La planète ne peut plus se priver du savoir-faire des femmes

0

Par Jessica Nadeau


Mots-clés : Genre, Gro Harlem Brundtland, Agenda 21, développement durable, empowerment des femmes, Michelle Bachelet

 

Gro Harlem Brundtland, ancienne première ministre de la Norvège et présidente de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l'Organisation des Nations unies. Photo de Harry Wad. 

Les femmes représentent « le plus large potentiel encore inexploité pour le développement durable », estime Gro Harlem Brundtland, ancienne première ministre de la Norvège et présidente de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l'Organisation des Nations unies. En 1987, le Rapport Brundtland a jeté les bases des principes de développement durable. Il a inspiré des centaines de chefs d’État lors du fameux sommet de la Terre de Rio en 1992. 

Dans l’Agenda 21 – la série de principes adoptés lors de ce sommet historique –  on affirmait l’importance des femmes dans la réalisation du développement durable. De cela, Gro Harlem Brundtland en était très fière. Mais 20 ans plus tard, force est de constater qu’il y a encore du travail à faire, dénonce celle qui agit aujourd’hui à titre d’envoyée spéciale du Secrétariat général des Nations Unies sur les changements climatiques.

« À Rio, il y a 20 ans, il y avait un niveau de conscientisation sur le rôle vital des femmes dans le développement durable, mais c’était loin d’être suffisant. Maintenant, à Rio+20, c’est le temps de mettre derrière nous cette tendance à sous-estimer le rôle crucial que jouent les femmes dans les questions d’économie et d’environnement. »

Selon elle, il est impératif de changer les mentalités. « Comme société et comme nations, nous ne pouvons plus nous permettre cette outrageuse discrimination et cette ignorance issues de vieilles traditions. »

 

Empowerment

La solution, dit Madame Brundtland, réside dans l’empowerment des femmes afin qu’elles puissent participer pleinement à toutes les sphères de la société. « Il faut que, comme société, nous arrêtions de laisser de côté la moitié de notre intelligence et capacité collective ».

Elle appelle à un important changement sur les perspectives de développement durable. Cela requiert, selon elle, une égalité des genres et la fin de la « discrimination persistante » envers les femmes.

« Il faut des élus qui se penchent spécifiquement sur les défis qui limitent la participation des femmes dans l’économie. Cela veut dire assurer aux femmes un accès égalitaire à la terre, au crédit et aux marchés. »

En Norvège, où les femmes atteignent des niveaux de participation record sur le marché du travail – le deuxième pays au monde avec 75% de participation – leur valeur économique est plus importante que le large secteur pétrolier, ce qui n’est pas peu dire. « Les pays qui mettent de côté les inégalités et offrent des opportunités locales aux femmes sont ceux qui ont les meilleures performances économiques. C’est quelque chose que l’on oublie souvent. »

 

Le futur que les femmes veulent

Le message de Gro Harlem Brundtland est largement appuyé par la directrice d’ONU Femmes,  et ancienne présidente du Chili, Michelle Bachelet, venue à Rio+20 pour l’évènement « Le futur que les femmes veulent » qui se tiendra les 19 et 21 juin. 

En conférence de presse lundi, la directrice d’ONU Femmes a rappelé les grandes inégalités auxquelles sont encore trop souvent confrontées les femmes. « En 20 ans, nous avons fait des progrès importants, mais il y a encore de grandes disparités en matière de droits et de participation. »

Chiffres à l’appui, elle illustre la gravité de la situation: « Une femme meurt chaque deux minutes de complications dues à la grossesse ou à l’accouchement. La violence envers les femmes est encore et toujours une réalité criante. Les femmes gagnent encore moins que les hommes pour le même travail et elles sont sous-représentées dans la prise de décision. »

Selon ONU Femmes, moins de un sur dix chefs d’État sont des femmes. Pour les membres au sein d’un parlement, on parle d’une sur cinq. Pire, elles ne représentent qu’un maigre 4% des hauts dirigeants des 500 plus grandes entreprises mondiales. « Ceci n’est pas un mode de développement durable. Et ce déséquilibre fait mal aux femmes, mais également à chacun d’entre nous. »

Au cours des prochains jours, Michelle Bachelet entend rencontrer des chefs d’État pour les encourager à réitérer les principes de 1992, mais également des dirigeants d’entreprises. Elle tentera de les sensibiliser à l’importante contribution des femmes dans les secteurs économiques.

«  La participation complète et égalitaire des femmes n’est plus seulement qu’une option, c’est une nécessité urgente. »

 

Michelle Bachelet : une femme de tête et d’action

 

Michelle Bachelet, a été la première femme élue présidente de la République du Chili en 2006. Photo de Alex Proimos. 

« Être présidente dans une société latino-américaine machiste, cela implique qu’il va y avoir beaucoup de préjudices et de biais. Les gens se demandent si tu vas être capable ou non d’être présidente. »

Michelle Bachelet n’a pas eu la tâche facile lorsqu’elle a été élue présidente de la République du Chili en 2006. Première femme à accéder à la plus haute fonction de son pays, elle a dû affronter les préjugés et montrer qu’elle avait l’étoffe d’une leader dans un monde majoritairement masculin.

« J’ai été élevée dans une famille où mes deux parents étaient très forts. Mon père respectait et admirait beaucoup ma mère pour ses forces. Alors j’ai toujours cru que les hommes et les femmes étaient à égalité. En arrivant en politique, j’ai trouvé un environnement différent, où les hommes doivent être puissants, jurer », relate-t-elle.

Ancienne médecin, elle est devenue tour à tour ministre de la Santé et de la Défense avant d’être élue présidente. Michelle Bachelet affirme avoir choisi de conserver son style et de miser sur ses qualités personnelles pour faire sa place comme politicienne. Mais elle avoue avoir été la proie des critiques en raison de la douceur de sa voix: une voix de femme n’a pas l’autorité de celle d’un homme, on l’associe à une forme de faiblesse.

« Mais vous savez, c’est juste comme le début de n’importe quelle nouvelle aventure, raconte Michelle Bachelet.  Une nouvelle aventure est toujours remplie d’incertitudes et d’embûches, car les gens vont généralement opter pour ce qu’ils connaissent déjà. »

Elle encourage les femmes à aller de l’avant, à foncer et à prendre leur place. La démonstration des compétences féminines permet de faire changer les mentalités et de faire rêver les jeunes femmes.

Michelle Bachelet est la fille du général Alberto Bachelet, qui a œuvré pour le gouvernement de Salvador Allende, avant d’être torturé par le général Pinochet lorsque celui-ci a pris le pouvoir par un coup d’état le 11 septembre 1973. Michelle Bachelet et sa mère, l’anthropologue Angelina Jeria, ont toutes les deux été emprisonnées pendant les premières années de la dictature militaire.

 

Source: GaïaPresse

 

 

GaïaPresse a pu envoyer la journaliste Jessica Nadeau à la Conférence des Nations Unies sur le développement durable à Rio au Brésil grâce à un soutien financier du Gouvernement du Québec. 
 

Partager.

Répondre