Economie responsable : Les jeunes, les modèles et l'Afrique qui vient…

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Douala, Cameroun. Photo de Tatoute – Wikipedia commons

 

L’émergence économique de l’Afrique passe inévitablement par un tissu dense de TPE et PME ancrées dans le territoire avec d’importants engagements sociaux et environnementaux. C’est sur ce thème de la Responsabilité Sociétale des Entreprises, opportunités et risques pour les PME que nous interviendrons le 12 mars prochain à l’Hôtel Résidence La Falaise à Douala pour le compte de Entreprises du Cameroun (ECAM), la deuxième organisation patronale du pays.

 

Quel intérêt pour les jeunes africains dont 10 à 12 millions arrivent sur le marché du travail chaque année ?

Déconstruire nos imaginaires pour construire nos rêves. Tel sera le principal message délivré à la jeunesse africaine dans la matinée du samedi 16 mars au bien nommé hôtel Lumière de Akwa à Douala (entrée libre et gratuite). En effet, nous apporterons un éclairage sur les deux thématiques suivantes : « Economie verte et perspectives de développement : enjeux et défis pour les jeunes » et « RSE : méthode de gestion à faire valoir auprès des jeunes créateurs d’entreprises ». 

Mais pour passer de l’ombre à la lumière et saisir les immenses opportunités de l’économie responsable en Afrique, il est indispensable de bien choisir ses modèles. Sur un continent où le football est l’opium du peuple, il était probablement des millions de jeunes amassés devant les postes de télévision le 5 février pour suivre le match à rebondissement entre Manchester United et le Real de Madrid. Au même moment sur la chaîne de télévision camerounaise Equinoxe, Arthur Zang, 25 ans, l’un de nos modèles passait en direct dans l’émission regard social. 

L’histoire de ce génie désormais à la tête de la PME Himore Medical et ses six salariés est tout simplement incroyable. Et quand vous avez la chance comme de nous de rencontrer cette pépite à la tête bien faite, vous êtes agréable surpris par sa modestie, sa vision et surtout la pertinence de son analyse. Nous profitons d’ailleurs de cette occasion, pour remercier Arthur d’avoir accepté d’effectué le déplacement sur Douala pour partager avec d’autres jeunes son expérience de jeune chercheur, inventeur et créateur d’entreprise dans le contexte africain. Ceux qui auront la chance d’écouter ce pur produit de la génération Y seront surpris d’apprendre qu’au Cameroun, on peut concevoir un prototype de Cardiopad, mettre une vidéo qui fait le buzz sur Facebook et Youtube au point de susciter l’intérêt des médias. 

Un article du quotidien Le Jour va simplement accélérer le projet. A la suite de sa publication, Arthur sera surpris de recevoir un appel de la Présidence de la République du Cameroun, d’être reçu quelques jours plus tard par le Premier Ministre entouré de huit ministres et de recevoir quelques mois après la somme de 20 millions de Fcfa (30 000 euros) qu’il avait besoin pour la production des premiers appareils. Il vient de remettre les dix premiers Cardiopads aux Autorités Camerounaises pour les remercier du soutien. Vous n’y croyez toujours pas ? Alors rendez-vous le 16 mars à l’Hôtel Lumière, vous y verrez un peu plus clair avec le risque d’être ébloui. 

En plus de Arthur, nous avons demandé à Alain Rodrigue Ngonde Elong, 25 ans, assistant vacataire à l’Université de Douala et fondateur de Red Plast SARL, d’apporter un témoignage sur son expérience de jeune créateur d’une entreprise de recyclage des déchets plastiques. Dans un contexte camerounais et africain où les primo-créations sont rarement soutenues par les institutions financières, il vient de réussir l’exploit d’obtenir un prêt bancaire de 100 millions de FCFA (152 000 euros). L’autre particularité de Alain est d’être lauréat de nombreux prix et concours d’entreprenariat au Cameroun. Le dernier en date est l’Initiative Jeune du Groupement Inter-Patronal du Cameroun, GICAM. 

D’ailleurs les jeunes africains pourraient également avoir pour modèle Marème Malong Samb, Directrice Générale de MW Marketing Services et surtout membre influent du bureau du GICAM. Dans le long portrait élogieux dressé à son égard par le magazine Forbes Afrique de janvier 2013, celle, qui est présentée comme une lionne sénégalaise au pays des lions indomptables, appelle à l’humilité « il faut relativiser les réussites. Dans nos pays, il n’y a pas besoin d’être génial pour percer. Du sérieux et du travail, cela suffit pour réussir. » 

La patience, sur un continent où l’enrichissement ultrarapide le « m’as tu vu » ou le « je possède dont je suis » semble être la règle, sera la principale menace pour la jeunesse africaine car le succès nécessite beaucoup de sacrifices et prend du temps. Les jeunes leaders et entrepreneurs africains ne devraient jamais oublier cette citation de Churchill « le succès est le passage d’un échec à un autre avec le même enthousiasme. »

Pour que les échecs servent de stimulants pour les prochaines échéances, les jeunes africains doivent changer le regard qu’ils portent sur leur continent. Pour voir plus clair, ne pas se priver des précieux conseils et analyses visionnaires de Jean-Pierre Elong Mbassi, Secrétaire Général de Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique, qui insiste à juste titre sur « les bonnes lunettes » quand on parle de l’Afrique. 

C’est ce quoi s’emploie avec talent et brio à chacune de ses interventions le franco-béninois Lionel Zinsou, Président de Pai Partners, l’un des plus importants fonds d’investissement en Europe. Son intervention le mois dernier à l’Assemblée Générale de la fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines (FANAF) était du même cru. 

