Climatologues victimes d’intimidation : Quand la politique s’immisce dans le débat scientifique

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par Eugénie Émond


Richard S. Bradley, climatologue,  est directeur du Centre de recherche sur le climat de l’Université du Massachussetts à Amherst et auteur de onze livres dont Global Warming and Political Intimidation paru en 2011.

Mots clefs : hockey stick, intimidation politique, changements climatiques, Raymond S. Bradley, Climategate

Science et politique font rarement bon ménage. Le climatologue américain Raymond S. Bradley l’a compris à ses dépens sous l’ère Bush.

ll y a dix ans à peine, aux États-Unis, le concept même de réchauffement climatique était remis en cause par les Républicains et différents groupes de pression. Ces climato-sceptiques voulaient empêcher toute législation visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre’’, explique le conférencier invité à l’INRS au début du mois d’avril.

Victime, sous l’administration de George W. Bush, de ce qu’il qualifie aujourd’hui d’intimidation politique, le chercheur a décidé de prendre la parole et de raconter son histoire.

Tout ça pour un graphique !

En 2001, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publiait son 3e rapport d’évaluation sur les changements climatiques. Des huit cents pages du volumineux ouvrage, un seul diagramme deviendra l’icône d’un scandale et l’arme des sceptiques.

Surnommé Le Hockey Stick (Crosse de hockey) en raison de la forme de la courbe graphique, le tableau créé par Bradley et ses collègues tentait de reconstituer l’évolution de la température moyenne dans l’hémisphère nord au cours du dernier millénaire. On y constatait que les variations étaient beaucoup plus importantes depuis le début de l’ère industrielle. L’équipe de chercheurs reconnaissait dès lors les limites de l’exercice en raison notamment du type de données utilisées.

 

Parfum de scandale

Le Hockey Stick est ensuite récupéré par quelques Républicains qui en réfutent les conclusions et, par le fait même, le rapport en entier. ‘’Le document du GIEC était une menace pour tous ceux qui étaient contre l’instauration d’une taxe carbone’’, juge le scientifique. Ce dernier est alors sommé par le Congrès américain de remettre tout document, lettre officielle et facture émise dans le cadre de ses fonctions depuis le début de sa carrière. Les médias récupèrent l’affaire qu’ils présentent comme une controverse.

‘’Les Républicains voulaient semer le doute au sein de la population au sujet du réchauffement planétaire, diviser la communauté scientifique et discréditer les chercheurs en affirmant qu’ils avaient transgressé des lois fédérales en utilisant des deniers publics pour effectuer des études menant à de faux résultats’’, résume le conférencier qui n’hésite pas à comparer ‘’l’ère Bush à celle de Harper’’.

 

Une intervention inespérée

Sherwood Boelhert, un Républicain siégant à la Chambre des représentants, mettra en 2005 un terme à cette enquête qu’il juge illégitime en appuyant publiquement les climatologues. Le politicien affirmait haut et fort que les débats scientifiques n’avaient pas leur place au Congrès.

 

Une forme de fascisme

La controverse du Hockey stick n’en n’est qu’une parmi d’autres Climategate qui ont éclaté aux Etats-Unis au tournant du siècle.

‘’Le gouvernement peut utiliser ses pouvoirs pour étouffer les citoyens et je considère que c’est une forme légère de fascisme’’, dénonce Bradley. Même s’il manque toujours de volonté politique pour adopter des mesures environnementales concrètes aux États-Unis,l’élection de Barack Obama en 2009 a sonné le glas de l’intimidation politique dont les climatologues étaient victimes.

‘’Je crois que nous n’en sommes plus là et j’espère que ce sera aussi votre cas lorsque vous élirez Justin Trudeau à la prochaine élection’’, a-t-il conclu.

 

Source : GaïaPresse

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