Les élections ne régleront rien

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Par Michel Venne
Directeur général, Institut du Nouveau Monde


 

Lettre ouverte

1er juin 2012

 

En rompant les négociations avec les étudiants jeudi, le premier ministre Jean Charest invite les Québécois à choisir un camp et à en découdre aux prochaines élections. Outre le fait que cette situation crée un vide qui ouvre la porte à toutes les dérives au cours des prochaines semaines, cette invitation à être avec lui ou contre lui impose quelques remarques. Nous ne soulevons que celles qui touchent directement la question de la participation citoyenne au débat démocratique.

1. L’invitation à choisir son camp est néfaste pour le Québec. Elle exacerbe les tensions. Elle invite à considérer celui qui propose une vision nuancée des choses comme son adversaire, voire son ennemi. Elle mine la confiance des Québécois les uns envers les autres. Or la confiance est une condition du développement économique et social.

La polarisation, si elle devait durer, rendra inextricable la résolution de conflits dans tous les domaines, car elle pousse les citoyens à se constituer en factions et à créer des rapports de force au lieu de chercher à s’entendre par la concertation, la négociation ou le partenariat sur des projets qui servent l’intérêt commun.

2. En proposant de régler la question par des élections, le premier ministre s’en remet à une conception de la démocratie qui n’a aucun avenir dans une société complexe et diversifiée comme la nôtre. Le vote tous les quatre ans n’est qu’un des moments de la démocratie. La démocratie est surtout constituée des débats publics qui se déroulent entre les élections.

Ils sont une condition essentielle de la vitalité démocratique, ils stimulent la participation des citoyens à la recherche de solutions communes et éventuellement ils sont également un facteur important dans la participation au vote, à la démarche électorale comme telle. Ces débats passent par divers mécanismes de consultation et de concertation.

3. Parmi les moyens dont disposent les citoyens pour participer à ce débat, les manifestations sont légitimes. La contestation est un élément intrinsèque de la démocratie. Mettre au ban ces moyens-là entraîne un rétrécissement de l’espace politique. Les groupes qui disposent d’un accès moins direct aux détenteurs du pouvoir doivent avoir des moyens d’exprimer un point de vue différent. La colère est acceptable, elle doit pouvoir s’exprimer dans l’espace démocratique et il est vain de la nier, notamment en l’opposant au silence de ceux qui constitueraient la majorité silencieuse.

4. Des jeunes ont choisi de participer au débat démocratique sur une décision du gouvernement. Dans sa propre Stratégie jeunesse adoptée en 2009, le premier ministre, qui est aussi ministre de la Jeunesse, reconnaît la participation citoyenne des jeunes comme une condition du développement du Québec.

Les étudiants l’ont cru. Ils ont participé. Mais ils se sont fait dire par le gouvernement que leur place était en classe. Aujourd’hui, c’est sur leur dos qu’il invite les Québécois à se diviser en deux camps. Il les pousse à la marge de la politique au lieu de les y intégrer. Ensuite, on les dira désabusés…

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