La Gambie: l’environnement au féminin

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Par Audrey Yank


Mots-clés : Gambie, femme, genre et développement, déforestation, foyer amélioré

 

La lutte des femmes gambiennes en milieu rural se déroule sur plusieurs fronts. Dans ce pays où le respect des droits de la femme pourrait voir de meilleurs jours, elles en ont aussi plein les bras avec les tâches quotidiennes. Avec une moyenne d’enfants par femme qui ferait peur à plusieurs par chez nous, la vie n’est pas facile, « yombut! » disent-elles. Ici, les femmes travaillent fort – « fi, Jigen yi ligeey neen bubah ». Et c’est de plus en plus pénible quand la pression du climat s’ajoute à la liste.

 

Les femmes : une cible fragile

Photo d'Audrey Yank  – Tous droits réservés.

Les changements climatiques affectent davantage les femmes. « De par leurs activités qui touchent directement l’environnement, elles sont plus vulnérables que les autres » affirme Briget Tabou, directrice de programme chez ADWAC, l’Agence pour le développement de la femme et de l’enfant. En Gambie, les femmes cultivent souvent le riz et les légumes. Les hommes récoltent l’arachide et le mil. « 90% des sacs d’arachides sont vendus. Le mil, le riz et les récoltes maraîchères nourrissent plutôt la famille, le restant est vendu s’il y a. Les femmes sont les grandes gardiennes de la sécurité alimentaire familiale! » explique-t-elle. Ainsi, avec l’incertitude grandissante des pluies, elles se battent pour continuer à bien nourrir leurs familles. Le mil, culture presque infaillible, résiste très bien aux sécheresses. Le riz et les légumes n’en font pas autant. Le poids du climat changeant repose sur le dos de ces femmes.

Ce n’est plus un secret, les réserves d’eau potable au Sahel deviendront plus rares. Vous devinerez qui va puiser l’eau. Lorsque la maison ne bénéficie d’aucun puits, les femmes et les jeunes filles se rendent au puits commun. Dans l’éventualité d’un puits à sec, elles parcourront de plus grandes distances pour cette ressource vitale.

Que dire de la déforestation? La Gambie a maintenant perdue plus de 55% de sa surface forestière. 90% des femmes cuisinent sur le feu. La collecte du bois fait donc partie des tâches exigeantes. De plus, les foyers utilisés qui consistent de trois roches placées en triangle, présentent une efficacité inférieure à 10%. Toute une perte d’énergie, surtout qu’en région rurale, les femmes parcourent parfois jusqu’à 14 km à la recherche de combustible. La sécurité alimentaire est menacée autrement. Sans bois, aucun repas. Si l’on marche plus longtemps, moins de temps pour cuisiner. L’an dernier, deux filles se sont même noyés, ayant été emportés par la marée montante lorsqu’elles récoltaient des branches de mangroves.

 

Ne plus subir mais agir : la gente féminine en action!

Il fait plaisir de voir que le leadership de Mme Tabou dans sa détermination à améliorer le sort des femmes ne fait pas exception. Matida Daffeh, coordonnatrice pour les droits des femmes chez ADWAC, croit fermement que les nombreux ateliers de sensibilisation et de formation offerts permettent aux femmes de s’émanciper et de comprendre qu’elles ont un mot à dire dans les décisions reliées à la sécurité alimentaire à tous les niveaux, familial ou national. Le marketing des produits maraîchers, la planification communautaire, l’éducation de la jeune fille, le partenariat homme-femme, le jardinage durable ou la prévention des feux de forêts font parties des thématiques abordées.

Pour faire face aux pressions environnementales, les femmes devront adopter de nouvelles stratégies. En décembre dernier, une conférence régionale sur le climat a rassemblé une centaine d’agriculteurs, à raison de trois par village. 80% des participants étaient des femmes. Leur présence a dévoilé un désir de prendre les choses en main. La majorité ne savaient ni lire ni écrire, mais pouvaient bien décrire les impacts des leurs jardins. Le rôle de formation de l’NATC dans l’adaptation aux changements climatiques prend ici tout son sens.    

« Le futur est entre nos mains. Avec les foyers améliorés, nous brûlons moins de bois ce qui nous permet de faire partie de la

Photo d'Audrey Yank – Tous droits réservés.

solution. » Haddy Fal, coordonnatrice des foyers à NATC, est une autre personnalité flamboyante qui fait bouger les choses. « Après notre démonstration du foyer au marché, les femmes ne voulaient plus nous laisser partir! » dit-elle en riant. Un foyer qui brûle les écailles de riz, de mil ou d’arachides disponibles gratuitement aux moulins allège considérablement leur fardeau. Avec Haddy, NATC développe présentement un foyer de briques d’argile pour brûler le bois plus efficacement dans les villages n’ayant aucun moulin.

La communauté de Sifoe Kafo a développé sa propre initiative environnementale et récréotouristique : un projet d’agroforesterie grâce à un financement provenant de crédits de carbone. Cette plantation durable valorise les produits forestiers (noix de cajou, plantes médicinales, bois de construction) et les arbres fruitiers tout en reboisant la région. Les femmes utilisent des séchoirs solaires pour conserver les mangues, papayes et noix de cocos et ainsi diminuer les pertes de 50%. Les femmes possèdent aussi plusieurs ruches. La vente du miel, des chandelles et de la pommade aux touristes permet de réinvestir dans la communauté et de planter davantage d’arbres.

Puis finalement, quatre Gambiennes lettrées et illettrées du milieu rural ont reçu récemment une formation de six mois en génie solaire financée par le collège Barefoot en Inde. Leurs villages respectifs seront parmi les premiers au pays à être complètement électrifié. Ces femmes sont en mesure d’installer le système de panneaux solaires, de le maintenir, de le réparer et de former une relève. Cette initiative permet à la fois l’empowerment des femmes et la mitigation des émissions de gaz à effet de serre dans le développement des communautés!

Maintenant, la lutte n’est toujours pas terminée, mais ces femmes n’ont pas baissé les bras. Avec détermination et dévouement, le changement se fait petit à petit. Le développement ne peut jamais être imposé. Mais comme dit le proverbe Gambien, ce n’est que tranquillement qu’on attrape le singe dans la jungle!

 

Source: GaïaPresse

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