L’environnement : la protection est acquise et la mise en valeur des ressources environnementales est prioritaire

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Par Harvey L. Mead
Premier Commissaire au développement durable du Québec 2007-2008 et auteur de L’indice de progrès véritable : Quand l’économie dépasse l’écologie (MultiMondes, 2011)


Mots-clés: Parti libéral du Québec, Parti québécois, Coalition Avenir Québec, Québec solidaire, environnement, plateformes électorales

 

L’événement du 22 avril dernier – plus de 200,000 personnes dans la rue pour « célébrer » le 43e Jour de la Terre – méritait un suivi, une sorte de mise en œuvre. Finies les plaidoyers devenus récurrents et prévisibles du mouvement environnemental, entre un assemblage de groupes qui ciblent, finalement,  même si c’est vaguement, un nouveau modèle de société, un nouveau modèle économique. Le printemps érable y était, tout comme les syndicats et une multitude d’individus ayant regardé passer les demandes environnementales pendant des décennies.

L’intervention de huit groupes environnementaux dans la campagne électorale le 14 août laisse de profonds questionnements dans ce contexte. La plateforme [1] – qui vise à combler la lacune que l’on constate, qu’aucun parti politique n’a émis de plateforme environnementale – débute avec un rappel de l’évènement du 22 avril. Mais la même page d’introduction se termine avec un appel pour que le Québec bâtisse « une économie verte », suivant le discours – que je qualifie d’absurde – de l’OCDE et de la Banque mondiale [2]. Ce n’est pas tout à fait ce que l’on attend comme suivi du 22 avril.

Les plateformes des différents partis politiques sont en ce sens plus intéressantes que celle des groupes environnementaux. C’est clair, les partis, pour la plupart (QS étant l’exception), prônent la croissance économique et le maintien sur les rails du modèle économique actuel avec l’idée de le transformer en économie verte.

Mais les discours sont clairement situés dans le cadre économique et politique qui détermine de nos jours toute intervention en « environnement », reconnaissant même que ce terme est devenu assez vaste dans ces référends, exigeant des prises de position larges.

 

Environnement « absent » dans les plateformes

Tous les partis incluent dans leur plateforme une prise en compte des ressources naturelles, les enjeux énergétiques, et des transports. Dans le cas du PLQ, il n’y a pas de véritable plateforme, l’environnement n’est pas mentionné parmi les enjeux, mais il y a un plan économique. Le Plan Nord est toujours le « plus important projet de développement durable au monde » qui « met en valeur nos ressources naturelles dans le respect de l’environnement et des écosystèmes » ; le réseau hydroélectrique, dont le potentiel de développement reste important, fait que le Québec est déjà un « leader des énergies propres et de la lutte contre les changements climatiques ».

 

Environnement pris pour acquis

Le plan libéral propose que le Québec est en bonne position pour devenir « un leader des technologies environnementales [et]des transports électriques ». Il n’y a pas de « plan environnemental » complémentaire dévoilé par le PLQ, qui prend l’environnement comme un champ d’action économique.

En fait, il ne s’attarde nulle part au « défi écologique » souligné par QS dès la première page de son Plan vert. Il faut chercher ailleurs – finalement, dans ses interventions – les orientations du PLQ concernant les transports et les programmes spécifiques touchant les gaz et le pétrole de schiste, importantes dans la plateforme des groupes.

Dans ces cas qui ne figurent pas dans un plan, nous les avons vu justement comme des occasions économiques que le gouvernement libéral espérait exploiter, assez généralement sans prise en compte même des impacts environnementaux traditionnels.

 

Alternative : s’enrichier avec une empreinte écologique exigeant déjà trois planètes

Pour le PQ, ce sont justement ces thèmes qui se trouvent explicitement mentionnés dans la page d’introduction de la plateforme : il y aura une « politique d’indépendance énergétique » (par rapport au pétrole), les transports seront « un projet économique majeur », le tout ciblant une « économie verte », et il y aura des changements quant aux redevances actuelles sur les ressources naturelles (surtout minières). Il n’y a pas mention de l’environnement, directement. Ce thème n’est mentionné qu’une seule fois dans la table des matières, en relation aux changements climatiques [3].

Comme pour le PLQ, le PQ englobe les enjeux environnementaux dans un contexte plus global. Et comme le PLQ, le PQ fait de ce contexte l’occasion pour le Québec de « s’enrichir » grâce au potentiel de développement économique que l’environnement recèle, sans allusion aucune au défi écologique.

Il faut se le rappeler : ce défi comporte entre autres une activité économique et sociétale de la province qui dépasse par 200 % la capacité de support de la planète, si tout le monde vivait comme nous. Notre « richesse » est une illusion morale et physique que les plateformes ne reconnaissent pas.

