets, et demain des masques à gaz sur nos visages et des filtres sur nos robinets. Si de telles pratiques technologiques présenteront une utilité temporaire, elles compliqueront de façon croissante notre vie et ruineront sa qualité. La solution réelle à la crise écologique devra venir d'un changement dans nos modes de vie et dans le développement de valeurs positives liant la nature humaine à la Nature. J'avais ces valeurs positives à l'esprit lorsque j'ai choisi « Le Génie du Lieu », comme titre de ma conférence.