Le délicat glissement de l’ «éducation relative à l’environnement» vers l’ «éducation au développement durable»

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Par Mariannick Mercure


Mots-clés : Développement durable, éducation relative à l’environnement, changement de paradigme, gouvernance environnementale, mondialisation

 

Si l’éducation relative à l’environnement est présente depuis plusieurs décennies, l’intégration du développement durable est plus récente. Comme l’explique Lucie Sauvé, chercheuse à l’UQÀM, « l’éducation relative à l’environnement commençait à se déployer et le développement durable est arrivé, impliquant un changement d’une éducation centrée sur l’environnement à une éducation centrée sur le développement. Aujourd’hui, le développement durable est devenu LE cadre de référence des politiques publiques, notamment en éducation ». Rencontre de deux visions du monde.

Yves Girault et Lucie Sauvé au 80e Congrès de l’ACFAS. Photo de Mariannick Mercure – Tous droits réservés. 

Le développement durable : la nature au service de l’homme

Pour le professeur Yves Girault du Muséum d’Histoire naturelle de Paris, « développement durable » est un mot-valise qui comporte des risques : « Sur l’échiquier politique, de la gauche à la droite, tout le monde est d’accord avec ce concept, parce que tout le monde y met ce qu’il veut. Mais ces glissements sémantiques ne sont pas neutres ».

Pour ce chercheur, le développement durable est anthropocentriste : la nature y est au service de l’homme. Coincés dans ce cadre rigide qui impose UN type de rapport au monde, les élèves ne peuvent plus développer de pensée critique.

 

Il y a eu un colloque récemment par le ministère de l'Éducation nationale pour former les enseignants sur le développement durable. Qui intervenait? Orange et Aréva! Orange est un fournisseur majeur de téléphonie et internet en France, tandis qu’Aréva est un groupe industriel spécialisé dans le nucléaire. C’était donc le monde privé qui vendait leurs technologies! 

 

Le développement durable : l’environnement comme ressource

Pour Lucie Sauvé, l’éducation relative à l’environnement a l’avantage de provenir de la base : « c’est à travers les ONG et par les marges du système éducatif, par les syndicats, que l’éducation relative à l’environnement a été portée, contrairement au développement durable ». C’est que le développement durable est apparu dans un contexte de mondialisation, suite à des discussions menées au niveau international. Il s’est ensuite imposé dans les structures gouvernementales pour se loger dans les ministères de l’Environnement et de l’Éducation.
 
Pour la chercheuse, cette « proposition politico-économique amène un rapport à l’environnement particulier : un ‘environnement-ressource’, pour la croissance économique ». Selon elle, ce concept destiné au milieu des affaires aurait été utile si les ministères du Développement économique ou du Commerce en avaient été chargés. L’intégration aux ministères de l’Environnement et de l’Éducation aurait plutôt « perverti la mission de l’éducation et entravé le déploiement du secteur de l’environnement », ajoute-t-elle.
 

Que faire avec ce « développement durable »?

Les deux chercheurs s’entendent sur cette question : « on doit le déconstruire ». Dans le cas de la France, où le concept s’est immiscé davantage qu’au Québec, le problème pour les enseignants est que « pour être ‘politically correct’, tu ne peux être contre le développement durable», selon Yves Girault. Pour lui, c’est maintenant aux universitaires que revient le rôle de donner les outils nécessaires aux enseignants pour déconstruire ce concept et offrir aux élèves une plus grande variété de visions du monde. C’est ce défi que les chercheurs présents au Colloque de l’ACFAS se proposent de relever.
 
Source: GaïaPresse
 

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