Déforestation : le Congo veut donner l’exemple

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Par Jessica Nadeau


Mots-clés : forêt, Congo, ministre de l’Environnement du Congo, Henri Dombo, Jacques Prescott, Département des sciences fondamentales de l’Université du Québec à Chicoutimi, Forêts et humains : une communauté de destins

 

Bayaka pygmies
Photo: Flickr

« En milieu rural, la notion de pauvreté peut devenir relative. Les paysans qui ont accès à la forêt se nourrissent bien. Ils ont les plantes et des animaux qui leur permettent de vivre décemment et de se soigner. La pauvreté n’a pas, à leurs yeux, la notion qu’on en a ailleurs. Ces gens-là vivent bien et ne tendent pas la main. »

Telle est la description du ministre de l’Environnement du Congo, Henri Dombo, qui participait à un atelier sur la forêt, un évènement piloté par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) en marge de Rio+20.

 

Perdre la forêt engendre la pauvreté

Selon lui, la perte de forêts et la pauvreté sont directement liées. Des chiffres de la Banque mondiale le confirment : 240 millions de personnes vivent totalement dans des écosystèmes forestiers et un milliard de personnes vivant dans l’extrême pauvreté dépendent des ressources forestières pour subsister.

« Lorsqu’il y a pénurie de la ressource, suite à une exploitation irresponsable, c’est une menace pour ces gens qui ne savaient pas ce qu’était la pauvreté avant. Aujourd’hui, ils ne trouvent plus assez de ressources pour se nourrir et en tirer un revenu », poursuit le ministre.

Le revenu familial s’affaiblit alors comme une peau de chagrin. Ces citoyens n’ont plus d’argent pour les soins de santé, entrainant des maladies et une perte d’espoir en la vie. Cette pauvreté est la conséquence d’une mauvaise exploitation de la forêt.

 

Deuxième plus grande forêt tropicale au monde

Le Congo, qui abrite la deuxième plus grande forêt tropicale au monde après l’Amazonie, a longtemps été aux prises avec de graves problèmes de déforestation. Le pays s’en sort à peine.

L’un des principaux problèmes était la coupe de bois par les paysans pour en faire du charbon servant à la cuisson. « Mais ce faisant, ils s’éloignent de la ressource et dépensent plus d’énergie pour aller la chercher. Elle devient donc plus chère », déplore le ministre.

Aujourd’hui, le Congo a décidé de s’attaquer de front au problème. Pour remplacer le charbon, le gouvernement fait la promotion des énergies alternatives et de fours améliorés nécessitant moins d’énergie.

La véritable solution, selon Henri Dombo, réside dans la restauration des écosystèmes par une gestion responsable et d’aménagement durable. Il mise notamment sur les concessions forestières certifiées et sur des coupes en rotation permettant une reconstitution naturelle de la forêt.

« On ne doit couper que les quantités prévues pour (maintenir) un équilibre écologique, il faut des techniques d’abattage qui ont un impact réduit, un mode de transport aux conséquences minimes. Aussi, des techniques pour optimiser l’utilisation de la matière afin d’en tirer une valeur ajoutée, ce qui crée des emplois plus nombreux et limite l’émission des gaz à effet de serre », donne-t-il en exemple.

 

Une longueur d’avance

Si le Congo a longtemps été pointé du doigt pour ses problèmes de gestion de la forêt, le ministre de l’Environnement affirme que la région a dorénavant pris « une longueur d’avance » en matière de lutte à la déforestation.  

Il veut partager son expérience. « Pour quitter un statut de pauvre, il faut qu’on vous crée des conditions. C’est ce que l’on voit notamment dans les concessions forestières certifiées de l’Afrique centrale. Ce sont des expériences de réussite. Il faut aussi les montrer, car elles peuvent servir d’exemple aux autres dans la recherche d’informations et de technologies. »

Il appelle la création d’une réelle solidarité entre les gouvernements, afin d’éviter les catastrophes liées aux changements climatiques. « Les moyens de mise en œuvre pour arrêter la déforestation existent, mais ils ne trouveront de réponse que dans la volonté réelle des hommes politiques du monde. »

 

Préserver la forêt, pour réduire les coûts de santé

Combien vaut une forêt, au-delà de la valeur marchande des arbres? C’est une des questions que les gouvernements devront commencer à se poser dans le futur, estime Jacques Prescott, professeur associé au Département des sciences fondamentales de l’Université du Québec à Chicoutimi.

À la demande de l’Institut de l’énergie et de l’Environnement de la Francophonie (IEEF), une quarantaine de scientifiques de la Francophonie, auxquels s’est joint Jacques Prescott, se sont penchés sur la question spécifique de la forêt, un enjeu environnemental et social majeur, présenté à la Conférence des Nations Unies sur le développement durable.

Pendant des mois, les scientifiques ont tenté de cerner les pièges et les opportunités de l’économie verte et du développement durable pour la forêt. Leur travail a mené à la publication d’une étude de plus de 500 pages – Forêts et humains : une communauté de destins – qui comprend une vingtaine de recommandations.

 

Promouvoir les usages du bois

L’étude propose, entre autres, la promotion de l’utilisation du bois dans tous les bâtiments, la plantation d’arbres à croissance rapide près des villes où le bois de feu est utilisé comme source d’énergie, la recherche et les enquêtes sociologiques, la valorisation des filières de substitution des carburants fossiles par des résidus forestiers, de même que le développement du suivi des écosystèmes forestiers par télédétection et mesure satellitaire.

Les chercheurs suggèrent également d’instituer un processus d’évaluation environnementale stratégique – ÉÉS – des politiques forestières avec fixation d’objectifs et reddition de comptes.

La liste est longue et les termes sont parfois bien techniques, mais l’humain est au centre des préoccupations des chercheurs. Car le destin de la forêt et celui de l’homme sont interreliés. « Il y a 13 millions d’hectares [de forêts]qui disparaissent chaque année et les premières victimes, ce sont les populations. Pour eux, la forêt représente une source essentielle de subsistance », explique Jacques Prescott en entrevue avec Gaïa Presse, suite à sa présentation en marge de Rio+20.

 

Les services sociaux de la forêt

Celui-ci tente, avec patience, de faire accepter les services sociaux, spirituels et culturels rendus par la forêt. Des services intangibles, trop souvent ignorés dans l’économie conventionnelle.

« Si l’État reconnaît l’importance de la forêt, il doit prendre en compte sa valeur écosystémique, précise le professeur. S’il coupe et vend du bois, il devra se demander si cela est véritablement rentable, en calculant aussi ce qu’il perd en termes de tourisme, d’érosion des sols, de qualité de l’air et de bénéfices pour la santé. »

Le professeur Prescott donne en exemple, les services rendus par la forêt qui abaissent les coûts de la santé. « Les gens qui ont accès à la forêt sont moins stressés. Ils sont moins malheureux et plus productifs. Cela a des répercussions importantes sur la société. Il faut mettre [ces gains]dans la balance », conclut-il.

 

 

Source: GaïaPresse

GaïaPresse a pu envoyer la journaliste Jessica Nadeau à la Conférence des Nations Unies sur le développement durable à Rio au Brésil grâce à un soutien financier du Gouvernement du Québec.

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