L’écologie intérieure

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Par Alain Lampron
BA. Psy. M. Sc. Act. Phys.


Mots-clés: Écologie, environnement, rapport entre êtres vivants et milieux naturels

 

La sauvegarde de la planète, le respect de l’environnement sont des thèmes abondamment développés et même surexploités par bon nombre d’entreprises et d’organisations dans leurs stratégies de mise en valeur auprès de leurs clientèles. Le vert et le bleu n’ont jamais été aussi à la mode! Pourtant, les environnementalistes et écolos ne se sont pas mérité le statu de héros contemporains. Bien au contraire, ils demeurent souvent perçus comme des activistes idéalistes et naïfs qui nuisent au développement économique. Une telle contradiction s’explique probablement par les incompatibles divergences d’agendas entre les différents groupes en cause. D’un côté, on adopte l’image, on parle le langage pour en tirer profit. De l’autre, on continue de vouloir défendre. Mais qu’en est-il de nous, la simple personne dans son quotidien?

Notre vision de l’écologie se limite généralement à des bulletins de nouvelles qui génèrent une grande confusion sur l’état réel de la planète, à des désastres environnementaux, à des protestations qui tournent mal, à quelques beaux documentaires un peu nostalgiques qui nous présentent les dernières parcelles d’habitats sauvages et leurs espèces menacées. Bref, une distraction parmi tant d’autres envers laquelle nous nous sommes graduellement désensibilisés. Puis à chaque semaine, lorsque nous roulons notre gros bac bleu sur le bord du trottoir, tout malaise est vite apaisé par ce noble sentiment de contribution!

Pourtant, l’écologie se défini comme étant l’étude du rapport entre les êtres vivants et leur milieu naturel. À ce que je sache, nous les humains sommes aussi des êtres vivants, mais pour ce qui est de nos rapports avec notre milieu « naturel », j’hésite… Quel est donc notre milieu naturel? Celui où nous habitons? Celui où nous nous sentons vraiment bien ou alors celui d’où nous provenons à l’origine et que nous avons complètement transformé? Serions-nous simplement devenus des êtres dénaturés?

J’ai envie de m’amuser à pousser cette réflexion encore plus loin : Qu’est-ce que l’être vivant au juste? Le corps physique situé dans un environnement quelconque ou l’insaisissable présence qui habite le corps physique? La distinction est importante car si j’accepte l’idée que je suis plus que mon simple corps, cela signifie que je l’habite et par conséquent, ce serait indiscutablement lui mon véritable milieu naturel. Alors quel est mon rapport avec mon corps, mon écologie intérieure?

Est-ce que je lui manque de respect, l’exploite, le contrôle, le transforme, le rejette, le néglige, le stimule artificiellement, le dénie, le transforme en dépotoir par l’absorption de déchets sous la forme alimentaire et émotionnelle? Est-ce que j’attends qu’il s’écroule, qu’il défaille, qu’il exprime par des maux sa souffrance pour lui porter attention? Puis est-ce que je le déteste de si mal me servir, de s’affaiblir, de m’importuner, de me trahir, de me forcer à laisser tomber ceux qui comptent sur moi, de me faire remettre en question mes projets, mes rêves et ma façon de vivre? Est-ce que je le confie impuissant, aux spécialistes qui le charcutent, le bâillonnent, le court-circuitent et le reprogramment dans l’espoir de taire sa rébellion et de vite reprendre une vie « normale »?

Je crois que le traitement que l’homme fait subir à l’environnement est tout simplement à l’image de celui qu’il impose à son propre corps, son milieu de vie le plus intime, le plus naturel. L’apprentissage d’un profond respect du précieux véhicule qu’est son corps conduit tout naturellement à un comportement beaucoup plus écologique. Malheureusement cette transformation résulte trop souvent de terribles épreuves, de la proximité de la mort qui permet de réaliser à quel point la vie est fragile et qu’il faut en prendre soin, l’honorer. Devra-t-on en arriver là collectivement, pour amorcer le changement d’attitude qui apparait de plus en plus nécessaire et urgent pour assurer la survie de notre espèce?

Nous aimons pointer du doigt les gouvernements et les puissantes corporations pour leur faire porter le blâme de tous les problèmes qui nous accablent. Nous aimons crier notre indignation, rager de notre sentiment d’impuissance, dénoncer le mensonge et la corruption de ceux qui détiennent le pouvoir et pourtant, nous faisons subir à notre corps des sévices semblables à ce qui est infligé à la planète.

Puis, par l’intermédiaire de notre maigre pouvoir d’achat, nous contribuons tacitement à l’évolution de la situation actuelle. Chaque Dollar dépensé ou investi représente un appui envers ce système que nous contestons de nos paroles, mais appuyons par nos actions. Comment pouvons-nous ressentir de la frustration par rapport aux agissements des pétrolières et du prix à la pompe, lorsque leurs profits viennent gonfler le rendement de notre fond de retraite?

Les occasions de conflits d’intérêts, de corruption, bien que sur une moindre échelle, nous sont présentées au quotidien et tout bonnement, nous choisissons ce qui nous semble le plus avantageux pour nos propres besoins. Les gens que nous accusons font exactement la même chose que nous, à la différence qu’ils tirent de plus grosses ficelles. L’avenir de l’homme est façonné par chaque personne au quotidien, une décision à la fois. Il est temps de prendre nos responsabilités aussi insignifiantes puissent-elles paraître, en commençant par la plus grande, vis-à-vis soi-même en développant notre écologie intérieure. Le reste suivra par lui-même…

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