Finalement, la plateforme des groupes environnementaux n’en tient pas compte non plus, ciblant une croissance verte qui ne peut qu’aller à l’encontre de notre empreinte écologique déjà trop importante.

 

Protégéer, comme dans le passé…

Cette reconnaissance ne se trouve pas plus dans la plateforme de la CAQ, qui se place par contre dans les traditions environnementales plutôt habituelles; elle promet de « protéger » l’environnement – dans la même phrase qu’une promesse de favoriser la croissance économique – et fonce sans beaucoup de distinctions dans le développement durable.

« La Coalition estime qu’il faut mettre fin à l’opposition stérile qui a trop longtemps dominé le débat public entre le développement économique et la protection de l’environnement. Cette vision passéiste n’a plus sa place dans le monde moderne. Voilà pourquoi la Coalition inscrit sa politique environnementale dans le cadre large du développement économique et énergétique du Québec. »

La CAQ rejoint ainsi le PLQ et le PQ. Elle reconnaît que la dégradation de l’environnement est contraire au développement économique, et affirme que « les économies d’énergie et le développement des transports publics constituent non seulement des mesures de gestion rationnelle des ressources, mais plus encore un moteur de progrès économique indéniable. »

Le développement hydroélectrique serait même « une priorité nationale ». Pour les gaz de schiste (et le pétrole, on peut présumer), la CAQ s’engage à ce qu’il y ait « acceptabilité environnementale et sociale », pas la même chose que le risque nul ciblé par les groupes.

La naïveté de toute la série d’engagements et de constats semble aller de pair avec celle ciblant un guichet unique pour l’évaluation environnementale – ce qui existe déjà pour des projets touchant les deux juridictions, mais dont l’idée que le fédéral transfère ses compétences semble manifestement une illusion.

 

PQ, PLQ, CAQ : Modèle économique dépassé face aux défis écologiques

Le PQ et le PLQ se restreignent dans la répétition d’engagements présumés en termes de discours sur la protection de l’environnement. Comme la CAQ, ils insistent sur l’intégration de cette protection dans le développement économique, qu’ils priorisent. Et les trois réussissent à ne soulever d’aucune façon les rapports de calibre international portant sur un ensemble de « défis écologiques » qui n’ont plus rien, ou presque, avec les revendications traditionnelles pour cette protection.

 

Ère de dépassement de la capacité de support de la planète

Le développement économique des dernières décennies a démontré clairement sa capacité à dégrader inéluctablement l’environnement. Il semble clair que le Québec a un avantage, avec son réseau hydroélectrique, quand il viendra à se couper du pétrole, mais le discours des trois partis sur l’énergie ne reconnaît pas les enjeux mondiaux à son égard.

Pour les transports, les énormes défis associés à un aménagement urbain moins dépendant de l’auto sont également une évidence. L’ensemble des engagements propose ce qui n’a jamais vu le jour, dans la réalité des 50 dernières années de revendications.

Comme déjà souligné dans le premier texte portant sur les enjeux électoraux, le Parti Vert du Québec (PVQ) ne va pas plus loin que les autres partis à cet égard. Option nationale propose plusieurs interventions relatives aux ressources naturelles qui semblent les reconnaître comme autre chose que des entrants dans l’activité économique.

Par contre, son saisi des enjeux du développement durable, selon la plateforme, est des plus fondementaux, et l’ensemble de ses propositions s’insère dans une vision de la poursuite de l’activité économique selon le modèle actuel. Seul Québec Solidaire reconnaît « l’enjeu écologique » comme étant d’une envergure telle qu’il exige une transformation de l’économie, plutôt que la poursuite du modèle en place depuis longtemps et qui a léguéjustement ce défi. QS traite  aussi des transports et de l’énergie, ainsi que des ressources naturelles, sans chercher à identifier ces enjeux comme « environnementaux »

Sans reconnaître les fondementaux planétaires pour l’identification des enjeux et le choix des priorités, nos partis politiques semblent bien entrés dans la deuxième moitié de l’ère du pétrole, une ère de limites et de restructurations.

Les groupes environnementauxpeuvent bien rester sur leur appétit en matière d’engagements touchant l’environnement, mais ce qu’ils proposent reste soit dans le mode des revendications de longue date (et non écoutées), soit dans de nouveaux correctifs – une « économie verte » – qui exigeraient tellement de changements structurels dans le modèle actuel, qu’ils rejoignent l’absurdité des orientations de l’OCDE et de la Banque mondiale, incapables de se sevrer du modèle de croissance dominant.

Nous sommes loin des espoirs du 22 avril dernier et sommes toujours ancrés dans les traditions de maintenant 43 Jours de la Terre…

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