Texte d'opinion – Un lendemain de veille au drôle de goût!

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Ce texte a été rédigé au lendemain de la Fête nationale du Québec, le 25 juin 2011. Compte tenu de sa pertinence et de l’influence qu’il peut avoir sur l’organisation des festivités de 2012 et des années subséquentes, l’auteur a décidé de le faire circuler à plus grande échelle.

 

Au lendemain de cette fête nationale, je me lève avec un goût amer. Pas tant pour avoir fêté le patriotisme à l’honneur cette année, ni pour avoir défié les conseils de M. Labeaume concernant les abus d’alcool. Non, c’est pour avoir participé à un rassemblement régional avec un mouvement séparatiste valorisant la fierté d’être québécois.

Au menu, comme entrée : la bière américaine en quantité assurément suffisante pour tous. Je vois bien que les conseils de limitation de quantité d’alcool n’ont fait aucune place à la qualité locale, régionale ou provinciale. Sur la table, agencée parfaitement, le petit pain blanc ensaché habituel nous attend avec, comme valeur nutritive et ingrédients, le minimum trouvé sur le marché. Tout le monde acquiesce, ce sont les rouages du temps. Pourtant, à deux coins de rue de là, nous y retrouvons deux boulangeries artisanales soucieuses de s’approvisionner en produits régionaux.

Le plat principal consiste en un bœuf braisé apprêté de façon professionnelle par un gars qu’on peut identifier régulièrement… premier point positif. Toutefois, notre cuisinier ne sait pas trop d’où viennent ses ingrédients. Pour être agriculteur moi-même, je connais bien les efforts mis sur la traçabilité de nos produits. Je peux dire que cela coûte plus de 5 millions de dollars aux Québécois, sans parler des charges substantielles que doivent assumer les producteurs. On nous vante les mérites d’être les leaders en la matière. Nous avons pourtant tous hier, journée de la fête nationale, passé outre le respect de ces efforts.

Qu’on me parle de séparation, d’indépendance, de souveraineté dans les médias ou à travers mon parti, qui se dit être le seul à pouvoir y accéder, est un rêve théorique s’il n’est pas concrétisé aujourd’hui par l’indépendance alimentaire. À quoi bon fêter le patriotisme si, au menu de cette journée mémorable, nous ne sommes pas capables d’y faire honneur? À quoi bon se remémorer une sommité de l’époque au caractère volubile ou à la plume sensible si ce souvenir n’est pas appuyé par des actions concrètes du peuple québécois?

Alors, en cette journée de la fête nationale, je suis fier d’écouter à la radio tous les artistes québécois, de manger une alimentation saine provenant sans aucun doute de nos défricheurs ancestraux et des producteurs locaux. Si en cette journée de congé servant aussi aux bricolages de la maison, je ne suis pas en mesure notamment d’avoir le bois coupé et transformé par mon voisin ainsi que la tourbe régionale pour mon potager, il me reste un sacré bout de chemin à faire avant d’être souverain.

À quoi bon fêter le patriotisme, et l’indépendance, si au départ nous ne croyons pas suffisamment en nos produits, fruits du savoir-faire qui coule dans nos veines, pour leur donner la vedette, à titre d’exemple au moins, durant notre propre fête nationale? De quelle fierté me parlez-vous au juste? Je me sens leurré d’entendre ces discours sans suite. Quand me permettrez-vous d’attacher fièrement mes bottines pour que je puisse retrouver la noblesse dans un contrat social de consommer québécois?

 

Source: Romain Dubé, producteur certifié d’agneaux biologiques

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