La ruée vers la finance carbone: nouveau colonialisme vert?

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Par Mahdiah El-Jed


Photo de Amy Miller – Tous droits réservés

Mots-clés: mécanismes de développement propre, Amy Miller, protocole de Kyoto, mécanismes de marchés, transition, La ruée vers le carbone

 

Le documentaire « La ruée vers le carbone » de la réalisatrice montréalaise Amy Miller était présenté à Doha dans le cadre de la conférence des élus. Le film a suscité de vives réactions et de fortes émotions chez les spectateurs.

« La ruée vers le carbone » traverse quatre continents et nous présente divers projets mis en place grâce aux mécanismes de développement propre (MDP), une initiative fortement soutenue par les Nations unies, et principale réalisation concrète du Protocole de Kyoto.

Cet audacieux documentaire pose des questions essentielles : que se passe-t-il lorsqu’on fait appel aux marchés pour régler la crise climatique ? Qui en tire profit, et qui en subit les contrecoups ? 

Des centaines de barrages hydroélectriques au Panama, des incinérateurs de déchets en Inde, du biogaz extrait de la palme africaine au Honduras, des plantations d’eucalyptus réservées à la production du charbon au Brésil: ces projets reçoivent tous des crédits de carbone pour compenser la pollution générée ailleurs. 

Pourtant, ces projets de compensation ont tous des sombres conséquences sur les communautés où ils sont implantés. Selon la réalisatrice, « ce sont les voix qui sont étouffées dans la cacophonie entourant l’émergence de la lucrative industrie du carbone, le nouvel « or vert ».

 

MDP contre pauvreté et misère

Ce que nous découvrons dans le documentaire est que, dans plusieurs cas, la mise en place de projets dans les pays en voie de développement par des entreprises a comme conséquence de forcer les communautés affectées dans encore plus de pauvreté. Ces corporations cherchent avant tout à récolter des crédits de carbone, sans se soucier des impacts sociaux de leur commerce.

En effet, des communautés autochtones de la forêt pluviale dépossédées de leurs terres ancestrales aux paysans assassinés par douzaines, en passant par la brusque disparition des moyens de subsistance des recycleurs de déchets, les projets de compensation entraînent de la discrimination, de l'exploitation et la violation des droits humains fondamentaux.

Selon la réalisatrice, les mécanismes du marché du carbone se résument à de l'échange de droits d'émission du carbone, mais n'entraînent en aucun cas une réelle transition vers une société plus sobre et moins dépendante des énergies fossiles. En effet, même lorsqu'il s'agit de projets de production d'énergie propre comme l'éolien par exemple, l'énergie produite est ensuite récupérée par l'industrie minière et autres industries extractives.

 

De sérieuses questions éthiques

Ainsi, de sérieuses questions éthiques émergent face à la mise en pratique du mécanisme de développement propre et devant le fait que le marché du carbone devienne une source de financement pour des entreprises polluantes. Devant la militarisation qui s'organise autour de certains projets et l'accaparement des terres qui en résulte, on pourrait même parler de nouveau « colonialisme vert ».

Par exemple, un projet d'éoliennes dépossède des paysans indiens de leurs terres et sert à verdir l'image d'un projet de construction d'un méga centre d'achat en Norvège. Un projet de « conservation » de la forêt en Amazonie se résume à une monoculture d'eucalyptus qui entraîne la déstructuration des communautés autochtones locales et entraîne même la mort d'organisateurs de coopératives agricoles qui osent protester.

Un visionnement privé du film sera présenté au comité exécutif international qui supervise le mécanisme pour un développement propre. Peut-être ont-ils besoin d'une dose de réalité qui vienne briser la bulle dans laquelle les négociations sur le climat semblent se dérouler. 

 

Mahdiah El-Jed participe à la conférence COH18 de Doha grâce au soutien financier et technique de l'AQLPA.

 

Source: GaïaPresse 

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