Un an après le dépôt du rapport du BAPE sur les gaz de schiste: bilan

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Par Maryse Pelletier
Vice-présidente de la Coalition Eau Secours! pour une gestion responsable de l'eau


Mots-clés: Rapport du BAPE sur les gaz de schiste, étude environnementale stratégique, regroupements citoyens et environnementaux

 

Il y a quelques jours, quatre regroupements citoyens et environnementaux [1] ont donné une conférence de presse pour rappeler que, un an après le dépôt du rapport du BAPE sur les gaz de schiste et la mise en place d'une Étude environnementale stratégique (ÉES), leur confiance, qui ne demandait qu'à naître et croître, menace de s'effriter jusqu'à devenir poussière sous les pieds.

Pourquoi cela? Pour des raisons assez simples.

La décision de la mise en place d'un comité qui doit effectuer une étude environnementale stratégique (ÉES) de l'extraction et de l'exploitation des gaz de schiste a calmé le jeu autour de la question pendant un certain temps. On attendait d'abord de connaître la composition du comité.

Mais quand le gouvernement a révélé le nom des personnes qui le composent, il y eut un premier choc. Sur ce comité, des fonctionnaires québécois – et on connaît le penchant du gouvernement pour l'exploitation de la filière – des scientifiques, des représentants de l'industrie, mais pas de groupe environnementaux ni de représentant des citoyens, donc pas d'acteurs de terrain.

Quelques mois plus tard, le ministre de l'Environnement a un peu corrigé le tir et nommé un écologiste. Mais les regroupements environnementaux et les groupes de citoyens ne sont pas satisfaits, parce que, à l'invitation du Ministre de l'Environnement, ils s'étaient entendus sur le nom d'un représentant, et que ce représentant n'est pas invité, finalement, à faire partie du comité.

Autre sujet de méfiance, il n'y a pas de véritable moratoire sur les activités en lien avec l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste. La majorité de ceux que la question intéresse avait demandé un véritable temps d'arrêt, mais cela leur a été refusé.

Il fallait ensuite connaître le mandat de l'ÉES. Ce mandat est suffisamment limité pour faire dire au Collectif scientifique qu'il n'est pas celui d'une véritable ÉES ; il lui manque en effet de remettre en cause la pertinence de l'exploration et de l'exploitation des gaz de schiste, et d'analyser cette filière dans l'ensemble des sources d'énergies renouvelables disponibles au Québec. Les nombreux ratés de cette exploitation chez nos voisins américains, le danger qu'elle fait courir à notre eau, dont, je le rappelle, la cartographie souterraine n'est pas faite, les dangers de contamination des puits, d'infiltration dans les nappes phréatiques et les risques sismiques, toutes conditions auxquelles on expose les meilleures terres agricoles de la province (pour ne nommer que quelques-uns des risques associés à cette industrie), ne méritent-ils pas qu'on se demande si le jeu en vaut la chandelle, et si nous avons besoin de ce gaz comme source d'énergie?

Un an après le dépôt du BAPE, le collectif scientifique sur la question des gaz de schiste et l'AQLPA (entre autres) affirment que la pertinence du développement de la filière gaz de schiste n'est pas démontrée, notamment au regard des risques écologiques et sanitaires et du choix d'un système intégré d'énergies renouvelables et de stratégies d'efficacité énergétique. Et Eau Secours! ajoute, du même souffle, que nous ne devons prendre aucun risque avec la qualité et la protection de l'eau potable nécessaire à la santé des Québécois et Québécoises.

Le mandat de l'ÉES comporte donc des absences fondamentales, qui rendront ses conclusions pour le moins discutables. La première question à se poser, en effet, est celle de la pertinence de la filière, autrement tout l'exercice risque de devenir futile.

Enfin, la transparence et la véritable participation des populations concernées ne sont pas assurées. Non seulement les différentes modalités de participation aux travaux du comité ne sont pas rendus publics, mais le comité n'a pas publié le verbatim des consultations et se "montre plutôt lent et fort peu disposé à publier la documentation des groupes et individus qui ont publié des commentaires et des analyses du plan de réalisation" selon l'AQLPA.

Il est difficile, donc, de dresser un bilan positif de cette dernière année. Il ne reste à souhaiter que, même dans les circonstances où l'ÉES a peu de chances de répondre aux questions fondamentales qui se posent au sujet de l'industrie, elle entende au moins des acteurs de terrain. Ce sont eux qui connaissent le plus, à l'heure actuelle, les véritables impacts de l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste. Sinon, la crédibilité, déjà entachée, de l'ÉES risque de sombrer et de provoquer une confusion dont le Québec n'a aucunement besoin.

 


[1]La Coalition Eau Secours!, l'Association québécoise de lutte contre la pollution de l'air (AQLPA), Le Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste et le Regroupement pour la responsabilité sociale des entreprises RRSE

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