De l'âge de pierre à la transformation sociale

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Par Michel Lambert
Directeur Général et co-fondateur d’Alternatives


Ce texte a été publié sur le site Le Journal des Alternatives.

 

En juin dernier, la loi C-38, qualifiée de mammouth sans doute pour son côté préhistorique, fut imposée par les troupes réformistes de Stephen Harper malgré plus de 800 amendements, tous rejetés, déposés par les partis d’opposition. En un instant, plus de 70 lois, essentiellement à caractère environnemental, furent affaiblies. Ainsi s’ouvrait un nouveau chapitre du grand livre antienvironnemental conservateur.

Car en fait, près du tiers des 400 pages de la loi omnibus visait essentiellement l’extension de la tuyauterie bitumineuse d’abord vers l’ouest et sans doute très rapidement vers Montréal. Mike de Sousa, journaliste de Canada.com rendait récemment public le document marqué « Secret 153590 » préparant une rencontre entre Peter Kent, ministre de l’Environnement et Brenda Kenny, Président de l’Association canadienne des pipelines d’énergie. Kent y annonce alors une tactique prédéterminée : le gouvernement va « moderniser », lire affaiblir, les régulations environnementales pour favoriser le développement des projets d’oléoducs.

À peine deux mois après l’adoption de C-38, l’Agence canadienne d’évaluation environnementale confirme que les nouvelles règlementations ont déjà entrainé l’annulation de près de 3000 évaluations dont un sixième directement liées au développement d’oléoducs. Il est indéniable dès lors que C-38 est un nouveau coffret d’outils qui permettra au gouvernement d’autoriser la pollution de l’eau ou de l’air, de s’attaquer aux groupes environnementaux et de la société civile et de limiter les consultations publiques ou toutes autres formes de critiques citoyennes devant ces décisions.

 

Chasser le mammouth

Sans tomber dans les allégories simplistes, il sera bon de se rappeler que nos ancêtres avaient tout de même compris qu’au gigantisme du monstre, il fallait imposer la force du nombre. Le 22 octobre prochain, des leaders communautaires, du monde des affaires, des Premières Nations, de l’environnement, des syndicats, du milieu médical, des arts et d’autres de partout au pays ont appelé à une importante action de désobéissance civile devant l’Assemblée législative à Victoria, en Colombie-Britannique pour s’opposer aux pipelines des sables bitumineux. Ce sont de telles manifestations l’an dernier qui avaient forcé le président Obama à reculer sur le projet d’oléoduc aux États-Unis.

La semaine suivante, c’est au tour d’Ottawa de regrouper les chasseur-e-s de mammouth. Du 26 au 29 octobre, plus d’un millier de jeunes de partout au pays sont attendus pour réfléchir ensemble et surtout pour proposer un changement de paradigme énergétique, un « Power Shift ». Déjà, la cible est claire. Ils proposent une importante campagne exigeant non seulement au gouvernement de remettre la protection environnementale au cœur de ses politiques énergétiques, mais surtout de cesser immédiatement de soutenir l’industrie pétrolière à même nos taxes et impôts. Faut-il le rappeler ? Ce sont près 1,5 milliard annuellement que nous finançons collectivement pour appuyer un secteur déjà milliardaire et polluant.

À l’heure des coupures et de l’austérité, 1500 millions pour le pétrole n’est rien de moins qu’indignant. Ces dollars pourraient être investis dans le développement d’énergies alternatives, pour soutenir les services sociaux, les logements sociaux, les droits humains, la coopération, etc. Minimalement, ils auraient pu être maintenus dans des centaines d’autres secteurs auparavant fonctionnels. Il s’agit d’un détournement ! Bien que les investissements dans les secteurs des énergies vertes, plutôt que l’austérité et la réduction des acquis sociaux, pourraient permettre une transition écologique offrant un début de réponse aux crises économique et environnementale, ce pétro-gouvernement est prêt à sacrifier tout sur l’autel d’intérêts rétrogrades. Cette attitude a fait du Canada, en quelques années seulement, un état-voyou dangereux pour la planète.

 

Les mouvements sociaux comme instruments de transformation

La colère et le mécontentement contre le gouvernement conservateur au pouvoir ne cessent d’augmenter partout au Canada. Organisations démocratiques, de femmes, associations culturelles, groupes environnementalistes, syndicats, communautés autochtones, étudiants – en réalité, toutes les organisations de la société civile – se sentent menacés et irrités par les politiques et les actions du gouvernement canadien. Des manifestations pour la justice sociale et environnementale ont surgi dans tout le pays. Les peuples autochtones se battent contre la spoliation de leurs territoires. Les casseroles sont descendues dans les rues de plusieurs villes à l’appui du mouvement étudiant au Québec. Les jeunes du Canada s’unissent avec ceux du Québec pour défier les politiques d’austérité néolibérales.

Depuis quelques jours, une tournée de leaders étudiants, le « Maple Tour » traverse le Canada anglais pour parler notamment de la lutte étudiante, mais surtout des leçons qui ont permis à cette lutte de transcender tous les secteurs. Pour vaincre le mammouth, il nous faudra dépasser la fragmentation ou l’isolement de nos mouvements. Nous devons travailler ensemble afin de créer des espaces communs où pourront s’exprimer toutes les dissidences, se tisser des liens de solidarité entre nos mouvements et s’élaborer des stratégies de convergence autour d’un authentique programme de progrès social.

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