Sites miniers abandonnés : trop peu d’actions

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Par Eugénie Émond


 

Mots-clés : site minier, Québec Mines, Coalition Québec Meilleure Mine, Association minière du Québec,Chaire industrielle Polytechnique-UQAT en gestion des résidus miniers

 

L’État québécois est pris avec tout un problème environnemental sur les bras. C’est nous tous, à travers lui, qui sommes actuellement responsables de 181 sites d’exploitation minière abandonnés, sans propriétaires connus ou solvables. Ces sites couvrent une superficie de 3500 hectares, dont 80% sont situés en Abitibi Témiscamingue et dans le Nord du Québec.  À cela s’ajoutent 488 sites d’exploration minière et 10 carrières et sablières. 

Certains de ces sites ont déjà été restaurés. Par contre, les coûts estimés pour sécuriser les sites restants s’élèvent à près de 1,25 milliard de dollars (G $),  payables pour l’instant par les contribuables. Cette facture risque de s’alourdir avec le présent boom minier, si une refonte de la loi sur les mines n’est pas effectuée.

C’est dans ce contexte que se déroulait une séance sur la restauration des mines dans le cadre du Colloque Québec Mines, organisé par le ministère des Ressources naturelles en collaboration avec de nombreux partenaires de l’industrie.

 

Une définition floue

La loi sur les mines stipule que les minières doivent fournir une garantie financière représentant 70% des coûts de restauration du site exploité, ainsi qu’un plan de restauration. Encore faut-il s’entendre sur une définition de cette restauration.

 

Photo de Hangininthere – Flickr

Selon le ministère des Ressources naturelles, il s’agit de remettre le site dans un état satisfaisant. Par satisfaisant, on entend, entre autres, ‘’éliminer les risques inacceptables pour la santé et assurer la sécurité des personnes’’, ‘’limiter la production et la propagation de substances susceptibles de porter atteinte au milieu récepteur’’ et ‘’remettre le site dans un état visuellement acceptable’’.  Ce sont des points qui laissent large part à l’interprétation. 

Jean-Claude Belles-Isles, directeur environnement à l’Association minière du Québec (AMQ) reconnait que les normes en matière de restauration mériteraient d’être précisées.  Pour Christian Simard directeur général de Nature Québec et porte-parole de Québec meilleure mine, ce n’est pas une vraie restauration.

 « Ça va rester un trou d’eau, pas un lac, mais une plaie dans le paysage.  Même  restauré à 100%, ce n’est pas à 100% parce que souvent on n’est pas dans la restauration, mais seulement dans le confinement, on construit des digues, mais on doit surveiller ces sites à très long terme puisqu’ils ne sont pas totalement décontaminés », dénonce-t-il.

 

Une science jeune pour un vieux problème

Qu’il s’agisse de sites abandonnés ou actifs, leur restauration s’avère complexe au niveau physique et chimique.

Au Canada, même si les travaux de recherche sur le sujet semblent porter fruits, ils ne remontent qu’à une trentaine d’années, comme l’explique Bruno Bussière, professeur titulaire adjoint de la Chaire industrielle Polytechnique-UQAT en gestion des résidus miniers.

Une fois le minerai extrait, les résidus contiennent certains minéraux qui s’oxydent au contact de l’air et de l’eau. Ils produisent de l’acide sulfurique, phénomène chimique naturel, appelé drainage minier actif (DMA).

La plupart des techniques mises au point tentent de réduire la présence d’eau, d’air et de sulfures responsables de l’oxydation. Une des solutions consiste, par exemple, à ensevelir les résidus sous l’eau et ainsi utiliser le liquide comme barrière à l’oxygène.

 

Un problème croissant

Même si les techniques développées pour réduire le DMA de sites miniers actifs semblent efficaces, Bruno Bussière reconnait que les solutions trouvées jusqu’à maintenant ne sont pas parfaites.  D’autant plus que les techniques ont surtout été développées dans le contexte de mines en opération.

