Les marchés de la récupération des matières résiduelles pris en otage : une responsabilisation collective s’impose

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Face à la situation de l’entreprise Conteneur Rockforest, le Conseil régional de l’environnement estime que chacun des intervenants – le gouvernement du Québec, les donneurs d’ordres (lesclients) et les récupérateurs – a un rôle à jouer pour que les matières récupérées soient régies par un marché concurrentiel où les règles économiques et environnementales sont respectées.

Des matériaux secs résiduels s’accumulent sur le terrain d’une entreprise de récupération depuis des années, en attendant d’être revendues à un bon prix. Parce que les résidus débordent de la plate-forme d’entreposage conçue pour les recevoir, l’entreprise contrevient à son certificat d’autorisation qui lui permet d’opérer. Sans compter que les matières accumulées au fil du temps risquent de perdre leur potentiel de valorisation. Voilà une situation des plus inquiétantes, tant au niveau environnemental qu’économique : nous nous retrouvons avec un site d’entreposage de matières plutôt que sur un lieu de valorisation de ressources. Plusieurs enjeux sont en cause et chaque niveau d'intervenant à un rôle à jouer.

Le gouvernement du Québec, qui accorde les certificats d’autorisation par le biais de son ministère du développement durable, de l’environnement et des Parcs (MDDEP), doit imposer des règles strictes. S’il est acceptable que de l’entreposage soit toléré temporairement (et de façon sécuritaire) en fonction d’un problème ponctuel, il est inadmissible que le ministère ferme les yeux sur une situation qui ne se règle pas. En agissant ainsi, le gouvernement envoie un drôle de message à l’industrie en ce qui a trait au sérieux de la règlementation. En ne suivant pas les règles, les entreprises peuvent conserver les tarifs de collecte artificiellement bas. Les tarifs bas sont alléchants pour les municipalités, mais peut-on se fier, en tant que donneur d’ordres, à la seule notion économique pour garantir le détournement et la valorisation de la ressource ? Ne risque-t-on pas ainsi de fausser les statistiques de valorisation et par ricochet, également les redevances allouées aux municipalités pour le détournement de l'enfouissement de ces mêmes matières ? Car à long terme, à qui reviendra la facture si les matières deviennent invendables ? Le gouvernement ne risque-il pas de se retrouver avec des sites orphelins et des matières à gérer ? Bien entendu, le phénomène n’est pas unique à l’Estrie et à ce secteur. Il manque présentement d'outils et surtout d'une volonté politique pour permettre l’application de la loi et d’une réglementation pourtant existantes. Et c’est là que le rôle des donneurs d’ordre prend tout son sens.

Les donneurs d’ordre ont la responsabilité sociale, mais aussi les moyens et les pouvoirs pour s’assurer du respect de la valorisation adéquate de leurs matières. Certains d’entre eux refusent d’octroyer des contrats qui ne respectent pas ces règles. Ceux-ci ont compris que c’est l’ensemble de la région qui devra un jour ou l’autre payer la facture économique et environnementale. Les contrats octroyés à l'ensemble des récupérateurs devraient comprendre des règles de base, incluant des garanties financières pour la fermeture des sites, des obligations de résultats quant à la valorisation des matières, des exigences par rapport à la gestion en fin de vie des produits et surtout, des obligations de respecter la loi et les certificats d’autorisation. Bien sûr, ces mesures auront comme effet direct de faire augmenter les tarifs de collecte. Mais elles auront l’effet très positif de prendre compte de l'ensemble du cycle de vie des matières, et d’ainsi permettre à la concurrence de pénétrer le marché. Car dans la situation actuelle, comment un nouveau joueur peut-il faire compétition à une entreprise qui ne respecte pas les règles de marché et propose des tarifs artificiellement bas ? Les contrats doivent être encadrés afin que chaque joueur puisse entrer dans le marché. Les donneurs d’ordre sont responsables de faire respecter leurs contrats et ont une responsabilité collective envers la bonne gestion des matières résiduelles. En agissant tel qu’ils le font maintenant, les donneurs d’ordre entretiennent un marché rendu dysfonctionnel. De plus,ils s’exposent au risque de payer la lourde facture de gestion de sites laissés orphelins dans 5, 10 ou 15 ans.

Et le rôle de l’industrie ? Parce que les contrats n’ont pas de clauses d’obligation de résultats, ni même de respect des certificats d’autorisation, il semble que les entreprises soient conformes. En ce qui a trait aux obligations face au MDDEP, c’est autre chose. On peut exiger de l’industrie d’agir en bon citoyen corporatif et de respecter les clauses de son certificat d’autorisation, mais on aura besoin de lui fournir un encadrement, un suivi et des sanctions qui l’inciteront fortement à agir correctement.

De nombreux ajouts aux exigences légales dans le secteur des matières résiduelles vont apparaître d’ici les cinq prochaines années. Les entités publiques doivent démontrer par des mesures concrètes qu’elles entendent faire respecter ces nouvelles exigences. La situation de Conteneur RockForest démontre malheureusement le contraire. Les solutions résident pourtant dans la volonté politique et dans une vision à long terme de la gestion de nos matières résiduelles.

 

Source: CRE Estrie

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