Il souhaite un changement de regard sur le continent : « Il faut cesser de regarder l’Afrique à partir de ses exportations. L’Afrique serait en croissance même si elle n’exportait rien. On ne peut pas juger l’Afrique à partir des produits qui arrivent dans les ports européens. Le succès de l’économie africaine est endogène. C’est le travail et le capital qui font la croissance de l’Afrique. » 

Selon lui, le principal défi est le manque d’infrastructures financières adaptées à l’économie africaine afin de sortie de l’économie de traite. Il a rappelé que la Banque du Sénégal (aujourd’hui Compagnie Bancaire de l’Afrique Occidentale : CBAO) a été créée vers la fin de l’esclavage pour le passage de l’exportation des esclaves à celui des matières premières. 

Les institutions financières ne sont dont pas adaptées à l’économie africaine. Par ailleurs, en Afrique on épargne le plus mais il faut transformer cette épargne en investissement. Tels seront les deux principaux challenges des jeunes économistes pour préparer l’Afrique qui vient…ou qui est déjà.

Lors de l’AG de la FANAF, ce fut encore un immense plaisir de le revoir et d’écouter les analyses de Acha Leke, ce jeune et brillant camerounais, malheureusement inconnu dans son pays et pourtant une référence au niveau mondial. Le Directeur du Bureau de McKinsey au Nigeria est l’un des concepteurs du rapport Lions on the move : The progress and potential of African economies, qui sert aujourd’hui de référence pour les investisseurs, analystes et leaders politiques en permettant d’avoir les bonnes lunettes sur l’Afrique. 

En visite, en septembre dernier, en Guinée Conakry, Donald Kaberuka, le Président de la Banque Africain de Développement a préféré l’expression « En Guinée, il y a des routes à construire » à celle « il n’y a pas de route en Guinée ». L’effet d’optique et le regard qu’on peut porter sur la Guinée ne sont pas les mêmes selon les lunettes choisies. Dans le second cas, la problématique des infrastructures en Guinée est une contrainte alors que dans le premier il s’agit d’une opportunité. 

Ainsi de la santé à l’éducation en passant par l’énergie, l’eau, la formation, l’assainissement, l’agriculture, le transport, le tourisme et autres secteurs d’activités, en regardant l’Afrique avec les bonnes lunettes, les contraintes deviennent les opportunités. Mais dans un contexte de fortes tensions sur les matières premières et l’énergie, d’urgence d’insertion socio-professionnelle des jeunes, de lutte contre le changement climatique et la dégradation de la biodiversité, la valorisation du potentiel africain passe par l’économie verte inclusive. Voilà le premier challenge de la jeunesse africaine. 

Mais ces jeunes leaders devront également vaincre quelques défis actuels identifiés par Kabiné Komara, Ancien Premier Ministre de Guinée, en février dernier lors de la 13ème édition du forum de Bamako. Il s’agit de l’exclusion des minorités, les injustices et la carence sociale et économique, la corruption généralisée, la mauvaise gouvernance, l’intolérance et l’accaparement des richesses. 

La Responsabilité Sociétale des Organisations (Etat, Collectivités, Administrations et Entreprises) sera la boussole qui nous orientera vers le chemin de la prospérité pour le plus grand nombre, la société et l’environnement. Tel est le second challenge de la jeunesse africaine.

Dans une interview au Journal Métro, Mo Ibrahim ne dit pas le contraire « Nous avons besoin de deux choses : du leadership et de la gouvernance. Nous avons aussi besoin de leaders visionnaires qui prennent les bonnes décisions et les décisions difficiles. Si nous avons ça, la route devant nous sera parfaitement claire. » 

C’est d’ailleurs parce qu’il a été visionnaire que Mo Ibrahim, présenté dans Metro comme le Bill Gates de l’Afrique, a fait fortune dans les télécoms. Ces TIC qui bouleversent aujourd’hui nos vies au point de remettre en cause certains de nos dogmes qui perdent leur essence.

Ainsi en 2013, un vieux qui meurt en Afrique, n’est plus une bibliothèque qui brûle car une vidéo qui retrace l’histoire réalisée avec un téléphone portable au fond d’un village et publiée sur Internet y restera pour l’éternité. 

Même dans plusieurs siècles, quelques clics sur Internet ( ou ce qui lui ressemblera) suffiront aux petits petits enfants d’Arthur Zang de savoir que cette année, il a été sélectionné par le magazine Forbes comme l’un des 30 meilleurs entrepreneurs africains de moins de 30 ans. Plongées dans un étonnant voyage dans le passé, les générations futures pourront revivre l’histoire de leurs aïeuls et préparer l’Afrique qui vient.

Tel était d’ailleurs le thème du festival Etonnants Voyageurs organisé le mois dernier au Congo Brazzaville. Dans une interview parue dans l’hebdomadaire français Le Point du 7 février, Achille Mbembé présenté par le journal comme l’un des intellectuels africains les plus stimulants, donne sa vision de l’expression l’Afrique qui vient : « C’est une formule poétique, et tout à fait utopique (je le dis positivement). Pour mettre au jour les énormes possibilités du continent. Il faut une nouvelle hypothèse historique : lire l’Afrique à partir de sa capacité à devenir non seulement son centre propre, mais aussi le lieu où se joue l’avenir de notre monde. L’expression « l’Afrique qui vient » invita alors à un renouvellement d’analyse décisif à partir duquel pourrait être formulé une politique du futur africain. »

Jeunes africains, prenons donc nos sacs à dos pour cet étonnant voyage vers l’émergence d’une génération d’entrepreneur responsable car l’Afrique qui vient est à nous et nous disposons de bonnes lunettes…

 

Source: Thierry Téné, Directeur de A2D Conseil et Co-fondateur de l’Institut Afrique RSE

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