Dans le cas de sites abandonnés, les minéraux, en contact avec l’environnement depuis longtemps, ont eu le temps de créer d’autres réactions et d’autres problèmes complexes à enrayer, souvent de type bactériologiques. Aussi, si recouvrir le sol d’eau empêche l’oxygène de s’infiltrer, encore faut-il que les digues construites soient assez solides pour résister à toutes les intempéries qui se produiront au cours des cent prochaines années.

Et avec le développement du Nord, Bruno Bussière nous prévient que l’augmentation de l’exploration des mines amènera aussi  une hausse de sites abandonnés en climat nordique. Ce sont des conditions inconnues qui exigent d’autres recherches àfinancer.  

Christian Simard suit de près les travaux de Bruno Bussière. S’il reconnait que les solutions apportées sont intéressantes, il compare le tout au pouding à l’arsenic : ‘’On met du glaçage sur l’acide (dans ce cas-ci de l’eau ou une membrane), mais à long terme on ne sait pas ce que ça va donner. On ne saisit pas encore l’ampleur des conséquences que peuvent avoir l’oxydation indirecte, mais au moins, il se fait quelque chose.’’

 

Une responsabilité partagée?

Présentement, l’État et les minières se partagent la responsabilité de la restauration des sites actifs.

Les coûts de restauration représentent environ 5 à 10% des investissements initiaux pour l’ouverture d’une nouvelle mine. La Coalition Québec meilleure mine propose que ces garanties financières couvrent la totalité des coûts et soient payables avant le début des travaux.

 L’AMQ est parfaitement d’accord avec cette proposition. « On s’est prononcé, il y a un bout de temps là-dessus, pour que le gouvernement rehausse les garanties financières à 100% et c’est ce qui était proposé dans les dernières modifications à la loi sur les mines », explique Jean-Claude Belles-Isles . Le porte-parole de l’AMQ reconnait toutefois que la présente responsabilité partielle sur la restauration fait ombrage à l’industrie.

 La Coalition Québec Meilleure Mine exige également que les garanties incluent aussi les routes, les bâtiments et toute autre partie du territoire affectée par les travaux d’exploration ou d’exploitation minière, ce qui n’est pas le cas présentement. ‘’Souvent on nous dit : c’est plus comme dans l’ancien temps, mais structurellement c’est toujours comme dans l’ancien temps et on s’en va dans le Plan Nord sans le plan de restauration à 100%.  C’est aberrant.’’, ajoute Christian Simard.

 

Quelques initiatives

Le colloque Québec Mines sur la restauration des sites a également présenté Le Fonds Restor-Action Nunavik (FRAN)créé en 2007 par le gouvernement du Québec, l'industrie minière et les communautés inuits.  Il vise à financer la restauration d'anciens sites miniers et des pourvoiries abandonnées dans le Nord québécois.

Un peu plus de  2,6 millions (M $) ont été investis au cours des cinq dernières et 2,8 M $sont prévus pour les cinq prochaines années. Ces investissements ont permis de nettoyer 18 sites et de se débarrasser de 40 000 barils de pétrole, des centaines de réservoirs de propane et autres détritus.

Une belle initiative selon Christian Simard, mais qui est loin de combler le passif environnemental accumulé par les sites abandonnés. La Coalition propose d’ailleurs que la facture de 1,25 G $ que représente la restauration des sites abandonnés soit  payée en partie par les minières par une redevance spéciale estimée à 0.5% à 1% de la valeur brute du minerai extrait.

 

Établir un véritable dialogue

En attendant une autre réforme en profondeur de la Loi sur les mines, Christian Simard et la Coalition Québec meilleure mine auraient souhaité que les organisateurs de Québec Mines mettent en application les recommandations faites par l’Institut du Nouveau Monde suite au forum de discussion sur les mines organisé durant l’année 2012.

Le porte-parole de la Coalition réagit très fortement au fait que son organisation n’ait même pas été invitée au congrès : « On n’est dans aucune conférence, aucun panel, c’est ridicule, alors qu’on est au cœur du débat sur la nouvelle législation », déplore Christian Simard.

 

Source: GaïaPresse

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