Les victimes des sables bitumineux

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Par Jennifer Blanchette


L'exploitation des sables bitumineux à Fort McMurray en Alberta – Photo de Mickael Kalus (Flickr)

Mots-clés: sables bitumineux, économie, manufactures, matières premières, impacts environnementaux

 

L’exploitation des sables bitumineux au Canada contribue à améliorer l’économie du pays, certes, mais en laissant deux victimes principales sur son chemin : le secteur manufacturier et l’environnement.

C’est le principal constat obtenu à la suite d’un débat sur les impacts économiques pour le Québec de l’exploitation des sables bitumineux.

Pour l’un des deux conférenciers, François Barrière, vice-président développement à la Banque Laurentienne, miser uniquement sur l’extraction des ressources naturelles seraient une erreur puisque cela n’assure en rien l’avenir économique de la province. Surtout lorsque l’on sait que le Québec figure parmi les provinces dans lesquelles l’industrie manufacturière, actuellement en déclin, occupe une place prépondérante.

 

Perte d’emplois

«Il y a 50 milliards (G $) de moins en exportation du secteur manufacturier comparativement à 2002 et 50 milliards de plus en exportation des matières premières. D’un point de vue économique, le pays dans son ensemble fait autant d’argent. La différence, c’est qu’il le fait au détriment des manufactures. Les 50 G $ de moins dans le secteur manufacturier représentent la perte de 500 000 emplois versus à peine 50 000 de plus pour l’exploitation des matières premières», avance monsieur Barrière.

Le VP développement à la Banque Laurentienne croit qu’il faut plutôt regarder du côté de la diversification des sources de revenus et s’appuyer sur l’économie à long-terme.

«Que restera t-il lorsque les revenus engendrés par les matières premières reprendront un cycle économique régulier ou à la baisse? C’est pour cette raison qu’il faut améliorer la façon d’exploiter nos ressources premières et éviter de mettre toutes nos billes dans le même sac», soutient-il.

Pour monsieur Barrière, il est inacceptable qu’une seule génération puisse jouir des bénéfices économiques de l’exploitation des sables bitumineux.

Pour son adversaire de joute, l’économiste et professeur au HEC Montréal, Martin Coiteux, les sables bitumineux sont parfois envoyés trop rapidement sur le banc des accusés.

 «Le Canada est un exportateur net de matières premières, ce qui signifie que nous faisons des gains grâce à nos exportations. C’est précisément en raison de ce coussin, créé par l’exploitation des hydrocarbures, que notre pays a su rester stable durant la crise économique de 2008 et sa lente reprise par la suite», estime t-il.

Lorsque interrogé sur le déclin de l’industrie manufacturière, monsieur Coiteux indique que selon les données disponibles, tableaux à l’appui, ce secteur est en baisse depuis les années 1960. Il n’y a donc pas de lien explicite entre cette courbe descendante et l’exploitation des matières premières.

 

Un terrain d’entente

S’il y a bien un aspect sur lequel les deux invités s’accordaient, c’était celui des impacts environnementaux négatifs des sables bitumineux.

Abordé seulement en fin de débat lors de la période de questions, la question environnementale est tombée comme un cheveu sur la soupe pour les intervenants, chacun d’eux étant spécialiste en économie ou finance plutôt qu’en environnement.

«À défaut d’exploiter tous nos hydrocarbures, nous devrions concentrer nos efforts afin devenir des précurseurs dans le développement des énergies alternatives», estime François Barrière. Selon lui, seuls les prix élevés des barils de pétrole retiennent l’engouement actuel pour les énergies vertes. Si les coûts à la pompe venaient à diminuer, les gens se retourneraient rapidement vers le pétrole, croit-il.

Du côté de Martin Coiteux, la réponse est un peu plus mitigée. Il estime que la population utilisera le pétrole pour encore de nombreuses années, et ce, malgré l’importance et l’avenir prometteur des énergies vertes.

«Il ne faut pas croire que l’énergie éolienne offrira des revenus aussi intéressants que le pétrole pour le pays. Cela étant dit, l’exploitation des hydrocarbures doit se faire dans le plus grand respect de l’environnement et selon des politiques gouvernementales les plus serrées.»

Pour monsieur Coiteux, la taxation est un bon moyen d’assurer l’exploitation des matières premières sans abus environnementaux de la part des grandes entreprises.

 

Source: GaïaPresse

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