Le prix des mots : 6 millions $

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Par Marina Tymofieva


 

Mots-clés : secteur minier, Noir Canada, Alain Deneault, Barrick Gold, poursuite pour diffamation

 

Photo de Jan Derk – Wikipedia commons

Comment un simple livre a-t-il pu provoquer un débat colossal sur la liberté de la presse et l'institution judiciaire canadienne ? En 2009, un ouvrage controversé a engendré l'adoption du projet de loi 99 et a fait du Québec la seule province canadienne a avoir modifié sa législation pour prévenir les « poursuites baillon ». Julien Fréchette a été, durant 3 ans, le témoin de la saga judiciaire entourant le livre tant controversé d'Alain Deneault, Noir Canada. Son documentaire, Le prix des mots, met en lumière les conséquences, au plan matériel mais surtout personnel, du fameux procès en diffamation qu'a lancé le géant canadien des mines aurifères Barrick Gold contre les auteurs du livre ainsi que la maison d'édition Écosociété.
 

Attaque contre la liberté d'expression

Dès la parution du livre en 2008, Barrick Gold, leader mondial de l'extraction minière de l'or,  a poursuivi les auteurs et l'éditeur principalement à cause d'une partie de l'ouvrage qui relie le géant minier à l'éviction et le supposé assassinat de 52 mineurs en Tanzanie en 1996. Le prix à payer : 5 millions de dollars pour dommages moraux compensatoires et un million à titre de dommages punitifs. La maison d'édition à but non lucratif riposte. « C'est difficile de faire chanter quelqu'un qui n'a qu'un vélo », confie Alain Deneault durant le documentaire.

 

Trois ans de lutte acharnée

Le documentaire s'immisce principalement dans l'intimité d'Alain Deneault et montre parfois les limites de sa capacité à gérer la situation. Plusieurs mises en demeure, interrogatoires hors-cour, et haute surveillance ont été le quotidien de l'auteur et de ses collaborateurs. « Des vies ont été chamboulées à jamais », affirme Guy Cheyney, ancien coordinateur des éditions Écosociété, victime de dépression suite au procès.

Les deux partis s'accusant de mener « une campagne de diffamation » d'un côté, et une « poursuite baillon » de l'autre ne sont arrivés à s'entendre que trois ans plus tard, lorsque les accusés se sont vus obligés de céder. Une déclaration publique conjointe est alors publiée, stipulant entre autres que « les Auteurs reconnaissent qu’ils n’ont pas de preuve d’implication de Barrick en Tanzanie en 1996 », mais qu'ils « continuent de s’enquérir du rôle des sociétés privées actives en tant que partenaires commerciaux auprès de représentants politiques africains engagés dans des conflits armés ». Le livre est, depuis, interdit d'impression et de publication.

 

Seule récompense : prise de conscience 

Malgré cet échec, les auteurs et la maison d'édition ont tout de même provoqué un changement considérable dans l'histoire de l'institution judiciaire du Québec, qui a adopté le projet de loi 99 contre les poursuites abusives. La bataille continue donc, puisque la saga de Noir Canada a inspiré à Alain Deneault son ouvrage suivant « Paradis sous Terre », nouvelle croisade contre les sociétés minières canadiennes parue aux éditions Écosocieté en septembre 2012. 

 

Source: GaïaPresse

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