La favela Dos Prazeres : une vitrine pour le développement durable

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Par Jessica Nadeau


Mots-clés : Favela du Brésil, économie sociale, développement durable, communautés

 

La favela Morro Dos Prazeres, quartier de Santa Teresa, Rio de Janeiro, Brésil. Photo de Jessica Nadeau – Tous droits réservés. 

Depuis un an, les favelas du Brésil sont en transformation. Elles sont en période de pacification. Exit les mitraillettes et les trafiquants de drogue. La police a fait un solide ménage, du moins en surface.

Depuis, des ONG locales tentent de profiter de cette situation nouvelle pour jeter les bases d’une économie sociale dans les communautés. Leur but : aider les populations à prendre en main leur avenir économique. 

Nous sommes en plein cœur de Rio, dans le quartier de Santa Teresa. Tout en haut de la montagne, au bout d’une route sinueuse, des escaliers de pierre mènent à la favela Dos Prazeres, située à 300 mètres au-dessus du niveau de la mer.

La vue sur Rio est spectaculaire et les habitants de la favela en tirent une fierté évidente. Mais ils ont besoin de plus : ils veulent des initiatives publiques et privées pour réorganiser leur société en termes d’urbanisme, de sport, de santé, et de culture. Le tout dans un cadre de développement durable.

Dans un français impeccable, Georges Escritorio y accueille une délégation du Groupe d’Économie Solidaire du Québec (GESQ) et du Forum des dirigeants d’économie sociale, également appelées les Rencontres du Mont-Blanc. Ils sont ici, en marge du sommet de Rio, pour créer des liens et faire une incursion dans le monde de l’économie parallèle brésilienne.

 

Cure de rajeunissement

Georges Escritorio, président de l’organisme Equilibro sustentanto (Équilibre soutenu) décrit la vie dans la favela, qu’il appelle « la communauté », un terme qu’il juge plus digne pour décrire le milieu de vie de quelque 60 000 Cariocas (habitants de Rio).

« Avant, il y avait des jeunes armés de mitraillettes aux portes de la communauté. N’entrait pas qui voulait. Depuis la pacification, c’est plus sécuritaire. La police est sur place. Par contre, les problèmes demeurent, même s’ils sont moins visibles », déplore-t-il.

La communauté a eu droit à une véritable cure de rajeunissement depuis quelques mois. Elle jouit d’un tout nouveau terrain de football, grâce à la participation d’une chaîne de télé américaine qui est venue y tourner un championnat.

Elle a également de nouveaux équipements de sport, un parc, une garderie et un centre culturel où les jeunes présentent un spectacle de danse traditionnelle. Ses habitants ont organisé un certain nombre de grandes corvées pour faire des places publiques plus conviviales et débarrasser une partie des détritus qui s’amoncèlent en flanc de montagne.

Il faut dire qu’avec la tenue du Sommet sur le Développement durable, le prochain Mondial de football et les Jeux olympiques en 2016, la ville tente de se refaire une beauté. Cela passe aussi par une amélioration des favelas.

« La ville a fourni à la communauté une station de gym extérieure, raconte Georges. Mais quand on leur a demandé si elle avait prévu les budgets et la logistique pour l’entretien, son porte-parole nous a regardés comme si nous étions des extraterrestres. Qu’ils s’arrangent!, nous ont-ils répondu. »

Le manque d’entretien des équipements fournis par la Ville, c’est un problème récurrent. Les fausses promesses politiques aussi. Mais il se passe néanmoins quelque chose de positif dans la favela de Dos Praceres.

Georges Escritorio veut saisir cette occasion pour faire de la communauté une vitrine pour le développement durable et l’économie sociale et solidaire. « Il faut que ça se passe maintenant, sinon tout va redevenir comme avant d’ici 2016. »

 

Développement vert

Il raconte que dans le modèle traditionnel de la communauté, les trafiquants de drogue agissent comme un filet de sécurité sociale. Si quelqu’un a besoin de médicaments, par exemple, ce sont eux qui vont les lui acheter. « Si nous développons l’économie de la communauté, le vieux système va s’effondrer par lui-même », estime Georges Escritorio.

Il tente de développer des projets pour encourager et soutenir les petits commerces et l’artisanat, la formation professionnelle, la création de coopératives. Des projets à caractère environnemental, notamment pour régler le problème des eaux usées, sont instigués par des producteurs locaux.

« La communauté est une source d’énergie à canaliser pour construire le futur que nous voulons », conclut Georges Escritorio.

 

L’économie solidaire pour sortir de la crise 

L’économie sociale et solidaire doit être reconnue et prise en compte comme un élément essentiel dans les conclusions de la Conférence des Nations-Unies sur le Développement durable Rio+20. C’est ce que souhaitent les représentants des Rencontres du Mont-Blanc,  réunis mardi au Riocentro, dans le cadre d’un atelier parallèle.

Dans une petite salle bondée, ils ont présenté le fruit de deux années et demie de travail, soit un document qui réunit 20 propositions et 5 chantiers afin de promouvoir l’économie sociale et solidaire à travers le monde.

« Les dirigeants des associations, mutuelles, fondations et coopératives du monde entier veulent montrer, par leur présence, leur volonté de porter et défendre les valeurs de l’ESS en laquelle ils croient, et qui est l’un des éléments nécessaires pour résoudre la crise actuelle », synthétise les organisateurs de la rencontre, dans un communiqué de presse.

Le Québec étant un terreau fertile pour l’économie sociale et solidaire, plusieurs représentants ont participé à l’élaboration de cette rencontre qui se tenait sous l’égide de l’ONU.

Parmi les figures de proue du mouvement, on compte notamment René Lachapelle, président du Groupe d’Économie Solidaire du Québec (GESQ) qui est venu accompagné d’une délégation de 15 jeunes Québécois, de même que Gérald Larose, administrateur des Rencontres du Mont-Blanc.

« C’est l’enjeu planétaire qui remet le plus fondamentalement en question le modèle dominant de développement, qui est un modèle productivisme, consumériste et libéral, lance Gérald Larose en entrevue avec GaiaPresse. L’économie sociale et solidaire, c’est la forme d’activité qui peut contribuer à la sortie de crise. »

L’économie sociale et solidaire, selon Gérald Larose, possède une finalité sociale. C’est-à-dire que l’économie est un moyen et non pas une fin. Elle est également une propriété collective, collée à la réalité du territoire, ce qui induit nécessairement une dimension démocratique et environnementale.

« À partir du moment où ton objectif n’est pas de faire de l’argent au maximum, mais d’intégrer le respect de la nature et le développement du mieux-être collectif, tu ne fais pas n’importe quoi, tu ne détruis pas les quartiers et l’environnement. Tu t’organises pour plutôt l’entretenir pour que tout le monde puisse ne profiter », argumente le professeur de l’UQAM. 

Les recommandations du Forum international des dirigeants de l’économie sociale et solidaire – Rencontres du Mont-Blanc (RMB-FIDES) ont été présentées aux chefs d’État. Un lourd travail de lobbying est en marche pour faire passer leur message et établir leur notoriété. Ils espèrent sensibiliser les organisations internationales et trouver une place officielle comme groupe majeur reconnu par l’ONU, au même titre que les femmes, les jeunes, les syndicats, etc.

« Il y a présentement 9 groupes à l’ONU. Nous voulons être le dixième», poursuit Gérald Larose.

 

 

Source: GaïaPresse

 

GaïaPresse a pu envoyer la journaliste Jessica Nadeau à la Conférence des Nations Unies sur le développement durable à Rio au Brésil grâce à un soutien financier du Gouvernement du Québec. 

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