Front commun contre la luzerne génétiquement modifiée

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Par Bénédicte Filippi


"Les biotechnologies s'implantent sans qu'on en connaisse les conséquences dans le futur", déclare l'agriculteur Simon Halde, présent à la manifestation contre la luzerne GM. Photo : Bénédicte Filippi – Tous droits réservés 

Agriculteurs, environnementalistes et citoyens ont dénoncé le 9 avril dernier la commercialisation de la luzerne génétiquement modifiée (GM) de Monsanto. Organisée par le Réseau canadien sur les biotechnologies, la Journée d’action pancananadienne a trouvé écho dans plusieurs villes canadiennes.

 

À Montréal, les manifestants ont brandi banderoles et pancartes devant les bureaux d’Agriculture Canada, pressant le gouvernement conservateur de bloquer l’introduction de la luzerne GM sur le territoire canadien.

 

En 2005, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) avait homologué la semence, mais n’avait pas permis sa commercialisation. Une étape qui serait sur le point d’être franchie si Monsanto en fait la demande auprès des instances gouvernementales, avance le secrétaire Louis Ménard de la Fédération d'agriculture biologique du Québec. 

 

Hauts risques de contamination

« On a tout à perdre avec la luzerne OGM », explique l’agriculteur Simon Halde qui s’est déplacé de sa ferme à St-Mathias-du Richelieu pour être de la mobilisation. Le producteur de grandes cultures et de lait biologiques craint l’impact qu’aurait cette semence sur sa production. 

« La luzerne est l’une des plantes fourragères les plus utilisées au monde. Je l’utilise pour l’alimentation de mon troupeau. Le danger avec la luzerne génétiquement modifiée, c’est qu’elle peut contaminer tous les champs aux alentours. Ça m’affecte directement parce que dans les cahiers de charge de l’alimentation biologique, les OGM sont interdits », déclare-t-il. 

Une inquiétude partagée par le président de l’Union paysanne, Benoît Girard. « Contrairement aux cultures de soya ou de maïs, les abeilles vont énormément butiner la luzerne. Il y a une garantie de dissémination à grande échelle » assure-t-il. 

Une menace de taille donc pour les éleveurs de bovins et de vaches laitières biologiques, et pour la filière qui dépend d’eux: le lait, les fromages, le yogourt bio notamment.

 

Pas nécessaire

Le président de l’Union paysanne ne comprend pas l’intérêt de la luzerne GM. À l'opposé des cultures de soya ou de maïs où les agriculteurs doivent combattre les mauvaises herbes, « la luzerne est une plante qui pousse drue et qui laisse très peu de place aux espèces envahissantes », note Benoît Girard. « On ne voit donc pas l’avantage économique réel de cela ». 

Aux yeux de l’Union paysanne, la luzerne GM servirait les intérêts des multinationales. « À notre avis, il s'agit peut-être d'une réelle stratégie d’avoir une plante qui se dissémine à grande échelle. En nous mettant devant le fait accompli et en nous disant 'vous voyez la planète n'est pas détruite', ils essaient de prouver par l’inverse qu’il n’y a pas de danger », soupçonne-t-il. 

Une manoeuvre préoccupante pour l’agriculteur Simon Halde. « Les biotechnologies s’implantent sans qu’on en connaisse les conséquences dans le futur. C’est difficile de revenir en arrière après ça. Prenez l’exemple du canola, on ne retrouve pratiquement plus de canola sans OGM, alors que ça ne fait que dix-sept ans qu’il a été introduit au Canada », insiste-t-il. « On ne peut pas se laisser imposer des OGM de l’extérieur. Il faut être maîtres chez nous ».  

 

Appuis tous azimuts

Dans l’adversité, les forces s'unissent. En décembre dernier, les 400 délégués de l’Union des producteurs agricoles ont adopté à l’unanimité une résolution rejetant la commercialisation de la luzerne GM tant que les autorités gouvernementales n'auront prouvé que cette semence « ne compromet en aucun temps la production et l’accès aux marchés agricoles. » 

À cette opposition s’ajoute une quantité d’organismes dont la Fédération d’agriculture biologique du Québec (FAQB), la Fédération des producteurs de lait (FPLQ) et les Conseils régionaux de l’Environnement (CRE) qui ont tous refusé hier l’introduction de la luzerne GM. Dans le reste du Canada, c'est le Syndicat national des cultivateurs qui mène la charge. 

Le secrétaire de Vigilance OGM, Thibault Rehn, se dit confiant quant à la suite des choses. Il rappelle qu’en 2004, les agriculteurs ont réussi à bloquer l’introduction du blé OGM au Canada. « À mon avis si les consommateurs, les groupes environnementaux et les agriculteurs se mettent ensemble, on est capable d’empêcher la commercialisation », soutient-il. 
 

Source : GaïaPresse

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